« Voyage en histoire 15 : Les couches sociales, Afrique du nord, Ve siècle au XIe siècle » par Jacky Bayili.

La société de l’Occident musulman médiéval était composée, comme dans l’Antiquité toute proche, de trois catégories d’hommes : les esclaves, les anciens esclaves (généralement appelés mawālī) et les hommes libres de naissance.

Voyons d’abord les esclaves. Pratiquement absents des zones à dominante nomade et à forte structuration « tribale », leur nombre devint considérable dans les grands centres urbains. En évaluant ce nombre au cinquième de la population dans les grandes capitales d’Ifrīḳiya et d’Espagne, on a l’impression, à la lecture de nos textes, d’être au-dessous de la réalité. Comme dans les autres couches sociales, on trouve parmi eux des heureux et des malheureux. On les trouve dans les harems (favorites blanches ou noires et eunuques) comme on les trouve dans tous les secteurs de la vie économique, à tous les niveaux, depuis le riche intendant gérant la fortune de son maître jusqu’au paysan besogneux ou au domestique misérable spécialisé dans la corvée d’eau ou de bois. Mais, d’une façon générale, la condition d’esclave n’était pas enviable, malgré les garanties du fiḳh [loi] et les réussites exceptionnelles de certains.

Leur rôle économique était cependant immense. Ils étaient les machines-outils de l’époque.

On a en effet nettement l’impression, pour la partie orientale du Maghreb et pour l’Espagne, qu’une très large portion de la main-d’œuvre domestique, artisanale et rurale (surtout lorsqu’il s’agit des grands domaines englobant quelquefois plusieurs villages) était de condition servile ou semi-servile. Mais la condition d’esclave, si pénible fût-elle, n’était pas définitive. Il était possible de s’en extraire. On sait combien le Coran insiste sur les mérites de l’affranchissement. Aussi les rangs des esclaves étaient-ils, grâce aux effets cumulatifs de l’affranchissement et du rachat de la liberté, sans cesse éclaircis par le passage à une autre catégorie non moins importante : celle des mawālī. La mobilité sociale, qui était réelle, jouait en faveur de la liberté.

Les mawālī par affranchissement, quoique juridiquement de condition libre, restaient groupés autour de leur ancien maître dont ils formaient la clientèle. Sous le même nom on rencontrait aussi une foule de petites gens, des non-Arabes, qui se mettaient volontairement sous la protection d’un personnage influent (un Arabe) dont ils adoptaient la nisba (ascendance « tribale ») et devenaient ainsi sa gens. Maîtres et clients trouvaient dans les liens organiques du walā38 chacun son profit : le client profitait de la protection du maître, et le maître avait d’autant plus de prestige et de puissance que sa clientèle était nombreuse.

La masse des hommes libres se scindait à son tour en deux classes : une minorité aristocratique, influente, et généralement riche, la khāṣṣa; et une majorité de plébéiens, la ˓ āmma. La khāṣṣa était la classe dirigeante. Ses contours étaient plutôt flous. Elle groupait l’élite de naissance ou d’épée, l’élite intellectuelle, et toutes les personnes fortunées d’une façon générale. L’opulence de certains de ses représentants tels les Ibn Humayd, une famille de vizirs aghlabides qui s’étaient immensément enrichis dans le commerce de l’ivoire, atteignait quelquefois des proportions fabuleuses. La ˓āmma était composée d’une foule de paysans, de petits propriétaires, d’artisans, de boutiquiers, et d’une masse de salariés qui louaient leurs bras 38. Walā : relations entre le maître et l’esclave ou l’ancien esclave aux champs comme en ville.

Sur ses franges inférieures, sa misère frisait le total dénuement.  Mais l’espoir de s’élever vers la khāṣṣa n’était pas interdit à ses membres. Aucune structuration juridique figée ne s’y opposait.

Docteur Jacky Bayili (attaché scientifique à la province du Sanguié)

Expert en économie solidaire, merci à Bahiome ; Union des Groupements Féminins/Ce Dwane Nyee (UGF/CDN)

Source : Quoniam.info Chercheur Permanent Luc Quoniam Université Aix-Marseille – Région Sud Toulon Var ….

D’après les collections à l’Unesco et l’université de Ouagadougou, le collectif asso paca et l’association culture et partage…

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