Lettre ouverte de Philippe César Boutimba Dietha à Monsieur Steeve Nzegho Diecko, SG du PDG sur la politique de « préférence exogène » au Gabon.

Au nom de la prestigieuse éducation que vous et moi avions reçue chez les catholiques du Collège Bessieux de Libreville, j’ai l’honneur de requérir votre grande autorité pour demander et obtenir de tous vos militants, la cessation de cette horrible politique de « discrimination systématique » au seul bénéfice des « concitoyens récents ou de passage », donc au désavantage des natifs de la République Gabonaise. Depuis une quinzaine d’années plusieurs de vos mandataires au gouvernement de la République, au cabinet du Chef de l’État, au parlement, dans la Haute Administration, en entreprises et dans les sociétés para-publiques, font le contraire de ce qui est écrit dans votre Petit-Livre Vert. À Port-Gentil les agents de Satram vivent comme des SDF. Dans tout le pays les clients de la PostBank cherchent leur argent. Tous ces gens-là sont ignorés par la puissance publique. Pendant ce temps, Monsieur le Secrétaire Général, votre gouvernement s’en va payer les salaires d’un pays entier, dans la sous-région. Le mutisme du Secrétariat Exécutif et le silence du Conseil des Sages du Parti Démocratique Gabonais seraient-ils des cautions politiques à ces agissements?

Ce qui est certain c’est que nos us et coutumes s’y opposent. Les juges coutumiers de la Louetsi disent que celui qui possède un chien ne jette pas les ossements (du gibier) au loin.

Chaque jour nous assistons à des spoliations foncières et à des casses immobilières visant surtout les concitoyens d’origine. Nous l’avons vu en 2022 au quartier Glass lorsque des gabonais installés-là depuis un siècle entier ont été démolis devant les caméras de télévision par un concitoyen d’origine mid-orientale. Le PDG n’a rien fait pour stopper cela, Monsieur le Secrétaire Général. Il paraît que le président Omar Bongo Ondimba en son temps s’était opposé à cette destruction, malheureusement elle est devenue possible sous votre Exécutif, Monsieur le Secrétaire Général. Nous revoyons les mêmes comportements en 2023, essentiellement dans la Commune d’Akanda où le scandale immobilier avait été prédit depuis 2009 par votre adversaire politique de l’époque, le regretté André Mba Obame. Pendant ce temps en République de Guinée Équatoriale, la loi dit qu’un immigré ne peut pas obtenir un titre foncier au préjudice d’un autochtone. Monsieur le Secrétaire Général, pourquoi votre gouvernance politique n’a-t-elle jamais initié un tel projet de loi dans notre pays? Vous qui êtes issu des peuples du patriarcat, vous connaissez parfaitement cette Maxime de nos anciens: « Si on te demande de compter les femmes de ton père, commence par compter ta mère ».

Monsieur le Secrétaire Général,

Vous et moi étions pensionnaires du « Col-Bess » lorsque la politique de « gabonisation des postes » avait retiré à l’excellent Monsieur Apollinaire Akotegnon le statut de PRÉFET DES ÉTUDES DU PREMIER CYCLE pour le confier au jeune Monsieur Guy Germain Mbesot, à l’époque professeur de Mathématiques en 4ème et 3ème. Sans montrer le moindre agacement, le Docteur Akotegnon avait repris le chemin de la craie comme professeur d’histoire-géographie, au grand bonheur de plusieurs générations de « Bessieuxards » qui se sont succédées jusqu’à sa mise en retraite. Aujourd’hui Monsieur Guy Germain Mbesot est une icône de notre système éducatif, grâce la gabonisation des postes. Mais vous savez que Monsieur Akotegnon n’était pas le seul touché par cette politique, il y avait aussi un français de la Congrégation des Frères de Gabriel auquel on retira la fonction de CENSEUR DU SECOND CYCLE dans le même Collège Bessieux, en échange du modeste statut d’intendant où il vendait des tee-shirts jaunes et bleus de notre uniforme et distribuait des bâtons de craie aux enseignants. À aucun moment de cette réforme, le clergé de Sainte-Marie n’avait été assimilé à une bande de xénophobes. Bien au contraire, cette politique qui avait déjà permis à Madame Marcelle Ogombé de devenir la directrice de cette prestigieuse institution en lieu et place des religieux français en septembre 1985, facilita entre autres la nomination de notre professeur d’histoire-géographie de 6ème. Monsieur Joseph Massala nous quitta à la fin du premier trimestre pour devenir directeur du Collège Saint-Gabriel de Mouila. Monsieur le Secrétaire Général, ce patriotisme de l’ère monopartiste a façonné notre petite adolescence: pourquoi a-t-il disparu des réflexes du Parti Démocratique Gabonais?

À la création du PDG le 12 mars 1968, la politique de votre Président Fondateur était L’UNITÉ NATIONALE et non L’UNITÉ CONTINENTALE ou MONDIALE. Vous qui occupez aujourd’hui son tout premier fauteuil au sein du parti, vous savez qu’Albert Bernard Bongo avait été clair: « Lorsqu’un gabonais va à la chasse, tout le village partage le gibier ». Albert Bernard n’avait jamais écrit que la terre entière devrait partager le gibier des gabonais. Non Monsieur le Secrétaire Général, le Petit-Livre Vert prescrit au chasseur gabonais de partager avec le « village », ce qui sous-entend la population endogène, autrement dit notre communauté nationale.

Le même Albert Bernard avait écrit: « Si un étranger nous apporte sa force de travail, apportons-lui en retour notre amitié ». Monsieur le Secrétaire Général, les gabonais ont toujours appliqué cette maxime. Vous et moi avons grandi ou fréquenté avec des togolais, des béninois, des maliens, des sénégalais, des libanais, des haïtiens, des français, des camerounais, des zaïrois, des congolais, des rwandais, des burundais, des saõ-toméens, des ivoiriens, des mauritaniens, des centrafricains et j’en passe. Ces gens-là devenus nos frères et sœurs. Avant 2009, personne parmi eux n’avait jamais ambitionné de diriger la SEEG, le FGIS ou l’Office Pharmaceutique Nationale. Aucun d’eux n’avait jamais eu l’intention de devenir ministre de la République en lieu et place des autochtones. Non Monsieur le Secrétaire Général, ce qui se passe aujourd’hui n’est pas la faute de nos concitoyens d’adoption, plutôt la seule conséquence des choix politiques de vos militants, et non l’initiative des gabonais d’origines expatriées.

Monsieur le Secrétaire Général,

L’amitié dont parlait votre président fondateur n’a jamais été synonyme de spoliation, de brimades ou de remplacement. L’enseignant que vous êtes le sait très bien: la racine du mot ami c’est le mot amour. Une amitié sincère est fondée sur un amour réciproque. Maintenant voici la question: est-ce que vous aimez le peuple gabonais, Monsieur le Secrétaire Général? Est-ce que votre DCP aime le peuple gabonais? Est-ce que votre BP aime le peuple gabonais? Est-ce que votre Secrétariat Exécutif aime le peuple gabonais? Est-ce que le Conseil des Sages de votre parti aime le peuple gabonais? Est-ce que votre majorité parlementaire aime le peuple gabonais? Est-ce que vos militants du gouvernement et de la Haute Administration aiment le peuple gabonais?

Dans le vif espoir de votre inclination, recevez, Monsieur le Secrétaire Général, cher concitoyen et frère, l’expression de mes vœux de plein succès.

Philippe César Boutimba Dietha

Obone Flore

Journaliste

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