Un parfum de scandales politico-judiciaires au Gabon !

Une série de scandales semble pointer de nouveaux risques publics pour lesquels les décideurs politiques devraient désormais être jugés comme politiquement mais aussi pénalement responsables. Ces mises en cause n’apparaissent néanmoins pas naturellement. Elles s’inscrivent dans le sillage des scandales politico-financiers qui ont, en quelques années, redéfini l’espace des possibles.

L’histoire des affaires politico-judiciaires du Gabon prouve que ses dirigeants restent relativement peu inquiétés par la justice. Africa Intelligence dans son numéro du 7 octobre 2020 en fait la malencontreuse démonstration :

« Cette montée en puissance de la DGR fait écho au désarroi du parquet gabonais sur le dossier ‘’Scorpion’’. Au terme d’une année d’enquête, les magistrats n’ont que très peu d’éléments concrets sur l’enrichissement illicite de Brice Laccruche, et n’ont pu lancer aucune commission rogatoire, à l’inverse de l’opération ‘’Mamba’’ qui visait l’ancien Ministre des travaux publics Magloire Ngambia, où la justice gabonaise avait très vite sollicité la Suisse.

Pire : certains fonctionnaires des trois services enquêteurs auraient commis des écarts dans des actes du dossier ‘’Scorpion’’. Une partie des valeurs saisies lors de perquisitions aurait ainsi disparu. Une enquête interne aux trois services a été ouverte et plusieurs fonctionnaires mis à pied. Ces loupés expliqueraient en partie la disgrâce de Brice Clotaire Oligui Nguema, qui avait pris la tête de la DGSS en octobre 2019 avant d’en être écarté six mois plus tard et d’être hâtivement promu à la tête de la Garde républicaine.

La différence de conduite entre les dossiers ‘’Mamba’’ et ‘’Scorpion’’ est d’autant plus étonnante que les deux enquêtes ont été partiellement coordonnées par les mêmes personnes. Ian Gyslain Ngoulou, l’actuel directeur de cabinet du Coordinateur des Affaires Présidentielles Noureddin Bongo, faisait ainsi partie de la cellule qui suivait le dossier ‘’Mamba’’ en 2016. Il a ensuite été détaché pendant un an au Silam, le service d’interception de la Présidence Gabonaise dirigé par le Français Jean Charles Solon.

Depuis plusieurs semaines, le parquet et la police gabonaise s’emploient à évaluer l’ampleur des dégâts que les manquements pourraient avoir occasionnés sur le dossier, afin que l’enquête, très largement médiatisée, ne s’effondre pas à la barre.

Après la libération, le 24 septembre, de l’ancien Ministre des travaux publics Magloire Ngambia, dont l’arrestation constituait le point culminant de l’opération anticorruption ‘’Mamba’’, la Présidence gabonaise ne peut se permettre de voir un second dossier financier ne pas tenir ses promesses. »

En effet, les politiciens ont beaucoup abusé et qu’on ne doit plus leur laisser rien passer désormais. Les délits politico-financiers et les avantages indus sont passés sous le seuil d’acceptabilité, au profit d’une exigence d’exemplarité. Dans ce contexte, les juges ont bien compris que face au risque d’étouffement de certaines affaires, il fallait jouer l’opinion contre la chancellerie, en révélant des éléments de l’instruction.

Aussi, la multiplication des affaires judiciaires impliquant des responsables politiques aggravent la suspicion générale de l’opinion publique. Plutôt que d’adopter de nouvelles lois, il conviendrait déjà de s’assurer que les dossiers judiciaires concernant les hommes politiques avancent normalement sans être retardés.

Paul Essonne

Journaliste

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