Lettre ouverte aux autorités politiques du Gabon.

Je viens par la présente lettre ouverte vous exhorter humblement à mettre au centre de nos préoccupations communes le bien-être et la santé physique, morale et spirituelle du peuple qui nous est confié par notre divin créateur à tous.

Tout n’est pas affaire de politique et de jeu de pouvoir. La fin ultime de nos missions respectives, vous au niveau temporel et nous au niveau spirituel, est censée être la sauvegarde de l’intégrité physique, morale et spirituelle de chaque habitant de ce pays, et la garantie de la cohésion et de la paix sociale par la promotion de la dignité humaine, du droit et de la justice. Ne confondez donc pas « État de droit » avec «État totalitariste et autoritaire ». L’un garantit les droits et les devoirs de toutes les personnes physiques et morales présentes sur le territoire dont il a la charge selon la Constitution, et l’autre se contentent de ne rechercher que l’exercice de son autorité sur la totalité des entités présentes sur le territoire.

Pour en venir au fait qui me pousse à vous interpeller en ces termes en mon nom propre et non pas au nom de l’Église donc je suis ministre, je voudrais parler de ce bras de fer que vous semblez vouloir engager avec l’Église Catholique qui est au Gabon. Cette institution est une institution religieuse souveraine, disposant d’un droit propre qualifié de canonique, d’un gouvernement central incarné dans la curie Romaine, d’un territoire étatique situé au Vatican à Rome et gouverné par le souverain pontife, évêque de Rome : sa Sainteté le saint Père, le pape. Elle est représentée au niveau des instances internationales par le sujet de droit international qu’est le Saint-Siège, qui pour ne simplement pas prendre de position politique tient à n’être qu’un observateur permanent à l’ONU. Sinon il pourrait dignement être légitimement en être membre de plein droit. Elle est diplomatiquement présente dans de nombreux pays à travers ses nonciatures apostoliques, et elle exerce sa mission d’évangélisation dans le monde à travers des congrégations religieuses internationales et des diocèses et archidiocèses nationaux. Ses relations avec l’État Gabonais sont régies par des accords-cadres bilatéraux signés avec le Saint-Siège, qui garantissent l’autonomie et la liberté de sa dimension locale gabonaise. Et avec l’État, elle a le souci du développement intégral, de l’éducation et de la santé physique et surtout spirituel de tous ceux qui vivent sur le territoire gabonais.

Ayant collaboré avec vous pour lutter contre la propagation du Covid-19 en fermant ses lieux de culte, cette Église est entrée en dialogue pour étudier les conditions de possibilité de réouverture de ces lieux dans le respect des mesures de sécurité sanitaire. Elle a suivi le protocole édicté pour cela, et a attendu depuis 6 mois une décision conjointe en vue de répondre au désir ardent de ses fidèles de retrouver le chemin de leur table eucharistique. Dans un pays de droit censé garantir la liberté de culte autant que le droit de se nourrir et d’être éduqué par exemple, et les droits propres d’une institution telle que l’Église que je viens de décrire, cette décision aurait dû être prise en même temps que celle de l’ouverture des commerces, des banques et des écoles par exemple.

Les écoles françaises n’ont-elles pas ouvert leurs portes avant les écoles gabonaises? Les restaurants ne sont-ils pas ouverts? Certaines institutions de l’État ne fonctionnent-elles pas déjà ? Alors pourquoi tenir tant à reporter de cinq jours la décision collégiale d’une conférence épiscopale d’ouvrir tous ses lieux de cultes ? Pourquoi vouloir absolument imposer à l’Église Catholique de n’ouvrir ses paroisses que le vendredi 30, plutôt que dimanche 25 tel que décidé par l’ensemble des évêques catholiques du Gabon? Et de surcroît pourquoi exiger que soit fait un simulacre ou une parodie de célébration eucharistique en disant la messe sans donner la communion? Sans compter les propos erronés pour ne pas dire hérétiques, publiquement tenus par les uns et les autres au sujet de notre sainte liturgie et de la sacrée doctrine de nos sacrements? Il suffit sans être intégriste de simplement être informé de ces choses-là, pour trouver ces propos religieusement intolérables.

On a le droit de ne pas avoir soi-même la foi, mais le devoir de respecter autrui en respectant ce en quoi il croit et qui pour lui est sacré. Quel peut donc être le but d’une telle manœuvre, sinon une dérive autoritaire qui ne dit pas son nom? La présence de l’Église catholique au Gabon, rappelons-le, n’est pas le fait d’un décret du ministère de l’intérieur chargé du culte. Elle est le fait de l’arrivée des missionnaires catholiques en terre Gabonaise il y a 175 ans maintenant. Nous ne sommes pas une association religieuse gabonaise. Nous sommes le peuple de Dieu présent au Gabon. Nous ne faisons aucun bras de fer avec vous. Nous revendiquons notre droit absolu de prier ensemble et en Église dans le respect des mesures permettant de stopper la propagation du virus, au sein de nos paroisses. Il ne s’agit pas ici de politique, il s’agit d’éthique. Nous ne désirons pas exercer votre pouvoir temporel à votre place, cela n’intéresse plus notre Église depuis des siècles. Nous désirons simplement retrouver notre existence chrétienne normale, avec et pour le peuple gabonais, dans le cadre des institutions justes que vous avez le devoir de nous garantir, et dans respect de la santé les uns des autres. Ceci étant, laissez-nous aller paisiblement prier dans nos Églises le dimanche 25 octobre prochain, avec la permission de nos évêques, et veuillez agréer mesdames et messieurs, l’expression de ma profonde considération.

Abbé Henri-Noël Ndoume Abiaghe. Prêtre.

Paul Essonne

Journaliste

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