« Les matinées sombres » un roman indispensable et à lire absolument !

« Les matinées sombres » de Narcisse Eyi Menye, sorti le 1er janvier 2004 et publié chez La Maison gabonaise du livre, est un roman saisissant et touchant à la fois. Ce livre est même inscrit pour l’année 2020-2021 au programme des œuvres pour les établissements scolaires du Gabon.

Il fera sensation, Narcisse Eyi, en cette rentrée scolaire avec « Les matinées sombres ». D’un regard direct et sans fard, l’auteur lance son audace à la figure du lecteur. Dans son roman, il s’interroge sur le sens de la vie, celle d’Atsame, son héroïne. Une adolescente gabonaise avec de l’arrogance. Mais Atsame a surtout la sagesse de se rappeler qu’elle n’a rien à faire là où elle se trouve, aucune autre justification que le néant dans lequel est empêtré sa famille.

Les choix et les dilemmes d’Atsame sont autant d’épreuves qui s’imposent à elles pour la conduire vers une meilleure prise de conscience d’elle-même. Un roman puissant et lumineux. Porté par un souffle lyrique, le récit de la terreur que subi Atsame prend sous la plume de Narcisse Eyi, la tournure d’une ode humaniste, preuve une fois encore que les livres sont un remède aux tragédies de notre monde.

Dans la chaleur gabonaise, Narcisse Eyi n’essaie pas de faire joli, il écrit vrai sur les interrogations d’une jeune femme sur l’amour, la sexualité et notamment la prostitution. Au fil des pages, dans un langage tantôt cru, tantôt d’une élégance folle, il nous emmène dans les méandres de son histoire familiale. Et tout y sera permis, les coups de griffes plutôt que les gants de velours, les interdits plutôt que le respect des règles et des conventions. Une part prise pour soi dans l’océan des autres, par instinct de survie, la férocité plutôt que l’agonie. L’auteur lui, fait subir le rouleau compresseur d’un quotidien efficace, dans un monde capitaliste qui atteint ses objectifs de vente et de rentabilité. Atsame est dans une spirale implacable. Narcisse Eyi peint la fresque d’une époque qui broie les individus et leurs rêves.

En effet, les choses se passent rarement comme prévu et la rencontre de l’héroïne avec un jeune étudiant va bouleverser sa vie et ses valeurs. Dans ce roman à la fois merveilleux et réaliste, l’auteur offre un beau portrait de femme en prise avec les aléas de l’amour mais aussi avec le dilemme de son émancipation.

Au-delà de la douleur et de la culpabilité que l’on retrouve dans ce récit, c’est une représentation forte et vivante de l’humanité en lutte, digne et pleinement actrice de son destin, que décrit ici Narcisse Eyi. La vie d’Atsame n’a rien d’enviable, et on serait facilement tenté de fermer ce livre si sa protagoniste n’était pas dotée d’une certaine force morale et d’un courage. Une enfance douloureuse, une éducation à la dure délivrée par sa mère. Une vie adulte tout aussi malheureuse. C’est un vrai parcours du combattant que celui d’Atsame qui affronte les épreuves la tête haute, consciente de sa condition, et accusant les coups sans faire de vague. Loin d’être naïve, sa patience est exemplaire et l’intelligence, la sagesse dont elle fait preuve dans l’adversité sont autant de qualités inspirantes. Atsame oppose une attitude franche, digne et résolument libre.

« Les matinées sombres » est un livre chorale d’une grande finesse, tant dans l’écriture que dans la manière de l’auteur d’aborder des situations tragiques. Vibrant et lumineux, ce roman de Narcisse Eyi Menye, écrit en 2004, reste aujourd’hui encore d’une justesse frappante. En dotant son héroïne d’un humour féroce et d’une lucidité désarmante, l’auteur offre sans nul doute à la littérature gabonaise l’un de ses plus beaux textes.

Serge Kevin Biyoghe

Rédacteur en Chef, Journaliste-Ecrivain, Sociétaire de la SCAM (Société Civile des Auteurs Multimédias), membre de la SGDL (Société des Gens De Lettres), membre du SFCC (Syndicat Français de la Critique de Cinéma), membre de l'UDEG (Union Des Écrivains Gabonais).

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