Les financements innovants appropriés pour le développement multisectoriel des pays de l’Afrique Centrale en général et pour le Gabon en particulier. Par François NZIGOU NZIGOU

Avant de traiter toutes questions de financement ou le type de financements qu’il faut pour les pays de l’Afrique Centrale en général et pour le Gabon en particulier, il est important de signaler que la réflexion sur le financement du développement se heurte à une difficulté normative. Comment définir les objectifs prioritaires des pays en développement (PED) ? Personne ne serait, certes, en mal d’établir la longue liste de leurs urgences économiques et sociales. Mais sous la contrainte de ressources limitées et de l’incompatibilité temporaire de certains objectifs, le problème liminaire est la hiérarchie des besoins.

La première visée d’un Pays En Développement doit-elle être de stimuler sa croissance économique ? Ou bien d’améliorer le plus rapidement possible le sort de ses populations les plus pauvres ? Ces deux finalités se rejoignent à long terme, où efficacité économique et équité sociale se renforcent mutuellement. Toutefois, à court et moyen terme, elles ne se confondent pas nécessairement.
Les interventions de « ciblage social » des populations démunies peuvent, parfois, obérer des efforts plus larges de stimulation de la croissance, seule garante d’une réduction constante et continue de la pauvreté. De là, l’existence de deux postulats dans la pensée du développement : l’économique et le social. Ce contraste a rythmé l’évolution des orientations stratégiques des États du Sud, et plus encore, sans doute, celle des programmes d’assistance mis en place par les pays du Nord.

Dans les années 1950 et 1960, c’es la préoccupation d’une croissance économique rapide forte qui domine la pensée et l’action de la communauté de l’aide au développement. Les premiers modèles théoriques, comme les premiers espoirs des pays nouvellement indépendants, identifiaient la dynamique de développement à un besoin de capital productif, en somme à la résorption d’un déficit de moyens (bridge the gap). Harrod et Domar sont les premiers à mathématiser cette conception. Elle assimilait le développement économique à une pure question de financement. Leur modèle devait permettre aux pays de quantifier le taux d’épargne intérieure conduisant à un taux de croissance donné. Un autre modèle tout aussi influent, celui de Chenery et Strout, complétait ce calcul du déficit d’épargne par la mise en évidence d’un déficit de devises étrangères. Celles-ci sont, en effet, nécessaires pour importer les biens d’équipement indispensables à l’industrialisation.
En effet, l’aide étrangère semblait, dès lors, avoir pour vocation d’alléger la contrainte de devises, afin de débloquer de nouveaux investissements. C’est pour cette raison que les financiers sur la question du financement du développement pointent aujourd’hui du doigt sur la qualité d’instruments financiers à mettre en place pour promouvoir le développement économique et social des pays du Sud.

Jacques Ould Aoudia ,1997 ; Anthony Atkinson, 2004 ; François Nzigou Nzigou, 2018 et 2020, soulèvent un certain nombre de points essentiels pour éclairer les enjeux actuels en matière de finance publique et privée internationale, avec pour objectif d’étudier la question du financement des biens publics mondiaux, et particulièrement le financement du développement économique et de l’éradication de la pauvreté. Ils se concentrent surtout sur les aspects théoriques des formes de financement nouvelles et innovantes, à la fois privées et publiques, et couvrent un large spectre de sujets qui vont de l’accroissement des transferts des émigrés vers leur pays d’origine ou des donations, a` l’impôt sur le revenu généralisé, en passant par un nouveau « fonds Marshall » (la « Facilite´ de Financement International »), et l’émission de Droits de Tirage Spéciaux, des investissements socialement responsables , pour palier aux enjeux climatique et de la déforestation des massifs forestiers comme le Bassin du Congo.

D’autres discutent en outre des problèmes institutionnels liés à la mise en place de ces nouveaux (ou anciens) instruments, soulignent la possible existence de « double dividende » du financement du développement, et abordent la question relative à l’économie politique de ces nouvelles sources de financements.

En effet, traité la question du financement des économies des pays de l’Afrique Centrale en général et du Gabon en particulier, part d’un constat paradoxale. A l’instar des pays de l’Afrique Centrale, le Gabon est un petit d’Afrique Centrale, doté des ressources naturelles abondantes. Son économie est fortement tributaire des hydrocarbures. Le pétrole représentait environ 30 % du PIB, 76 % de la valeur des exportations et 39 % des recettes de l’État en 2015. L’exploitation du pétrole est généralement peu pourvoyeur d’emplois et peut avoir dans le cas connu de la maladie hollandaise, l’effet pervers de freiner la croissance d’autres secteurs économiques, et in fine la dynamique de l’entrepreneuriat et de l’industrialisation. Diverses ressources naturelles, comme le manganèse et le bois, stimulent des parts importantes de l’économie. D’autres secteurs importants, tels que le BTP, les communications et le transport, enregistrent une croissance supérieure aux industries extractives, mais peinent à transformer profondément le tissu économique. Ainsi, la dynamique de création et de destruction d’emplois, favorable à l’entrepreneuriat et à la création de plus forte valeur ajoutée dans l’économie, est lente à se mettre en place au Gabon. Cette stimulation économique est également freinée par le fort lien entre le prix du pétrole et la croissance générale de l’économie, dans un contexte de faiblesse des cours mondiaux depuis 2014.

Le secteur privé gabonais est constitué de plusieurs catégories différentes. D’une part, des grandes entreprises exploitent les matières premières (notamment le pétrole, le gaz, le manganèse et le bois) et sont presque exclusivement étrangères, bien qu’elles aient des capitaux gabonais. D’autre part, se trouvent les petites entreprises locales, désavantagées par la faiblesse du climat des affaires. Le mouvement de réformes est amorcé mais il avance lentement. La sortie de ce schéma, grâce à la constitution d’un groupe local d’entrepreneurs, nécessitera encore du temps et de l’engagement politique. C’est le défi à relever par les nouvelles autorités arrivées au pouvoir depuis le 30 Août 2023.

Selon le rapport de la Banque mondiale sur la croissance et l’emploi en République gabonaise de 2012, plus de 80 % des diplômés de l’enseignement technique et professionnel ne sont pas recrutés dans les secteurs pour lesquels ils ont été formés et seulement un diplômé sur trois trouve un emploi. Sur le plan de la qualification, les principaux éléments de faiblesses portent sur :
 le déficit d’apprentissage des pratiques professionnelles au profit des formations théoriques ;
 les équipements des centres de formation non conformes avec les réalités du terrain ;
 le déficit (nombre et compétences) des formateurs.

Ainsi, l’enquête, emploi-insertion, du projet d’assistance technique internationale (ATI) en 2015 mentionnait la nécessité de renforcer les capacités et les compétences des jeunes en vue de leur employabilité et auto-entrepreneuriat compte tenu de l’inadéquation entre la formation et l’emploi. Pour mieux comprendre le déficit économique et financier du Gabon sur cette question cruciale, il est important de faire une brève rétrospective sur sa trajectoire économique afin de comprendre son modèle économique depuis plusieurs années.

En 1957, création de la Compagnie minière de l’Ogooué (COMILOG) pour mettre en exploitation le gisement de manganèse de Moanda cinq ans après sa création, c’est-à-dire en 1962. COMILOG est une filiale du groupe français Eramet qui y détient 61 % des participations depuis 1997. L’année 1963 est caractérisée non seulement par la création de la Société d’eau et d’électricité du Gabon (SEEG) pour la production d’électricité et la fourniture d’eau potable, mais également par la mise en exploitation du gisement de pétrole de Gamba, laquelle exploitation va placer le pays dans le concert des pays pétroliers du monde. Dans cet élan, le gouvernement crée l’Office des postes et télécommunications (OPT) en 1964, aujourd’hui devenue Maroc TELECOM, la Société gabonaise de raffinage (SOGARA) pour développer une industrie de raffinage locale en 1968, tombée en faillite ,et la Société meunière et avicole du Gabon (SMAG) pour la production de farine, l’alimentation animale et l’élevage avicole en 1969, qui tient jusqu’à aujourd’hui. Il faut souligner que même s’il y a un certain boom minier et pétrolier au Gabon dans la décennie soixante, son économie reste avant tout une économie forestière durant cette décennie. Pour J.Biraud (1963), les recettes forestières directes et indirectes, engrangées grâce à l’exploitation des bois tropicaux, alimentent les trois quarts du budget de l’État.

En 1973, démarre le complexe du Transgabonais avec la construction du chemin de fer reliant la capitale politique (Libreville) à Franceville sur 630 km pour acheminer le bois et le manganèse sur Libreville. Cette même année, est marquée par l’inauguration du barrage hydroélectrique de Kinguélé. Le gouvernement met en service le Port en eau profonde d'Owendo, en banlieue de Libreville, en créant l’Office des ports et rades du Gabon (OPRAG). Il procède à la construction de certains axes routiers du pays en 1974. Dans le secteur de l’hydroélectricité, la centrale de POUBARA est mise en service en 1975. Cette année correspond aussi à l’inauguration du port môle de Port-Gentil, qui se transformera en un port en eau profonde en 1980. Le secteur
agroalimentaire n’est pas en reste, en 1977, création de la Société sucrière du Haut-Ogooué (SOSUHO) devenu aujourd’hui SUCAF, de même que la compagnie Agro-Gabon pour le développement de l’agriculture et l’élevage.

En vue de l'accueil du Sommet de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) en 1977, une série de grands travaux est lancée dans la capitale; la compagnie nationale Air Gabon est également créée. La réalisation de tous ces chantiers a été rendue possible grâce aux deux booms pétroliers de 1973 et 1979 qui ont permis à l’économie gabonaise de migrer petit à petit vers la dépendance à l’or noir.

Les années 1980, se poursuivent avec l’inauguration de la Radio Panafricaine (Africa N°1) en 1981, avec le complexe HEVEGAB (culture de l’hévéa). Aujourd’hui géré par le groupe OLAM , de l’université des sciences de MASSUKU en 1986, du système de télécommunication Equasat (Réseau domestique Gabonais de Satellite) en 1987,du port minéralier d’Owendo en 1988.Tous ces grands travaux vont conduire l’État Gabonais de contracter les emprunts auprès des institutions internationales pour financer les infrastructures d’aménagement et la balance de paiement. D’où l’intérêt d’analyser les contraintes endogènes et exogènes qui exposent le Gabon aux emprunts extérieurs.

En ce qui concerne les contraintes endogènes, elles proviennent de l’explosion des dépenses publiques causées par un recrutement massif dans le secteur de la fonction publique pour assurer le fonctionnement des services de l'État ainsi que de la flambée des prix qui se situent à la source d’une inflation galopante dans le pays. Ces facteurs endogènes obligent l’Etat gabonais à signer un premier accord avec le Fonds monétaire international (FMI) en juin 1978. À la fin de 1984, la dette extérieure du pays représente près de 38 % de la production nationale. Il faut préciser que la principale contrainte exogène est la récession économique dans les pays développés les contraignant à réduire les importations des matières premières en provenance des pays en
développement. Ne pouvant plus rembourser ses dettes, le Mexique est au bord de la faillite. C’est alors le début de la crise de la dette de 1982 et elle aura pour conséquence la baisse du prix du baril de pétrole et du dollar américain.

La combinaison de la baisse du baril de pétrole et la baisse des réserves pétrolières gabonaises va obliger une fois de plus l’État gabonais à signer un second accord avec le FMI en décembre 1986. Contrairement au premier accord, le second est assujetti à un Programme d’ajustement structurel (PAS) que le pays devra exécuter. En dépit de l’endettement de plus en plus prononcé de l’économie gabonaise vis-à-vis de bailleurs de fonds extérieurs, la découverte du gigantesque champ pétrolier de Rabi-Kounga en 1987 par Shell Gabon (700 millions de barils de réserves exploitables et récupérables) et sa mise en exploitation en 1989 vont donner un nouveau souffle à l’État gabonais, qui va accroître, une fois de plus, sa dépendance vis-à-vis du pétrole.
Les années quatre vingt et deux mille sont marqués par la dévaluation du Franc CFA. Cette dévaluation intervient le 11 janvier 1994 et vise trois objectifs: le rétablissement de la compétitivité externe des économies de la Zone franc et le redressement des balances commerciales, la réduction des déficits budgétaires et la reprise de la croissance. Dans le cas de l’économie du Gabon fortement tributaire des importations, cette dévaluation a eu des répercussions sans précédent : les prix des produits importés, des biens de consommation courante et intermédiaire ont augmenté; les opérateurs économiques voient les coûts de leurs emprunts et de leurs intrants doubler, d’où la perte de leur compétitivité se traduisant par des mises à pied, une hausse du chômage, une perte du pouvoir d’achat des ménages et une paupérisation croissante d’une frange importante de la population, surtout en zone urbaine. Malgré les désagréments sociaux causés par la dévaluation, elle a tout de même permis de relancer la compétitivité de certains secteurs de l’économie comme la filière agricole (cacao, café, hévéaculture) et de la filière bois.
Parallèlement, la production du pétrole atteint son pic avec 18 millions de tonnes en 1997 et la production de manganèse va crescendo. Selon Harris (1999), la crise financière asiatique cause la baisse de 30 % des prix du pétrole de 1997 à 1999 et entraîne la dégradation du solde des transactions courantes de 10 à 25 % du PIB nominal du groupe des pays exportateurs du pétrole dont fait partie le Gabon.

Pour relever les nombreux défis auxquels l’économie gabonaise fait face (faible diversification, poids élevé de la dette, perspectives de réduction continue de la production pétrolière, etc.), les autorités nationales se sont résolues en 2003 dans un programme économique à moyen terme, à poursuivre les efforts d’ajustement et à renforcer les mesures structurelles visant à promouvoir l’investissement privé et à diversifier l’économie de façon à augmenter significativement le taux de croissance et à réduire de moitié la pauvreté d’ici 2015 conformément aux engagements du Sommet du Millénaire de Septembre 2000.

L’exécution de ce programme économique est soutenue par les accords de confirmation Stand By Agreements (SBA) du FMI. Le 28 mai 2004, le Conseil d’administration du FMI a approuvé un SBA avec le Gabon pour un montant de 102 millions de dollars (soit environ 57 milliards de FCFA) mobilisables en 5 tranches trimestrielles jusqu’en juin 2005. Cet accord a été suivi d’un autre accord relatif au rééchelonnement par les créanciers publics du Gabon (Club de Paris) de près 473 milliards de FCFA de la dette extérieure du pays. Le calendrier des reformes associées à l’accord de confirmation de mai 2004 avec le FMI est assez contraignant et prévoit entre autres la maîtrise de la masse salariale, la privatisation de Gabon Telecom, l’instauration d’une taxe foncière à Libreville et Port-Gentil, l’amélioration de la gestion budgétaire, la tenue des travaux de la Commission de lutte contre l’enrichissement illicite, etc.… Au terme de la quatrième revue de
l’accord en juillet 2005, le FMI a adressé un satisfecit au Gabon pour le respect d’une manière globale des engagements contenue dans l’accord de confirmation.

En 2004, quatre compagnies agro-industrielles sont privatisées: Agro-Gabon, spécialisée dans la production et la transformation du palmier à huile et de l’élevage ; ainsi que la société de développement de l’hévéaculture du Gabon (HÉVÉGAB) ont toutes les deux été cédées à la multinationale Belge SIAT.

En 2005, la Société d’Exploitation du Transgabonais (SETRAG), filiale de Comilog (elle-même filiale de la compagnie française ERAMET), s’est vu attribuer une concession de 30 ans pour gérer le chemin de fer Transgabonais. La Société Meunière et Avicole du Gabon (SMAG) et la Société Sucrière du Haut-Ogooué ont quant à elle été cédées au groupe français CASTEL.
En 2007, le gouvernement conclu la vente de 51% de ses parts dans l’entreprise nationale de télécommunications Gabon Télécom au bénéfice de Maroc Telecom, une filiale de Vivendi, pour un montant de 40 milliards de francs CFA.

Cette trajectoire économique du Gabon conduit à nous interroger sur le paradigme économique à prendre aujourd’hui. Longtemps tributaire des ressources naturelles depuis les indépendances jusqu’à ce jour, cette économie n’a pas permis un développement économique et social. Les phénomènes récents comme le changement climatique, la dégradation des écosystèmes, la déforestation poussent les pays en développement fortement dépendantes des ressources naturelles comme le Gabon à repenser leur modèle économique. C’est pourquoi depuis 2002, le Gabon s’est engagé à mettre en place des instruments favorisant la promotion et le développement de l’économie verte. Mais changer de modèle économique voudrait également dire qu’il faut suggérer aux pays de l’Afrique Centrale, les instruments financiers innovants adaptés au financement de leur développement. Les questions que pose le financement de la croissance inclusive et le développement dans les pays du Sud peuvent s’articuler autour de trois grandes hypothèses :
 Les retards dans le développement des pays de l’Afrique Centrale tiennent-ils à la faiblesse des
financements ou à l’insuffisance de l’investissement ?
 Quel est le bilan des réformes structurelles visant à libéraliser les économies de ces pays, notamment
dans le secteur financier ?
 Celui-ci est-il à même de répondre au défi de l’ouverture dans le cadre du projet euro-Afrique ?
L’ensemble de ces questions peut être traité à la lumière d’un constat, celui de la persistance d’une culture rentière, considéré comme l’obstacle majeur au décollage économique des pays de l’Afrique Centrale en général et du Gabon en particulier.
 Un développement économique inachevé jusqu’aujourd’hui
Dans les années70, le développement économique des pays de l’Afrique Centrale en général et pour le Gabon en particulier n’a pas convergé avec celui des pays de la Communauté européenne ou Asiatique. Les Pays de l’Afrique Centrale enregistraient des taux d’investissement notablement insuffisants, des échanges commerciaux peu diversifiés par secteurs et trop dépendants de l’Europe, un assainissement macro-économique fragile, des réformes structurelles inachevées, des flux financiers faiblement porteurs de développement (transferts des émigrés) ou très liés à des impératifs géostratégiques (aide internationale), une très faible attractivité pour les investissements directs étrangers (IDE), un très faible commerce intra-zone . Les pays de l’Afrique Centrale ont pris du retard dans son insertion dans le marché mondial. Leurs économies restent fortement tributaires des matières premières peu transformées. C’est pourquoi le taux de chômage à l’intérieur de
ces pays reste très élevé par rapport aux autres pays du continent.
 Le lien entre financement et croissance économique.

La crise financière en Asie de l’Est depuis l’été 1997 succédant à celle qu’a connue le Mexique en 1994 nous rappelle le caractère complexe des rapports entre flux financiers et croissance de l’économie. Ces deux crises se sont en effet manifestées par un fort accroissement des moyens financiers d’origine étrangère, mis à la disposition d’économies émergentes jusque-là considérées par la communauté financière internationale comme fiables et à fort potentiel. A tout le moins, le lien entre financement et croissance pour ces deux cas pose, d’une part, la question de la nature volatile des capitaux entrant et, d’autre part, celle de l’utilisation à des fins productives ou non des investissements que ces capitaux ont financés. Il y a incontestablement une faiblesse générale des moyens financiers dans l’ensemble de ces économies, que ce soit celle de l’épargne interne, encore réduite par les politiques d’ajustement menées depuis le milieu des années 80 (7), ou bien celle des apports externes (IDE et investissements de portefeuille. Ces pays ont connu pourtant deux périodes de financements abondants. La première s’est située pendant les années 60 et
70, l’endettement international était alors facile et à bas prix, ce que les pays industriels ont encouragé, à partir
de la première crise pétrolière, pour compenser sur les marchés extérieurs la diminution de la demande sur leurs
marchés intérieurs. La seconde a concerné les pays producteurs d'hydrocarbures, qui ont accumulé d'importantes
ressources à la suite des deux chocs pétroliers de 1973 et 1980, auxquelles se sont ajoutés des emprunts
extérieurs (Gabon, Congo). Dans l'un et l'autre cas, ces ressources ont financé, avec une faible efficacité globale,
d'importantes infrastructures humaines et physiques (santé, éducation, transport, énergie..).
Mais cela a gonflé la dette extérieure de ces pays, provoquant, au moment du retournement des
conditions des financements internationaux (hausse des taux d'intérêt au début des années 80) une sévère crise de
la dette (au Gabon, au Congo, au Cameroun, au Tchad et, à un moindre degré, en Guinée Equatoriale). En outre,
ces financements abondants n'ont pas permis la mise sur pied d'une base industrielle compétitive. Depuis le
milieu des années 80, les réformes visant à libéraliser l'économie, entreprises dans tous ces pays, ont entraîné le
retrait de l'État comme opérateur économique ; mais l'épargne et l'investissement privés n'ont pas pris, sur le plan
interne. Sur le plan des apports extérieurs, les économies des PAC n'ont pas bénéficié des financements de type
nouveau qui se sont développés après la crise de la dette des années 80 (IDE et investissements de portefeuille),
comme l'ont connu les pays d'Asie en développement et les pays d'Amérique latine. Qu'elle soit cause ou
conséquence du faible développement de ces pays, la modicité des financements extérieurs est considérée
comme l'une des raisons fondamentales expliquant le retard pris par ces économies dans leur décollage
économique et leur intégration au marché mondial.
 Les politiques de libéralisation et de la mondialisation ont entrainé les
comportements rentiers en Afrique Centrale.
A des rythmes différents, toutes les économies des Pays de l’Afrique Centrale (PAC) ont
progressivement abandonné le modèle auto-centré de substitution d'importations pour appliquer le modèle
dominant de libéralisation de l'économie et d'intégration au marché mondial. Tous ont adopté de profonds
ajustements macro-économiques puis ont lancé des programmes de réformes structurelles. Mais chacun de ces
pays rencontre de graves difficultés à approfondir réellement les réformes structurelles engagées. En effet,
l'assainissement macro-économique de la première phase d'ajustement a fait porter l'effort sur l'ensemble de la
population (baisse des subventions sur les produits de base, ralentissement des salaires et des créations d'emplois
dans la fonction publique, introduction de la TVA, baisse de l'investissement public dans les secteurs sociaux …).
A l'inverse, la phase qui débute, nécessitant une réelle ouverture du tissu productif à la concurrence,
atteint directement les intérêts des couches élevées de la société. Dans les faits, les réformes sont freinées, y
compris au sein du secteur privé, par les groupes qui voient dans la libéralisation la disparition des avantages
multiples accordés par l'État (faiblesse des impôts, subventions et commandes publiques généreuses .. .). Ce sont
les rentes constituées à l' abri des protections de toutes sortes qui sont ainsi menacées : perte des monopoles
publics dans le cadre des privatisations, perte des protections aux frontières dans le cadre du désarmement
douanier, mais aussi perte des exonérations fiscales de tous ordres. Les rigidités socio-économiques sont là à
l'œuvre, et freinent l'avancement des réformes. Même quand elles sont adoptées, ces réformes peuvent être
détournées de leur objectif : ainsi, la fin du régime d’importations administrées au Gabon s’est traduite par la

reprise des grands courants d' importations par les responsables des administrations qui en géraient jusque-là le
monopole.
Dans ces pays, la privatisation des banques a conduit à leur cartellisation (taux d’intérêt élevés et
rigides, freins à la désintermédiation..). Au Gabon, les privatisations ont conduit le plus souvent à la constitution
de monopsones où l’administration constitue le client exclusif de l’entreprise « privée».
 Quelques modes de financement du développement utilisés par les bailleurs de fonds
Le financement s’effectue de manière simplifiée par le biais d’outils financiers publics ou privés
(incluant les programmes de financement communs), et il transite soit à travers les comptes courants, soit a`
travers les comptes de capitaux. Dans une future architecture financière internationale, on pourrait désirer ajouter
une dimension supplémentaire, que certains spécialistes de la finance verte appelleraient le « compte mondial ».
Essayons d’examiner cette matrice d’instruments financiers plus en détaille, même si nous ne pouvons pas
discuter de manière très approfondie. En effet, le financement du développement se fait à travers plusieurs
canaux (le compte courant et le compte de capital).
 Financement du développement a travers le compte courant
Si l’on examine les instruments traditionnels de financement du développement qui utilisent le canal du
compte courant, on pourrait penser qu’ils ont été´ largement exploités et qu’ils ne présentent qu’un potentiel
limité pour des financements nouveaux ou plus importants. Ceci n’est évidemment pas vrai. Si l’on considère
simplement la balance commerciale des pays en développement, on doit souligner que leur accès aux marchés
internationaux est extrêmement limité. Les coûts du protectionnisme des pays du nord pour les pays en
développement sont à peu prés du même montant que celui de l’aide publique au développement : 50 milliards
de dollars US annuels selon une estimation très prudente comme le souligne Kevin Watkins (2002), dans son
article “ Making Globalization Work for the Poor, Finance & Development”.
Cela illustre une contradiction entre les politiques de développement et les politiques commerciales des
pays industrialisés, et souligne la nécessité d’un système commercial international où tous participeraient sur une
base égale, du moins formellement. Ce fait accentue l’importance pour les pays en développement du nouveau
cycle de négociations commerciales lance´ à Doha. Si l’on regarde par exemple, la balance des services, on peut
identifier les bénéfices tirés des sources de revenus réguliers en monnaie forte, provenant de l’utilisation des
droits souverains (comme les droits de pèche, les droits de survol, les droits d’atterrissage, les royalties), ou du
tourisme (notamment les taxes payées par les touristes) ainsi que d’autres services internationalement
échangeables (tels que les centres d’appel téléphoniques).
On peut supposer que ce potentiel reste sous-exploité dans les pays en développement pour des raisons
à la fois endogène et exogènes : d’un cote´, il est difficile de fixer un prix juste pour les droits souverains; d’un
autre coté, ce type de recettes dépend beaucoup des conditions politiques internes de ces pays, car celles-ci
peuvent aussi bien attirer que repousser les utilisateurs potentiels de ces services, en particulier les touristes. Il y
a aussi des services publics distribués aux pays en développement, par exemple l’assistance technique, qui est
bien sur cruciale pour améliorer la qualité´ de l’aide au développement. Toutefois, ces services sont souvent
financés sur les ressources destinées à d’autres programmes comme l’aide publique au développement, ou sont
financés par des prêts gouvernementaux, ce qui souligne la pertinence de la question de « l’incidence
différentielle » soulevée dans l’article d’Atkinson.
Les transferts privés unilatéraux, tels que les envois de fonds par les migrants ou les donations, sont
aussi des formes traditionnelles de financement du développement. Il reste a` voir si les revenus tirés de ces
sources peuvent être augmentés, et comment. A nouveau, les attitudes protectionnistes du monde développé
limitent leur potentiel. Les obstacles sont profondément enracinés dans les lois relatives au travail et à
l’immigration dans les pays industrialisés. Aussi longtemps qu’un travailleur gabonais, Camerounais ou
Congolais pris à la frontière` Italienne ou Française sera traité comme un criminel ordinaire, simplement parce
que leurs choix nuisent aux salaires Italiens ou Français, il sera difficile et il y aura peu d’espoir que les transferts
de fonds des migrants deviennent une source plus importante de financement du développement des pays de
l’Afrique Centrale.
De même, les transferts officiels financés sur les budgets publics nationaux semblent avoir atteint leurs
limites. L’APD stagne et décline même en termes relatifs. Ceci est clairement le résultat d’un choix de la part des
autorités publiques, et d’une concurrence toujours plus importante entre des entités budgétaires à l’intérieur de
pays donateurs, qui découle de la stagnation économique et de la réduction des budgets. Et là ou` il n’y a pas

d’engagement politique pour assigner des ressources budgétaires à l’aide au développement, la probabilité´
qu’un impôt international soit introduit est très faible.
Une autre remarque de politique économique faite est que « il n’est pas possible de séparer
l’augmentation des revenus de l’usage qui en est fait ». C’est un argument pour limiter l’aide à des usages précis.
Cela pourrait aussi motiver la création d’un « impôt de solidarité pour le Tiers Monde », par exemple un
supplément d’impôt sur le revenu dans les pays les plus riches. L’Allemagne par exemple avait utilisé avec
succès cet instrument pour financer la réunification; toutefois, il reste à voir si cela conviendrait au financement
du développement à l’échelle mondiale, et si un nombre suffisant de pays industrialisés « opterait pour » un tel
choix.
Un autre problème, souvent éludé dans le débat sur le financement du développement, relie les effets
prix à l’évolution des flux de financement à destination des pays de l’Afrique Centrale, en particulier l’évolution
des termes de l’échange. Ils réduisent souvent à néant les efforts faits pour financer les programmes de
développement à travers le financement direct, et doivent donc être intégrés à toute description du financement
du développement se voulant complète. Des essais ont été tentés pour contrôler les effets des termes de
l’échange, à travers des systèmes de stabilisation qui ont leurs propres problèmes, et qu’on ne peut aborder
davantage ici.
 Le financement du développement à travers le compte de capital
Il est évident que l’Aide Publique au Développement parvient aussi à travers le canal du compte de
capital. A nouveau, ceci ne peut être traité de manière satisfaisante étant donné la contrainte de place. Soulignons
quelques questions que je considère comme essentielles.
Premièrement, abordons brièvement la question de la conditionnalité. C’est une question
particulièrement pertinente pour des programmes de prêts gouvernementaux. Lorsque l’on entend par la` que les
ressources doivent être utilise´es a` des fins particulières, lorsque la conditionnalité porte sur des standards de
qualité minimums, lorsque ce type d’obligations a pour objectif d’améliorer les institutions, les procédures et les
politiques, il peut en résulter une meilleure allocation des ressources, ce qui constitue un argument fort en faveur
du prêt conditionnel. Cofinancer, faire en sorte que les bailleurs de fonds et le pays récipiendaire s’entendent sur
les conditions a` respecter, peut encore augmenter ces effets positifs, en plus de dévoiler les préférences des
gouvernements bénéficiaires.
Toutefois, quand « l’aide lie´e » est synonyme de bilatéralisme, dans le sens ou` un prêt doit
obligatoirement être dépensé en biens et services en provenance du pays donateur, ceci réduit l’efficacité du
programme et peut être coûteux pour le bénéficiaire. C’est en quelque sorte une variante « du seau percé » du
financement du développement. Le multilatéralisme, qui permet l’utilisation des procédures de passation de
marche´ concurrentielles, permet généralement d’accroître le montant de service par unité de financement reçue,
et devrait donc être étendu malgré les résistances politiques persistantes.
Deuxièmement, un autre effet « prix » échappe souvent au débat dans le contexte du financement du
développement : le taux de change, ou l’effet « richesse ». On considère cette question comme absolument
décisive pour le débat sur le financement du développement, parce qu’il peut mettre à mal les objectifs de l’aide
financière. Durant la dernière décennie, des dévaluations monétaires brutales se sont produites dans les pays
industrialisés, émergents, en transition et en développement. A chaque fois, cela a signifié une redistribution de
la richesse entre les pays bailleurs et emprunteurs. S’il est vrai que l’effet richesse pour les pays émergents, en
transition et en développement a pu représenter un montant quasiment équivalent a` celui des fonds d’APD
versés depuis le début des années 1950, alors il semble que ce soit plus qu’une simple et négligeable question
d’ajustement des valeurs dans le compte de capital.
Il est donc essentiel de stabiliser les taux de change pour qu’une stratégie de développement réussisse.
Ce problème est en général abordé à travers des mesures de politiques monétaires, et notamment des caisses
d’e´mission [comme celles de la zone CFA ou, plus récemment, en Argentine ou en Bosnie Herze´govine]. De
plus, la communauté internationale a commence´ à dûment insister sur la nécessite´ de réformes institutionnelles
dans l’industrie financière avec notamment une transparence plus grande, la publication de rapports financiers, et
l’analyse des risques politiques et de marche´s. Après avoir encouragé la libéralisation des marchés de capitaux
dans les années 1990, la philosophie actuelle du FMI souligne l’importance de construire des institutions et de
les contrôler selon le rapport le Global Financial Stability Report of the International Monetary
Fund,Washington D.C., Mars 2003. Néanmoins, l’utilisation de politiques monétaires interventionnistes reste
l’un des chevaux de bataille de l’orthodoxie, même si celles-ci ont montré à plusieurs reprises d’importants

inconvénients, comme Spahn, Paul Bernd (2002), l’explique dans le rapport “The Feasibility of Taxing Foreign
Exchange Transactions”, Tax Notes International, Special Reports, 15 juillet 2002.
Par ailleurs, ce point de vue insiste sur le fait qu’un pays doit sacrifier ses réserves de valeurs
simplement pour défendre le taux de change, ce qui est étrange. De plus, les approches orthodoxes insistent sur
la nécessité de maintenir des taux d’intérêt élevés dans des pays financièrement à bout de souffle, ce qui
compromet nécessairement la croissance économique réelle.
L’interaction des flux de capitaux à court terme, des prix et des taux de change, des interventions
monétaires et des fondamentaux économiques (et notamment la politique fiscale) est extrêmement complexe et
ne peut pas être développée dans ce commentaire. Mais elle est liée à un thème récurrent concernant les «
sources innovantes de financement » : la taxe Tobin. Le raisonnement de Tobin a déjà été´ bien expliqué et n’a
pas besoin d’être réexpliqué ici. Nous restons sceptique quand au potentiel de stabilisation des taux de change
qu’aurait la taxe Tobin « classique ». Cela ne marcherait tout simplement pas. Toutefois cela n’exclut pas toute
option fiscale. A l’intérieur d’un modèle institutionnel plus complexe, une taxe sur les transactions monétaires
pourrait en effet devenir un élément stabilisant dans l’architecture financière du futur.
En ce qui concerne les Droits de Tirage Spéciaux (DTS), Ils augmenteraient effectivement la liquidité
mondiale, mais la question est de savoir si le financement du développement souffre d’un manque de liquidité.
Sous le système de Bretton Woods, lorsque la Réserve fédérale américaine dictait l’offre de monnaie de base aux
pays adhérents au système de changes fixes pendant les années 1960, la liquidité peut avoir constitue´ un
problème. Dans un système de taux de changes variables et avec des marche´s financiers mondialise´s, la
liquidité n’est pas le problème. C’est pourquoi les DTS devraient être enterrés pour de bon, du moins en ce qui
concerne le financement du développement des pays en développement.
Pour François Nzigou Nzigou (2018,2020), les pays de l’Afrique Centrale en général et du Gabon en
particulier ont besoin des nouveaux instruments financiers (finance verte et durable) pour soutenir le
développement économique et social de leur.
Les plans de relance mis en œuvre par les gouvernements après la crise économique et financière de
2007 ont accordé une priorité marquée aux projets d’investissements s’inscrivant dans la perspective de la «
croissance verte ». Cette orientation a été particulièrement forte dans les pays comme la France avec le Grenelle
de l’environnement, au Gabon avec le pilier Gabon vert du plan stratégique Gabon Emergent qui fixe un cadre
d’ensemble pour protéger l’environnement et garantir une compétitivité durable. Les investissements nécessaires
sont de plusieurs ordres : un effort de recherche et d’innovation pour faire émerger de nouvelles technologies et
de nouveaux modèles économiques, permettant notamment d’économiser de l’énergie et de réduire les émissions
de carbone ; une adaptation des stocks de capital productif et immobilier existants ; le déploiement de nouveaux
réseaux d’infrastructures. En effet, La question du financement, qui constitue de manière générale, un élément
incontournable de toute stratégie de croissance verte apparaît donc encore plus crucial.
 Mobilisation du secteur privé avec des projets rentables
La question du financement a pour préalable l’analyse, sur le plan économique, des scénarios
d’investissements en cause. Celle-ci demeure plus ou moins approfondie selon les domaines (climat,
biodiversité, gestion des déchets…). Les perspectives économiques de l’énergie 2010 établies par l’Agence
internationale de l’énergie fournissent un bon cadrage pour ce qui concerne la transition énergétique. La
nécessité d’une révolution énergétique pour sauvegarder le climat et assurer la sécurité énergétique est rappelée,
car, sans action forte, les émissions de CO2 doubleraient d’ici 2050. Les scénarios de réduction compatibles avec
un réchauffement contenu à 2.4 /2.8 °C recourent à la gamme complète des technologies connues, et nécessitent
une ré-allocation drastique des investissements, des combustibles fossiles vers les technologies propres.
Si l’évolution récente des investissements propres apparaît encourageante à cet égard, leur multiplication par
4 ou 5 demeure nécessaire d’ici 2030. Globalement le coût semble cependant maîtrisable, les économies sur
l’énergie étant supérieures à l’investissement additionnel, pour des scénarios établis avec un prix du CO2 passant
de 50 USD/tCO2 en 2020 à 175 en 2050.
Le problème de financement peut alors être qualifié comme un problème d’externalité. Comme le
souligne Christian Gollier, verdir la croissance est un impératif de bien-être intergénérationnel ; mais beaucoup
d’investissements écologiques créateurs de valeur ne bénéficieraient pas assez à leurs promoteurs pour être
finançables sans intervention. Pour autant, ceci ne signifie pas qu’ils doivent être réalisés par le secteur public.
Philippe Rosier, dans son commentaire, insiste sur le fait que la croissance verte nécessite des « entrepreneurs ».
Les industriels répondent d’ailleurs présents avec de nombreux projets, de produits économes en ressources

d’efficacité énergétique, de réduction des GES, dans les énergies renouvelables… Force est de constater que le
financement de ces investissements se heurte à plusieurs difficultés structurelles:
 Les marchés sont incomplets. L’absence des générations futures, principales concernées par le
changement climatique et l’épuisement des ressources, qui empêche le partage des coûts et des
bénéfices entre générations, est une donnée fondamentale du bouclage du financement de la croissance
verte. Du fait de cette incomplétude intertemporelle, les marchés ne permettent pas une allocation
efficace des risques entre générations, ce qui pose un véritable problème en termes d’équité sociale
comme d’anticipation des risques ;
 Les marchés financiers sont imparfaits, rendant difficiles à financer les projets de long terme et risqués ;
 le fort degré d’incertitudes (environnementales, économiques, réglementaires) soulève des difficultés de
valorisation du risque qui complique les choix d’investissements ;
 les Etats sont sous forte contrainte budgétaire.
 Le rôle des Etats et la contrainte budgétaire dans les PAC
Dans un contexte de restauration nécessaire des Finances Publiques, la priorité budgétaire accordée à la
croissance verte est inévitablement questionnée. Dans cette perspective, la contribution de Dominique Bureau
revient sur le « timing » de ces investissements. Celle-ci souligne qu’une forte ré-allocation du capital au
moment où l’on prend conscience des contraintes énergétiques et climatiques est souhaitable, ce qui invalide
toute idée « d’étalement » en soi : l’ajustement budgétaire doit préserver les dépenses d’avenir.
A cet égard, l’analyse converge avec celle du récent rapport du CAE sur le prix du pétrole, qui plaide
pour une politique déterminée d’ajustement de l’offre face à un type d’énergie appelé à être plus cher, la
réduction de la dépendance au pétrole des économies des pays de l’Afrique Centrale constituant un axe
fondamental de leur politique économique. Le poids budgétaire de cette politique peut cependant être contenu, si
l’on cherche d’abord à verdir la croissance par le secteur privé. L’Etat demeure alors concerné, mais en premier
lieu par son rôle de régulateur. De plus, il a intérêt à privilégier les régulations de marché fondées sur un signal-
prix commun (éco-taxes ou marchés de permis), qui permettent de coordonner efficacement les choix des
acteurs, là où les politiques réglementaires de type « command and control » génèrent des surcoûts souvent
considérables, et appellent inévitablement ensuite des concours publics pour en limiter le fardeau pour les
acteurs directement touchés.

 La contribution des investisseurs de long terme au financement de la croissance

Economique verte des PAC

La crise financière a montré les méfaits d’un certain court-termisme, la capacité de résistance et l’utilité
potentielle des investisseurs à horizon long. Au-delà de leur rôle stabilisateur en temps de crise, ceux-ci
constituent en effet des vecteurs potentiels d’allocation de l’épargne vers les projets porteurs de croissance verte.
Les investisseurs de long terme ne constituent pas une catégorie d’investisseurs institutionnels homogène : on
rassemble sous ce vocable des institutions de nature juridique et financière sensiblement différentes – publiques
et privées, cotées et non cotées, soumises à des régulations publiques également différentes. C’est à partir d’une
analyse du passif qu’il est possible de dégager les spécificités permettant de qualifier un investisseur de « long
terme » (Glachant, Lorenzi, Quinet et Trainar, 2010) :
 Le passif d’un investisseur de long terme se caractérise par une faible dépendance aux refinancements
de marché. Il bénéficie en effet d’un niveau de fonds propres généralement élevé, de ressources
permanentes (épargne contractuelle…), avec un recours limité au levier d’endettement. L’investisseur
de long terme n’est donc pas soumis, contrairement aux banques, au risque de retrait des dépôts ou de
tarissement du marché interbancaire ;
 Certains investisseurs de long terme n’ont pas d’engagements contractuels individuels à leur passif, ce
qui leur donne des marges de manœuvre supplémentaires. C’est en particulier le cas des fonds
souverains qui gèrent une épargne collective tirée des revenus de matières premières ou d’excédents
commerciaux. D’autres fonds, quoique moins importants en taille, répondent à une logique similaire :

les fonds familiaux, les fonds de dotation universitaires, ou encore les fonds de lissage des systèmes de
retraite.

 Le Partenariat public-privé (PPP).
Le financement des projets d’infrastructure, dans le domaine des transports et de l’énergie notamment,
doit reposer sur une analyse précise des avantages relatifs de la sphère publique et de la sphère privée. l’Etat
dispose de deux avantages comparatifs : sa capacité à diversifier les risques de projets et à diluer les risques entre
un grand nombre de contribuables. Le secteur privé, pour sa part, est incité à davantage d’efficacité
opérationnelle, sous la pression combinée de la concurrence et des actionnaires.
Compte tenu de ces avantages, le premier rôle de l’Etat est un rôle d’amorceur et de catalyseur durant
les premières phases de développement d’un projet. Dans certains cas, les projets en question sont marqués par
des rendements d’échelle croissants, dans le cas par exemple de la création d’un nouveau réseau tel que celui des
infrastructures de charge des véhicules électriques, ce qui pose des problèmes de financement tant que le marché
n’est pas assez large. Quand les recettes futures ne suffisent pas pour que le projet soit porté par les investisseurs
privés et quand l’infrastructure semble malgré tout justifiée du point de vue sociétal, l’Etat doit intervenir dans
une logique subventionnelle pour en assurer le financement. La taxation de la rente foncière générée par
l’infrastructure constitue l’un des moyens pour l’Etat, au-delà de la fiscalité générale, de bénéficier des effets de
retour favorables de l’investissement qu’il a contribué à financer.
Le second rôle de l’Etat est un rôle de porteur d’une partie des risques de projets. L’Etat utilise pour ce
faire plusieurs techniques de partage des risques entre public et privé : concessions ou contrats de partenariat
(PPP). Un contrat de PPP efficace est celui qui fait porter chaque risque par l’acteur le plus capable de le porter
et de le maîtriser. A cet égard, la crise financière survenue en 2008 montre que la répartition entre les acteurs du
projet du risque de financement doit parfois être modulée en fonction de l’environnement financier global. Pour
surmonter la crise, la France par exemple a ainsi mis en place une garantie d’Etat qui couvre le remboursement
d’une partie de la dette bancaire jusqu’à la mise en exploitation de certains projets, ainsi qu’une enveloppe de
prêts bonifiés.
Comme mentionné précédemment, les mécanismes de financement publics sont un groupe de mesures
de soutien public que les gouvernements peuvent utiliser ou promouvoir dans le but d’influencer le profil de
risque/rendement précis des technologies d'énergies renouvelables. Ces mécanismes de financement public
peuvent être classés selon le stade de développement économique, le stade de développement technologique, le
type d’investisseurs, le type de risque pour les investisseurs privés, ou l’élimination des obstacles ou des
contraintes spécifiques (IFED PNUE, 2005 ; PNUE/Vivid Economics, 2009 ; IFED PNUE, New Energy Finance
et Chatham House, 2009). Les mécanismes de financement publics varient, allant de subventions simples à des
structures de financement conditionnel complexes. En règle générale, les MFP ont pour but de compléter le
secteur privé et non de le remplacer, dans le cadre d’un environnement intégré, cohérent et favorable, en
complément de règles, de taxes et de subventions.
Dans les pays à haut revenu et à revenu intermédiaire, l’un des principaux objectifs des MFP est de
mobiliser (ou tirer parti de) un maximum de capitaux privés pour les investissements (IFED PNUE, 2008b). Des
exceptions sont possibles dans des contextes nationaux, où il y a très peu de participation du secteur privé. Ici,
les MFP peuvent faire partie de programmes visant à créer et à catalyser les marchés.
Même lorsque les ratios de risque et de rendement sont favorables, l’un des obstacles spécifiques de
financement auxquels les projets d’énergie renouvelable peuvent être confrontés peut être dû à des coûts élevés
de capitaux initiaux ou à des projets de petite taille. Les petits projets sont défavorisés lorsqu'il s'agit d'attirer les
gros investisseurs traditionnels tels que les fonds de pension. Cela peut représenter un obstacle, en particulier
dans les pays en développement. Les projets de petite taille entraînent aussi des coûts de planification et de
transaction qui sont élevés par rapport au coût global du projet.
L’innovation financière peut jouer un rôle utile dans le partage des risques. Plusieurs schémas de
titrisation peuvent en effet être imaginés pour transférer une partie du risque des banques vers les investisseurs
institutionnels. Les infrastructures de transport et d’énergies renouvelables se prêtent en particulier bien à la
titrisation du fait de leur profil de revenus stables, comme en témoignent les projets actuels d’obligations vertes
ou d’obligations climatiques : les prêts aux projets d’énergies renouvelables pourraient ainsi faire l’objet d’une
titrisation destinée notamment aux investisseurs de long terme. Le fonds commun de titrisation, qui devrait avoir

une taille critique suffisante, achèterait les portefeuilles de dettes seniors garanties par les flux de revenus issus
des projets, et financerait ces acquisitions en émettant lui-même des obligations de long terme standardisées de
manière suffisamment abondante pour que le marché ait une profondeur et une liquidité suffisante. Il y aurait
ainsi un transfert de la structure de capital la moins risquée des projets d’énergies renouvelables, des banques
vers les investisseurs de long terme. Un tel transfert permettrait aux banques de reconstituer des marges de
manœuvre pour financer de nouveaux projets auprès des PME/PMI locales.
Dans le même esprit, on propose la création d’un fonds commun de titrisation qui aurait pour but de
refinancer les contrats de PPP : ce fonds achèterait les créances représentatives de l’engagement irrévocable de
paiement de l’Etat des redevances à compter de la mise en service du projet. Ce fonds opérerait en émettant des
obligations adossées à ces contrats de PPP, avec un risque équivalent à celui de l’Etat, et serait ouvert aux
investisseurs institutionnels.
Aujourd’hui, les PAC doivent mettre un cadre attractif pour promouvoir les énergies renouvelables si
ces derniers veulent bénéficier des financements innovations. Il faut noter que les prévisions des besoins
d’investissement futurs reposent sur les coûts estimés pour répondre aux objectifs d’atténuation du changement
climatique, tout en satisfaisant la demande croissante d’énergie. Dans le scénario de 450 ppm, les perspectives
énergétiques mondiales pour 2010 de l’AIE (AIE, 2010d) projettent qu’un investissement additionnel total de 18
000 milliards de dollars dans les technologies à faible teneur en carbone et dans l'efficacité énergétique (et pas
seulement l’énergie renouvelable) est nécessaire au cours de la période de 2010 à 2035. Seulement 2 200
milliards de dollars (ou 12 %) sont engagés pour les 10 premières années de cette période de 25 ans, mais plus de
la moitié lors de la deuxième décennie, soit 2020–2030. Les perspectives énergétiques mondiales pour 2010 ne
précisent pas la proportion ou la quantité de ces totaux devant être consacrés uniquement à l’énergie
renouvelable, mais l’analyse des perspectives de l’année précédente a estimé les investissements nécessaires
dans les énergies renouvelables d’ici 2020 à 1 700 milliards de dollars dans le scénario de 450 ppm (AIE,
2009a). En outre, la croissance de l’emploi dans l’industrie de l’énergie renouvelable peut compenser certaines
pertes d’emplois ailleurs dans le secteur de l’énergie, du moins en termes globaux, quand ce n'est pas le cas pour
les travailleurs individuels.
Les politiques publiques orientées vers l’économie verte mises en place par les pays du Bassin du
Congo doivent converger dans la gestion des projets communs et rentables. Conscient des enjeux des
investissements environnementaux et de l’importance des mécanismes de financement de l’économie verte, le
secrétariat général de la CEEAC a mis en place trois outils pour contribuer à la diversification de l’économie de
l’Afrique Centrale et une croissance inclusive à travers la création de plus d’emplois et d’amélioration des
conditions de vie des populations. Comme outils, il y a (le Système de l’Economie Verte en Afrique Centrale, le
Système de l’Economie de l’Artisanat et des Petites Entreprises, le Système de l’Economie des Savoir-faire
Traditionnels). Mais nous prenons le Système de l’Economie Verte en Afrique Centrale.
Le système de l’économie verte en Afrique Centrale (SEVAC) a été initié en 2010 par le secrétariat
général de la CEEAC après la participation de la sous-région à la XVème Conférence des Parties sur le
changement climatique à Copenhague au Danemark en décembre 2009. est un instrument financier mis en place
par les pays membres de l’Afrique Centrale. Force est de constater que l’engagement pris par les Etats membres
ne sont pas respectés car plusieurs Etats ne contribuent pas au Fonds.
Le SEVAC est à la fois une vision, une approche et un outil pour contribuer à concilier protection de
l’environnement et développement économique des États pour permettre finalement, après Rio 1992, de passer
de la conservation à l’économie de la conservation des ressources naturelles de l’Afrique Centrale. A l’instar des
pays de l’Afrique Centrale, le Gabon doit s’appuyer sur deux discours qui s’articulent progressivement : la
croissance doit acquérir une nouvelle facette « inclusive et durable » ; dans le même temps, elle doit permettre de
poursuivre la rapide expansion des industries, des services et des mégalopoles urbaines. Dans ce discours, le pari
sur la croissance verte doit être considéré comme étant la trajectoire indispensable pour éliminer la pauvreté et
engendrer un accès aux bénéfices de la modernité.
Enfin, La finance verte est un outil financier innovant qui permettrait de soutenir l’économie dans son
ensemble et de manière qualitative les projets à long terme. Pour promouvoir cet instrument financier, les PAC
doivent assainir leur cadre institutionnel afin d’attirer les investisseurs i institutionnels, les business Engels ou
encore les huges funds au financement des projets d’investissement dont nos pays ont besoin.

François NZIGOU NZIGOU (F2N), Gestionnaire financier et Economiste, président fondateur de Nzy Green Financial Consulting
(France),  « nzigounzigou3011@gmail.com / nzigubourgeoisfrancois@gmail.com»

Paul Essonne

Journaliste

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