Dans le film documentaire » Faux semblants ou trop semblables » de Bertrand Delais, il est livré les différentes raisons qui justifieraient la nomination d’un premier ministre dans la cinquième République. Mais déjà, il est expliqué le rôle du premier ministre tel que conçu par le général De Gaulle, inspirateur de cet attelage constitutionnel et institutionnel.
Le Gabon étant une pâle copie de la France dans son dispositif institutionnel et constitutionnel, il est évident que l’exercice ne devrait pas être trop différent.
Selon le père de la cinquième République, le premier ministre est non seulement une personne sur laquelle le président de la République s’appuie pour gouverner mais en plus il devrait constituer un bouclier qui le protègerait des éventuelles attaques. Au premier, les affaires régaliennes et au second la gestion du quotidien.
Dans cette conception des choses, en quoi l’actuelle cheffe du gouvernement constitue un bouclier pour Ali Bongo Ondimba quand on voit comment il est malmené sur les différents espaces politiques et publics au point d’implorer, personnellement, le soutien et la loyauté des Parlementaires? En quoi elle gère le quotidien des gabonais quand on voit comment ces derniers s’enfoncent un peu plus chaque jour dans les difficultés et le désespoir?
Certains adversaires et détracteurs du président de la République arrivent même à faire croire avec efficacité qu’il serait mort. Ce formatage des consciences peut paraître anodin ou risible aujourd’hui. Mais, il le sera moins au moment de la campagne électorale. Ne plus voir Ali Bongo tel un boxeur sur un ring comme jadis participera à légitimer de son incapacité face aux autres candidats, physiquement, plus dynamiques.
En faisant de Michel Debré son premier ministre, le Général de Gaulle a voulu récompenser ou remercier un des artisans de la Constitution de 1958 qui consacrait l’existence de la cinquième République, l’une de ses grandes victoires politiques. Il en est de même pour Chaban Delmas sous Georges Pompidou, pour Jacques Chirac sous Giscard d’Estaing, Pierre Mauroy et Edith Cresson sous François Mitterrand.
En effet, ces différents premiers ministres ont joué des rôles prépondérants lors des campagnes électorales qui ont conduit à la victoire des présidents cités. Quid alors de l’actuelle cheffe du gouvernement. Quel rôle a t-elle joué en août 2016 en dehors de gesticuler sur les podiums qui accueillaient le candidat Ali Bongo? C’est dire que sa présence à la primature n’est rien d’autre que la consécration d’une injustice politique que les fauves de la majorité au pouvoir pourraient faire payer au chef de l’État s’il ne la corrige pas assez rapidement.
En nommant Raymond Barre, Michel Rocard ou Jean Pierre Raffarin, les présidents Giscard d’Estaing, François Mitterrand ou Jacques Chirac étaient plutôt dans un attelage politique de raison. Tous procédaient de la même majorité politique que leur chef respectif avec à la clé, un militantisme avéré et une compétence démontrée. A ce niveau également, quelle est la légitimité de celle qui squatte actuellement le fauteuil de premier ministre quand on ne lui connaît ni un militantisme conséquent, matérialisé par une base électorale vérifiable, ni une expérience managériale saluée par tous. Quelle réforme porterait sa marque ou sa signature aujourd’hui? Que nenni.
François Mitterrand disait l’exercice qui consiste à nommer un premier ministre correspond à la lecture d’une situation, pure et simple. Il ne tient pas compte de l’amitié ou de la proximité. Et la lecture de la situation politique est assez claire, il y a une petite prime pour Michel Rocard.
Autrement dit, au regard des enjeux politiques à venir, des adversaires expérimentés et déterminés, de la frustration explosive de la majorité des gabonais motivée par le poids des difficultés, de la fragilité du dispositif autour de la majorité au pouvoir et du président de la République, du contexte complexe de l’international dans sa globalité, qui peut affirmer sans sourciller que l’actuelle première ministre serait la solution pour assurer une quelconque victoire à Ali Bongo Ondimba ?
Au président de la République ou à ses souffleurs du soir de prendre conscience de la gravité de la situation. L’histoire enseigne que, malgré de fortes réformes en faveur des femmes durant son mandat, la loi Veil sur l’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG) ou la création du ministère de la condition féminine tenue par Françoise Giroud, Valéry Giscard d’Estaing a quand même été copieusement battu par François Mitterrand en 1981. C’est dire que, poursuivre une aventure incertaine à la primature avec un profil qui n’est ni politique, ni technocratique est juste un suicidaire programmé. Les troisièmes mandats comportent tellement de dangers qu’on ne peut s’y aventurer avec autant de légèreté.
Par Télesphore Obame Ngomo