Le débat de Missélé eba’a: De quel Omar Bongo Ondimba s’agit-il?

Le 08 juin prochain, certains acteurs politiques du Gabon vont célébrer le énième anniversaire de décès du grand maître, Omar Bongo Ondimba. Une seule question s’impose alors: de quel Omar Bongo Ondimba s’agit-il ? Ceux qui entendent rendre hommage au successeur de Léon Mba, sont-ils vraiment qualifiés ou digne pour le faire? Les faits ou les actes posés depuis son départ pour d’autres cieux nous font répondre par la négative.

En effet, pour comprendre Omar Bongo Ondimba, sa politique ou sa philosophie de vie, il suffit de se plonger dans le triptyque de son parti politique, le PDG, dialogue, tolérance et paix. Quid aujourd’hui du respect de ces notions qui ont contribué et justifié sa longévité au sommet de l’État. Or, c’est grâce à ces notions précitées qu’il a pu et su inverser travailler en bonne intelligence avec l’ancien colonisateur au point de contribuer à la composition de ses divers gouvernements. C’est la preuve qu’avec un peu de réflexion, on n’est pas obligé d’insulter la France ou de s’inscrire sur le même registre arrogant, violent et suicidaire que Sékou Touré, Thomas Sankara et leurs disciples des temps modernes.

Le 13 mai 1968, dans les colonnes du journal l’Express, dans un débat opposant Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand sur le bilan des 10 ans de pouvoir gaulliste en France, l’opposant socialiste affirmait qu’un régime s’identifie toujours à la personne de son fondateur « . Autrement dit, le système crée, il y a 10 ans disparaîtra, pour l’essentiel, avec le général de Gaulle. N’est-ce pas la même situation pour ce qui est du système en place crée par Omar Bongo Ondimba? N’a t-il pas disparu avec ce grand maître de la politique quand on observe toute la collection d’aberration et le foisonnement de transgressions au sommet de l’État?

A la question de savoir « que reste-t-il aujourd’hui du message du général de Gaulle  » posée par la Revue politique et parlementaire à Valéry Giscard d’Estaing le 02 novembre 2020, il répondait: » Hélas, il n’en reste qu’un souvenir lointain. Les acteurs ont disparu pour la quasi totalité, les événements ont tourné, les problèmes centraux français sont devenus différents. La référence au général de Gaulle n’a plus de force d’entraînement politique aujourd’hui mais garde tout son sens historique et idéologique ». Un résumé qui sied à la perfection au profil et à l’image d’Omar Bongo Ondimba aujourd’hui dans notre pays.

Depuis de nombreux mois, le Gabon vit au rythme des intimidations avec des taskforce à la noix, des arrestations totalement arbitraires et des emprisonnements tout azimut. Sommes-nous encore dans la gestion du Gabon selon les méthodes héritées d’Omar Bongo Ondimba? Certainement pas. Après l’hégémonie insolente de la légion étrangère, nous voici plongé dans l’ère violente des collégiens du bord de mer. Ni les premiers et encore moins les seconds cités ne sont qualifié pour tenir le maillet et siéger à la place du grand maître.

Les récentes révélations du copil citoyen sur la gestion des fonds covid-19 ont fini par démontrer que trop de voleurs et de corrompus infestent encore les plus sphères du pouvoir gabonais. Qui est alors qualifié au sommet de  l’État pour faire la morale aux autres de façon aussi agressive? Dans ses mémoires, Pendy Bouyiki raconte pourquoi François Engongah Owono n’était pas allé en prison après un scandale financier constaté et avéré. Omar Bongo Ondimba de dire aux forces républicaines à la manœuvre: « une fois vous l’aurez jeté en prison, faites de même pour moi « . Tout est dit et Engongah Owono fut sauvé.

Est-ce une bonne méthode ou pas? La question peut être posée et le débat lancé. Ce qu’on retient ici c’est le refus pour un coupable de vouloir condamner un autre coupable pour des faits moins graves que les siens. Tel agissait Omar Bongo Ondimba. Pas comme le font les collégiens du bord de mer accablés et acculés par des scandales financiers qui leurs garantissent un séjour sûr et prolongé en prison dans les temps à venir.

Les déclarations du FMI, exigeant la publication du rapport sur la gestion des fonds covid-19 est la preuve que l’assemblée nationale comme le gouvernement s’inscrivent dans des attitudes anormales en parfaite violation des principes démocratiques et ceux de la République. Finalement, le concept « enculer la République » qui est sorti des aberrations de Ryad semble avoir trouvé de nombreux adeptes. Quid de la finesse et de la sagesse d’Omar Bongo Ondimba dans la gestion des situations jugées graves?

La piètre gestion de l’opération scorpion qui pourrait très bientôt emporter le régime de Libreville connaît aujourd’hui en France le revers amer de ses incongruités. Tout ce qui  a été caché lors des enquêtes au Gabon pourrait être révélé en France. C’est pourquoi la République avait tout intérêt à arrêter cette connerie sans nom et sans sagesse. La principale question sera certainement quid du respect des procédures dans le cadre des arrestations abusives opérées et constatées dans notre pays? Quelle est la situation de Patrichi Tanassa, ordonnateur de crédit à la Gabon Oil Company par exemple? Pourquoi à ce jour il n’est toujours pas jugé quand dans  le même temps la justice gabonaise, indiscutablement aux ordres, s’empresse de juger l’aide de camp et le chauffeur de Brice Laccruche Alihanga? Quelle est l’urgence de juger ces deux hommes?

Déjà, les révélations faites par le chauffeur de l’ancien directeur de cabinet du président de la République sont graves et voudraient que les personnes citées soient invitées à la barre. Qu’en sera-t-il lors des procès de Patrichi Tanassa ou de Brice Laccruche Alihanga qui, dit-on, auraient arrosé la République? On comprend mieux pourquoi Omar Bongo Ondimba et tous les autres acteurs de l’affaire Elf avaient décidé d’étouffer avec sagesse un scandale qui pouvait tous les emporter.

A ce niveau de la situation, il convient de tout simplement libérer les prisonniers estampillés scorpion. Ce d’autant plus que la loi est claire, les délais de détention étant largement dépassés. Une véritable porte de sortie « honorable  » pour le pouvoir qui ne perdra pas la face. Dans le même registre, quid des conditions de détention de Brice Laccruche Alihanga. Pourquoi est-il en isolement dans des conditions jugées inhumaines et qualifiées de torture? Pour un pouvoir qui voudrait adhérer au Commonwealth, cette situation est peu vendeuse. Le respect des droits de l’homme est une chose fondamentale pour cette organisation qui se veut sérieuse.

En plus, affirmer dans le quotidien national pro gouvernemental, que Brice Laccruche Alihanga n’aurait qu’une simple diarrhée quand on nous parle dans les journaux étrangers jugés sérieux d’une tumeur, d’un cancer, il faut quand même être inhumain et culotté. Omar Bongo Ondimba à qui certains veulent rendre hommage a ainsi traité lequel de ses adversaires politiques dès le retour du pluralisme politique au Gabon?

La jurisprudence Jean Pierre Lemboumba est pourtant là pour montrer les vrais enseignements ou les codes de management du maître. Tellement ils étaient allés loin dans « leurs affaires secrètes » qu’il était préférable pour les deux hommes qu’ils demeurent ensemble bien que se méfiant l’un de l’autre. Aussi, l’état de santé fragilisé et dégradé de Brice Laccruche Alihanga constitue une porte de sortie honorable pour le pouvoir de quitter cette spirale infernale qui ne pourra que l’avaler.

Dès la chute du président de la République à Ryad, Brice Laccruche Alihanga avait acquis une parcelle de pouvoir excessive qui lui a permis d’avoir accès à la nudité de la République. En d’autres mots, toutes les tares de gestion du pouvoir et de ses acteurs, il les a vu. Partant de cette réalité, est-ce ainsi qu’il fallait gérer son cas, citoyen français par ailleurs et pour lequel la France demande aujourd’hui et légitimement des comptes? Ce type de profil dans un pouvoir n’est pas nouveau. François de Grossouvre sous Mitterrand ou Charles Pasqua sous Chirac. Les deux cas tombés en disgrâce n’ont pas été réglés de la même façon. C’est dire rien ne se crée, rien ne se perd. Tout se transforme.

De quel Omar Bongo Ondimba s’agit-il quand le dialogue au Gabon est devenu une denrée rare? De quel Omar Bongo Ondimba s’agit-il quand Bertrand Zibi et Jean Remy Yama sont gardés en prison pour des raisons fallacieuses? De quel Omar Bongo Ondimba s’agit-il lorsque Flavienne Mfoumou Ondo se retrouve en prison, après un simulacre de procès sur fond de règlement de compte, quand aucun commanditaire des crimes rituels n’est inquiété depuis tant d’années? Quand le député de Leconi, Philibert Ngayipé, est fortement accusé de crimes rituels et malheureusement surprotégé par ses collègues de la législature en cours?

De quel Omar Bongo Ondimba s’agit-il lorsque la stabilité et la paix dans le pays sont constamment menacées par tous les actes graves que posent les collégiens du bord de mer sans tenue réglementaire? De quel Omar Bongo Ondimba il s’agit quand leur cinéma insupportable viole les ambitieuses paroles de notre hymne national? De quel Omar Bongo Ondimba s’agit-il quand ceux qui  se revendiquent de son école laissent prospérer autant de désordre? De quel Omar Bongo Ondimba s’agit-il quand désormais ses propres enfants vivent quasiment en exil?

Ces hommages à Omar Bongo Ondimba, en plus de manquer de sincérité, ne sont nullement opportuns selon le contexte actuel que traverse le Gabon. Les enseignements, par lui laissés, ont été trahis et bannis. Or, la meilleure manière de rendre hommage à un individu de la dimension d’Omar Bongo Ondimba, était de respecter son héritage multiforme. Par conséquent, tout le reste n’est qu’imposture, folklore, mystification et manipulation. Il semble évident que cette moquerie se retournera inévitablement contre leurs auteurs. Et dire que c’est une évidence. Le fétiche sanctionnera. Ce qui est dit est dit et c’est tout.

Par Télesphore Obame Ngomo

Paul Essonne

Journaliste

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