Le débat de Missélé eba’a : Ali Bongo va-t-il s’en sortir ?

 Il est de moins en moins évident pour Ali Bongo de s’en sortir en observant ce qui se passe dans son quotidien politique. Après les déclarations faites sur son accident vasculaire cérébral devant les militants du PDG, suscitant de nombreuses interrogations, plus que jamais, l’opinion publique, c’est-à-dire le PDG et les partis alliés, l’opposition, toutes tendances confondues, les institutions républicaines du pays, les institutions internationales basées au Gabon, les représentations diplomatiques et la masse populaire a désormais la preuve en acte et en image que le président de la République semble être inscrit dans un format politique nouveau et bizarre qui ne peut plus garantir le renouvellement de son bail à la présidence de la République.

Sinon, qui a eu l’idée de trimballer tout un Chef de l’État dans un commissariat pour visiter une cellule faisant foi de la problématique du genre au Gabon ? Mais enfin, tout un président de la République réduit à ce type d’exercices au moment où les gabonais soulèvent de vrais problèmes existentiels? C’est tout simplement décevant et inquiétant. Avec ce type de stratégie politique bancale, comment son entourage qui l’a quasiment emprisonné espère remporter la présidentielle à venir quand on sait que la majorité des gabonais en a assez, depuis 2009, de cette hyper délégation du pouvoir présidentiel confié à la Légion étrangère, et maintenant accaparé par une sorte d’imposture installée à la présidence de la République depuis son AVC ? La maisonnée du chef de l’État s’invite trop et de façon maladroite dans la gestion de l’État.

Ce n’est pas du tout normal. Pendant de nombreux mois, trop de gens ont eu des doutes sur les capacités du président de la République après son AVC. En voyant le comportement affiché par sa maisonnée, inconnue de la Constitution, on ne peut que se demander quels sont les objectifs qu’elle vise et si c’est ainsi qu’elle entend conserver le pouvoir aux mains d’un Ali Bongo, isolé et fragilisé par la maladie. Que les choses soient dites, la moindre violence pendant les élections sera impardonnable au pouvoir d’Ali Bongo jugé proche de Moscou.

Par conséquent, une jurisprudence Laurent Gbagbo pourrait bien s’appliquer au Gabon. Fin de la Françafrique vous avez dit. De la même veine, personne ne comprenait pourquoi Ali Bongo était tenu à l’écart des bains de foule et autres lieux de rassemblement publics. La nature aidant, le covid a bien servi de prétexte. Malheureusement, sa fin semble révéler une attitude anormale qui tend toujours à isoler le président de la République. Que cache t-on au peuple que l’agenda électoral pourrait bientôt révéler ? Disons le, toutes les fois où le chef de l’État a poussé dans une sortie publique, on note toujours des choses ou des attitudes anormales.

D’ailleurs, depuis l’AVC de 2018, aucune interview n’a été accordée à la presse nationale diversifiée. Dès cet instant, il est impertinent que sa maisonnée se mette autant en avant. Elle n’a aucune légitimité et cela ressuscite les nombreux soupçons d’incapacités nourris par les gabonais et les gabonaises. Or, une gestion à la Bouteflika aurait été possible si sa maisonnée avait laissé le système en place agir comme cela s’est fait depuis octobre 2018 à Ryad. Il faut vraiment que cette manière de faire de sa maisonnée s’arrête. La Constitution qui est la colonne vertébrale d’un pays ne connaît ni l’épouse du président de la République, encore moins sa progéniture. Sur quelle base alors la maisonnée d’Ali Bongo s’immisce autant dans les affaires de l’État ?

Mais enfin, c’est quoi cette manière de faire qui révèle trop de choses sur la situation d’Ali Bongo ? Nul ne comprend la stratégie de la maisonnée du président de la République. En même temps elle jouit du pouvoir, en même temps elle veut le conserver mais par ailleurs elle refuse de s’appliquer la rigueur qu’impose cette ambition. Bien évidemment cette manière de faire ne peut que conduire à l’échec et au chaos. Tel que qu’Omar Bongo avait ficelé le système en place, aucune République parallèle ne peut se créer en marge de la vraie. Comment peut t-on avoir des gouvernements où des bancs de ministres sont clairement estampillés épouse ou fils du président de la République ?

C’est inconcevable et ce n’est pas de cette République que nous voulons. A la vérité il faut dire que ce que nous subissons aujourd’hui ne sont que les conséquences de l’aplatissement indigeste et répugnant des gens comme Julien Nkoghe Békalé, Rose Christiane Ossouka Raponda, Jean Yves Teale et tous ces chefs de corps qui refusent, pour des intérêts personnels et égoïstes, de s’indigner lorsqu’il faut défendre et sauver la patrie. Bien heureusement, la résistance n’est pas une invention gabonaise. En plus, elle est légitime pour ne pas dire constitutionnelle. L’article premier de la Loi fondamentale, alinéas 21 dispose que « chaque citoyen a le devoir de défendre la patrie et l’obligation de protéger et de respecter la Constitution, les lois et les règlements de la République ».

En France, des jeunes français de 14 ans comme Daniel Cordier, derrière le général de Gaulle, avaient accepté de s’investir dans la résistance pour dire non à l’occupation allemande et à l’État de Vichy. Donc, il est légitime que des gabonais disent non à cette République qu’on encule comme cela avait été dit à Ryad. Une chose reste certaine, la République comme la nature ont un point commun : elles savent reprendre leurs droits face à l’aberration ou à l’imposture. C’est en cela que tout est à craindre pour la présidentielle à venir lorsqu’on voit les comportements qui sont affichés avec zèle.

L’histoire de la présidence de François Mitterrand nous raconte qu’en 1983-1984, sa côte de popularité avait vertigineusement chuté parce qu’il s’investissait désormais dans des domaines qui n’étaient pas du ressort du président de la République. Ce qui semble être le cas pour Ali Bongo. Quelle était la pertinence de sa présence dans un Commissariat si ce n’est que pour visiter une petite cellule recevant les personnes victimes de violences ? Le ministre de la justice, de l’intérieur ou des affaires sociales aurait suffit s’il fallait donner du cachet à cette visite. Mais tout un président de la République et tout un premier ministre déplacés pour ça. C’est tout simplement triste. C’est comme la confiture, moins on en a, plus on étale.

Cette situation fait que, non seulement les gabonais n’ont pas encore digéré les révélations faites sur les conditions dans lesquelles il a eu son AVC et toutes les manigances qui s’en sont suivies, mais en plus, ce que sa maisonnée semble lui demander de faire ne correspond en rien, ni à son ADN politique, et encore moins au respect des codes de la République. D’ailleurs l’une des photos prises ce jour traduit bien le désastre qui s’annonce. Sur la photo en question, on se demande (1) qui est le président de la République ? (2) Pourquoi l’épouse d’Ali Bongo se met au milieu sur la photo, entre le président de la République et le premier ministre ? (3) Pourquoi elle tourne le dos au président de la République ? Quel est le message qui est envoyé à l’opinion publique ? (4) pourquoi le ministre de l’intérieur est autant isolé sur cette photo au point où le chef du Commissariat passerait avant le premier des policiers ? (5) Quid du commandant en chef de la police qui est carrément perdu sur cette photo publique ? (6) Quand bien même il s’agirait de la problématique du genre, n’y a t-il pas de policiers partageant cette noble cause ? (7) Que devrait t-on comprendre de cette overdose sur cette question de genre ? Les gabonais ne sont pas réputés pour être des personnes violentes sinon ça se saurait et le pouvoir en place aurait eu beaucoup de mal à perdurer autant au sommet de l’État.

Tout compte fait, les gabonais ne comprennent plus la cause défendue par l’épouse d’Ali Bongo. On passe de la question de la veuve et de l’orphelin à la problématique du cancer. Ce n’est plus cette affaire sanitaire, c’est maintenant la question de l’égalité entre homme et femme en passant par la dépénalisation de l’homosexualité et la violence faites aux femmes. Mais enfin…on ne va quand même pas réinventer la roue au Gabon. Les épouses des chefs d’État choisissent toujours une mission sociale précise pour s’occuper, soutenir leur époux et ne pas paraître comme étant simple dame de compagnie aux côtés de leur mari. D’ailleurs, la problématique choisie traduit leur vie, leur vécu ou ce qui aura profondément marqué leur existence. C’est ainsi qu’Yvonne de Gaulle choisira de s’occuper dans sa fondation des femmes handicapées mentales.

En effet, avec le général de Gaulle, ils ont eu une fille, Anne de Gaulle, atteinte de trisomie 21. En tant que première dame, Claude Pompidou l’épouse de Georges Pompidou reçut un jour une lettre qui la bouleversa. Celle d’une dame handicapée qui avait du mal à élever ses deux enfants. Profondément touchée, elle va créer la Fondation Claude Pompidou qui s’occupera des personnes fragilisées par la maladie, le handicap et le grand âge. Mère de plusieurs enfants, selon le contexte français de cette époque, l’épouse de Valéry Giscard d’Estaing va créer la Fondation pour l’enfance. Danielle Mitterrand, engagée dans la Résistance, devenue première dame de France en 1981, va créer la fondation France Liberté-Fondation Danielle Mitterrand. C’est dire que l’activité choisie est toujours en lien avec l’histoire personnelle. Que devrait t-on comprendre des problématiques soulevées par l’épouse d’Ali Bongo qui tendent à l’amener à s’immiscer autant dans la vie de la République au point où trop de gens pensent qu’elle déstructure le modèle social, familial et culturel gabonais. Pour beaucoup on y lit plus une revanche personnelle sur l’histoire, le temps et les hommes. Car, à la vérité il faut dire que la place de la femme au Gabon n’a jamais souffert d’un mal particulier. Omar Bongo qui a été un visionnaire en la matière et dans sa considération excessive pour la gent féminine lui avait donné une place de choix dans la République. Par conséquent, cette overdose sur la question de la femme est excessive. Et là, on n’est plus dans la République. « Pour le prix d’un, vous en aurez deux à la maison Blanche », telle fut la déclaration d’Hillary Clinton qui a failli faire perdre à Bill Clinton son élection présidentielle. C’est dire que les premières dames qui ne veulent pas rester à leur place mettent plus leur mari en difficulté qu’autre chose.

En 2023, les gabonais,  du PDG et d’ailleurs, n’auront pas envie d’être dirigé par des gens qui n’ont aucun mandat mais décident de tout, tout en étant responsable de rien. Cette imposture complique les ambitions politiques d’Ali Bongo en même temps qu’elle réduit ses possibilités de rester à la tête du pays. Invité sur un plateau de télévision en tant que représentant de la candidate socialiste Ségolène Royal, une question fut posée à Arnaud Montebourg «  Selon vous quel est le principal défaut ou handicap de votre candidat ? ». Pas une, pas deux ce dernier répondit « Le principal handicap de mon candidat est son compagnon ». Si la même question était posée au Gabon pour l’élection présidentielle à venir, nombreux répondraient que le principal handicap d’Ali Bongo pour son maintien au pouvoir est sa maisonnée qui apprend à tirer sur un champ de guerre. Par conséquent, au pouvoir absolu qu’elle s’est octroyée, elle commet des erreurs absolues. Résultat des courses : Ali Bongo navigue à découvert. Ce qui n’est pas compatible avec la réalité. On peut alors clairement se poser la question : Ali Bongo va-t-il s’en sortir ?

Bien malin qui oserait répondre par l’affirmative. Par Télesphore Obame Ngomo Président de l’OPAM

 

Paul Essonne

Journaliste

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