L’illusion est fondamentalement mensongère, mais subtilement. Car, sous les apparences fallacieuses de la vérité, elle est en réalité une contrevérité, une affabulation.
Les manipulateurs en usent souvent pour tromper leur monde. Charles de Gaulle fut ce grand illusionniste français qui fit croire aux Africains de l’espace francophone qu’ils étaient indépendants au cours de l’année 1960. Pourtant il n’en fut rien.
Mais la manœuvre géniale du stratège général français a tant et si bien marché que 61 ans après cette esbroufe monumentale, il se trouve encore des Africains pour croire qu’ils sont indépendants et qui commémorent chaque année la fête nationale dite d’indépendance au jour qui fut fixé par le pouvoir colonial : 1er janvier 1960 pour le Cameroun, 7 août pour la Côte d’Ivoire, 13 août pour le Centrafrique, 15 août pour le Congo-Brazzaville, 17 août pour le Gabon et arrêtons-nous là pour ces quelques exemples.
L’illusion comme le rêve nous garde loin de la réalité. Tant que cette réalité n’aura pas été appréhendée, les Africains « indépendants » ne se battront pas pour une indépendance qu’ils croient détenir et qu’ils commémorent annuellement.
Mais néanmoins, les mêmes Africains « indépendants » constatent que rien ne marche dans leur pays : cherté de la vie, baisse du pouvoir d’achat, augmentation du chômage des jeunes, absence criarde d’infrastructures routières, ferroviaires et maritimes, insuffisance de structures éducatives, sociales ou hospitalières, la liste des manquements est extrêmement longue et trahit le niveau de sous-développement avancé dans lequel gît le pays de l’Africain «indépendant ».
Pourtant pour le cas du Gabon, le territoire est immensément riche en ressources naturelles et ne manque pas de personnalités politiques capables d’accéder au pouvoir et d’exploiter toutes ces richesses pour le bien d’une très faible population. Mais depuis 1960, ces Gabonais « indépendants » n’arrivent pas à hisser à la tête de leur pays le président élu qui prêterait serment et gouvernerait le pays conformément au projet de société sur lequel il a été élu.
En 1993 Mba Abessole Paul élu n’a pas prêté serment. En 1998, c’est au tour de Mamboundou Mamboundou Pierre de subir la même déconvenue. En 2009 et 2016, Mba Obame André et Ping Okoka Jean ont respectivement reproduit à leurs propres dépens l’infernal scénario. Près de 23 ans d’échecs sanctionnent toutes les élections présidentielles gabonaises depuis l’avènement de la conférence nationale. Quelles sont les causes profondes de ces échecs successifs ? Est-ce peuple gabonais inconscient et immature ? Ou bien est-ce la classe politique gabonaise de l’opposition ?
Un peuple inconscient et immature ne saurait être constant dans son choix de rompre avec une dictature corrompue et incompétente. Un peuple inconscient et immature ne porterait pas toujours son choix depuis 23 ans vers des figures qui ont symbolisé l’alternance et le changement à chacune de ces échéances. Ce peuple n’est pas ethno-tribaliste car il a voté successivement, en 23 ans d’exercice électoral, pour un Ekang de l’Estuaire, un Punu de Ndendé, un Ekang du Woleu-Ntem et un Nkomi de l’Ogooué-maritime. Ce peuple est également exigeant car les personnalités élues étaient toutes de gros calibre, brillantes sur les plans intellectuel et universitaire.
Leur prise de pouvoir à la tête du Gabon aurait auguré d’un meilleur avenir. En conclusion, le peuple gabonais sait choisir son candidat lors de l’élection présidentielle car il sait parfaitement ce qu’il veut et ce qu’il récuse.
Si le paramètre du peuple a été cerné, arrêtons-nous sur la classe politique gabonaise de l’opposition. Si des opposants ont été élus à chaque élection présidentielle gabonaise, c’est bien qu’ils ont de la valeur et sont capables de changer le destin de cette nation. Mais il semble qu’une qualité cruciale manque à tous ces opposants successivement élus : le courage.
Oui, le courage d’affronter l’entité qui se tient cachée dans l’ombre et qui soutient indéfectiblement le régime honni. Tous ces opposants élus tiennent pour acquis, dans un complexe inouï d’infériorité, que cette entité est le véritable maître du Gabon et qu’au lieu de l’affronter, il convient de s’en tenir à son arbitrage quand survint systématiquement la crise post-électorale.
C’est cette posture d’infériorité intériorisée et jamais exprimée au public gabonais qui explique leur participation à tous les dialogues politiques devant (1) légitimer la forfaiture et (2) permettre le partage du cadeau dans un gouvernement d’union nationale pour contenter les vainqueurs spoliés et mécontents. Attitude de compromission que l’opposition gabonaise a toujours eue et a déçu, au plus haut point, le peuple gabonais mature et conscient qui s’est senti floué et trahi par des hommes qu’il a pourtant choisis librement et souverainement.
La couardise des opposants pourtant valeureux mais infério-complexés face à cette entité est à l’origine de l’échec démocratique gabonais. Ces opposants élus qui craignent pour leurs intérêts voire leur vie refusent de combattre le véritable mal à la racine du Gabon. Ils refusent de combattre la France officielle et des réseaux aidée de son bras armé, la Françafrique.
Le paramètre de l’opposition gabonaise est désormais compris. Si un opposant a pris acte de la suprématie de la France et s’en accommode en allant à la prochaine élection présidentielle d’août 2023, il est clair qu’il reproduira à dessein les scénarios enregistrés depuis 1993.
Mais de cela, les Gabonais n’en veulent plus. Le temps long d’une décennie d’échecs politiques a permis d’ouvrir les yeux à une population qui a compris que s’en prendre constamment et exclusivement à la marionnette est inutile et inefficace car le marionnettiste qui, dans l’opacité, actionne ses manettes saura toujours imposer sa marionnette, et quand celle-ci est abîmée, il saura la remplacer par une autre.
La première marionnette Léon Gabriel Mba Minko fut soutenue à bout de bras par la France. Quand, abîmée et ruinée par un cancer, elle s’en alla, elle fut ensuite remplacée de facto par la deuxième marionnette, Albert-Bernard Bongo. Ce dernier, maintenu 42 ans durant à la tête du Gabon par la même France, disparut, rongé par un cancer, et fut substitué par la troisième marionnette, le fils adoptif Ali Bongo Ondimba. Cette troisième marionnette sérieusement abîmée dans un AVC, est en voie de remplacement par une quatrième marionnette qui porterait le nom de Nourredine Bongo Valentin.
Pour la France, il existe un lien orthographique immuable entre Gabon et Bongo que nous écrivons GaBongo. De ce point de vue, seul un Bongo devrait diriger le Gabon qui est la propriété de la France selon les accords secrets coloniaux dits abusivement de coopération. Si l’ancienne génération d’hommes politiques du pouvoir ou de l’opposition s’est accoutumée à ce fait inique de puissance française au Gabon, la nouvelle génération gabonaise décomplexée, compétente, consciente et agissante est d’un autre tonneau et n’entend plus aliéner sa souveraineté à une quelconque puissance occidentale.
Le temps est venu de comprendre que ni le bulletin de vote, ni la diplomatie post-crise électorale, ni les éternels dialogues ne rompront le cycle mensonger et vicieux dans lequel baigne le Gabon depuis 1993. Tous ces éléments concoctés par le pouvoir gabonais soutenu par la France ne visent qu’un seul but : maintenir la dictature du système Bongo-PDG et empêcher toute alternance et tout changement démocratique à la tête du Gabon.
Tout opposant gabonais qui s’inscrit dans ce schéma improductif est foncièrement françafricain et milite pour une domination coloniale française d’où il tirera sa part du gâteau en se faisant remarquer par la France, grâce au peuple qu’il ne manquera pas de trahir ensuite.
Les Gabonais doivent se préparer dorénavant à affronter le marionnettiste qui n’entend que le langage de la force. Et le combat populaire face à la France officielle et des réseaux commence par la prise de conscience qu’elle est la racine du mal gabonais.
Les Gabonais doivent savoir que bien qu’absente officiellement, la France manœuvre dans l’ombre auprès des opposants françafricains. Les Gabonais doivent démasquer ces opposants complices de la France et ne plus leur faire confiance car ils trahiront toujours.
Seule la nouvelle génération anti-françafricaine et souverainiste porte l’espoir populaire et dispose de la véritable clé pour que le Gabon accède réellement à son indépendance. La vraie, l’authentique.
Par Privat Ngomo