« Halte aux déguerpissements sauvages à Libreville! » Bonaventure Mve Ondo.

Face à l’initiative déguerpissement des populations, de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer la brutalité de cet acte, parmi celles-ci, il y a bien entendu l’interpellation du professeur Bonaventure Mve Ondo, ancien recteur de l’Université Omar Bongo.
« Libreville s’éveille une fois encore dans le fracas des tôles arrachées, des pleurs d’enfants et des silences coupables. Derrière l’Assemblée Nationale, ce quartier populaire au cœur de la République, c’est une communauté entière qu’on vient de broyer au petit matin. Sans relogement, sans dédommagement, sans respect. Les bulldozers ont parlé là où le dialogue a été refusé.
Comment a-t-on pu, en 2025, dans un pays qui se rêve en démocratie rénovée, renouer avec les méthodes les plus brutales des régimes autoritaires ? Quand on détruit un quartier, ce ne sont pas seulement des baraques que l’on rase. Ce sont des vies, des histoires, des solidarités tissées au fil des années, ce sont des Gabonais qu’on relègue à l’inexistence.
Qui sont les habitants de Derrière l’Assemblée ?
Des fonctionnaires retraités, des travailleurs informels, des mères seules, des étudiants, des enfants scolarisés à côté. Ce quartier, bien que informel, était depuis bien longtemps une réalité sociale vivante, une réponse populaire à l’incapacité de l’État à loger dignement ses citoyens. Faute de politique foncière claire, ce sont les pauvres qui paient toujours le prix du désordre que d’autres ont entretenu.
Un crime social sans nom.
Ce qui vient de se passer n’est pas un simple déguerpissement. C’est une violence d’État. Car détruire sans reloger, c’est condamner à l’errance. C’est faire basculer des familles dans la précarité la plus extrême. Ce n’est pas seulement une faute technique ou administrative. C’est un crime social, une atteinte à la dignité humaine, une trahison du pacte républicain.
Et le silence des institutions est assourdissant. Où est l’Assemblée Nationale, pourtant si proche géographiquement ? Où sont les députés censés représenter ces citoyens ? Où sont les voix des mairies, des ministères, des intellectuels, des médias ? Pourquoi ce mutisme face à une opération qui humilie la République ? On nous dit que les premiers déguerpis avaient été relogés à l’époque ? Pourquoi n’y a-t-il pas eu de suivi alors ? Pourquoi n’a-t-on pas alors protégé le site ? Pourquoi a-t-on laissé faire ? Pourquoi a-t-on laissé les populations dans l’insécurité culturelle ?
Notre ville mérite mieux qu’un urbanisme de la terreur.
Il est temps de le dire haut et fort : Libreville ne doit pas devenir un champ de relégation sociale. La ville ne peut pas se construire à coups de pelleteuses sur les plus vulnérables.
 Il ne suffit pas de repeindre les murs de l’aéroport ou d’aménager la corniche pour devenir une capitale moderne. La modernité commence par la justice, pas par la brutalité.
Les quartiers populaires sont eux aussi des quartiers de la République. Ce sont des lieux de vie, de résilience, de solidarité. Ils doivent être régularisés, viabilisés, accompagnés, pas rayés de la carte. Il existe des solutions : des titres de propriété simplifiés, des plans d’aménagement participatif, des requalifications in situ, des zones de relogement dignes et connectées, et surtout une politique urbaine qui reconnaît les gens au lieu de les chasser.
Pour une ville humaine et inclusive.
Il est temps de lancer un appel à la mobilisation citoyenne : ce qui s’est passé à Derrière l’Assemblée ne doit plus jamais se reproduire ailleurs. Que ce soit à Nkembo, Avorbam,  Derrière la Prison, Nzeng-Ayong, Kinguélé ou PK6, chaque citoyen a droit à la ville, à la sécurité foncière, au logement, à la considération.
Nous demandons une enquête indépendante sur les conditions du déguerpissement, un moratoire immédiat sur toutes les opérations similaires, la création d’un Fonds d’urgence pour le relogement des populations déguerpies et l’ouverture d’un dialogue public sur la justice spatiale à Libreville. Car une ville qui se construit sur l’injustice est une ville qui court à sa ruine.
Et nous disons à celles et ceux de Derrière l’Assemblée, vous n’êtes pas seuls.
 Vos maisons sont tombées, mais votre dignité se relève avec nous tous. C’est cela la vraie démocratie ».
Bonaventure Mve Ondo: Recteur des Univers Francophones Philosophe et ancien Recteur de l’UOB.

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