Gabon : Un aperçu de la situation des agriculteurs familiaux

Les agriculteurs familiaux produisent environ un tiers de la nourriture dans le monde. Cinq exploitations agricoles sur six dans le monde ont une superficie inférieure à deux hectares, exploitent environ 12 % de toutes les terres agricoles et produisent à peu près 35 % de la nourriture mondiale[1].  Environ 2,5 milliards de personnes dépendent des 500 millions de petites exploitations agricoles du monde pour leur subsistance.

Les agriculteurs familiaux offrent une occasion unique de garantir la sécurité alimentaire, d’améliorer les moyens de subsistance, de mieux gérer les ressources naturelles, de protéger l’environnement et de favoriser le développement durable, en particulier dans les zones rurales. Ils sont les agents du changement nécessaires pour atteindre l’objectif faim zéro. En investissant davantage dans la petite agriculture, de nombreux pays d’Afrique ont la possibilité d’augmenter la production alimentaire, d’accroître la résilience au changement climatique et de réduire la pauvreté ; le Gabon est l’un de ces pays.

Grâce à l’exploitation de ses richesses minières et forestières, le Gabon affiche un revenu national brut par habitant de 6 830 USD[2], ce qui le place  dans la catégorie de pays à revenus intermédiaires de tranche  supérieures. Paradoxalement, les indicateurs sociaux du Gabon ne correspondent pas à ce statut ; selon une estimation[3], 30 % de la population vit dans la pauvreté et celle-ci est plus diffuse et plus profonde dans les zones rurales. La population rurale reste confrontée au conflit homme-faune et à l’impact des marchés sous-développés et des systèmes de livraison non connectés au « dernier kilomètre ». La combinaison de la pandémie COVID-19 et de la baisse des prix du pétrole a engendré de grandes difficultés sur l’économie gabonaise avec notamment des impacts négatifs sur les moyens de subsistance, en particulier pour les agriculteurs ruraux pauvres.

Le secteur agricole (y compris la sylviculture et l’agriculture) est relativement sous-développé et ne contribue qu’à 5 % du PIB, alors qu’il emploie environ 40 % de la population rurale. L’agriculture est dominée par environ 70 000 petites exploitations familiales de subsistance, d’une taille moyenne oscillant entre un à deux hectares, qui cultivent principalement des légumes, des cultures vivrières de base (manioc, plantain, taro, igname, patate douce, maïs et arachide), des cultures fruitières et de rente. La production agricole est demeurée insuffisante pour répondre à une demande locale en croissance. On estime que 60 % des aliments consommés au Gabon, notamment les céréales et la viande, sont importés.

En outre, le Gabon est très vulnérable aux effets du changement climatique, qui menace la capacité des agriculteurs à assurer la sécurité alimentaire et le développement durable. Le changement climatique a des effets directs et indirects sur la productivité agricole, la forêt, la santé, le tourisme, l’énergie et les ressources en eau.

Des facteurs tels que la faible population rurale (14%), le régime foncier, le coût de la main-d’œuvre (et le manque d’attrait de la profession pour les jeunes), le manque d’infrastructures de commercialisation et de transformation, et le financement rendent le secteur non compétitif dans son ensemble.

Dans ce contexte complexe, il apparait urgent d’agir pour aider les systèmes alimentaires au Gabon à être plus résilients pour répondre à la vulnérabilité et aux besoins urgents des moyens de subsistance et des systèmes de production agricoles mis à rude épreuve par des chocs et des risques multiples. Il est devient impératif d’agir pour soutenir le secteur agricole par le développement et la promotion de systèmes alimentaires spécifiques et transformationnels en mesure de renforcer la résilience des communautés les plus vulnérables et préserver leurs moyens de subsistance.

Les systèmes alimentaires durables qui s’articulent autour des agriculteurs familiaux peuvent dans le cas du Gabon, offrir de nouvelles opportunités économiques et des emplois intéressants. Pour améliorer la production et la productivité des agriculteurs familiaux, le gouvernement gabonais pourrait adopter des politiques et des stratégies d’investissement adaptées au contexte, en mettant l’accent sur les technologies et les pratiques spécifiques aux systèmes agricoles. Voici quelques suggestions.

En tirant profit des documents stratégiques existants pour le secteur agricole, et en mettant en place un programme national intégré de soutien aux agriculteurs familiaux afin de créer un environnement propice pour leurs permettre de s’intégrer avec succès dans les chaînes de valeur alimentaire pour les marchés nationaux et d’exportation.

Les agriculteurs familiaux ont le potentiel pour devenir les gardiens de la souveraineté alimentaire et de l’environnement au Gabon. Pour que cela se produise, ils doivent être considérés comme des acteurs centraux dans les politiques gouvernementales en prenant en compte les difficultés auxquelles ils sont confrontés (par exemple, la sécurité foncière, le crédit bancaire, les intrants, l’accès aux marchés et l’assistance technique).

Un programme national de soutien aux agriculteurs familiaux devrait envisager l’intégration des agriculteurs familiaux dans les achats alimentaires institutionnels (par exemple, la politique et la stratégie nationale pour l’alimentation scolaire et l’approvisionnement alimentaire d’autres institutions publiques) et promouvoir l’investissement dans les systèmes alimentaires ayant un potentiel économique, social et environnemental. Par exemple : Investir dans la production alimentaire prometteuse en fonction du potentiel d’amélioration de la sécurité alimentaire et nutritionnelle, du potentiel de la demande du marché et des produits frais et transformés, ayant un potentiel de substitution aux importations ; Développer des stratégies pour changer les habitudes alimentaires de la population afin d’encourager la consommation locale en adoptant une approche/stratégie 100% locale impliquant les ministères, les partenaires du développement et les organisations de la société civile, etc. pour sensibiliser à l’utilisation et à la consommation de produits locaux ; Investir pour améliorer l’approvisionnement des installations de transformation, réduire les pertes de récolte et post-récolte, développer et améliorer les services de stockage, de transport, de transformation et de packaging ; Donner la priorité aux cultures et aux méthodes de production respectueuses de l’environnement (par exemple, l’agroforesterie, l’agriculture de conservation, etc.)

Les partenaires de développement et en particulier les institutions financières internationales (par exemple, la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, le Fonds international de développement agricole, etc.) devraient poursuivre et accroître leurs efforts en fournissant des ressources financières pour le développement de l’agriculture familiale au Gabon à court, moyen et long terme, conformément à un Programme national de soutien aux agriculteurs familiaux.

Par Walter de Oliveira, Chargé de la Résilience au Bureau Sous-régional de la FAO pour l’Afrique centrale.

Paul Essonne

Journaliste

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *