Gabon : Lettre ouverte à Sylvia Bongo Ondimba née Valentin.

Madame,

Des enseignements du pavé de mosaïque, chers à la franc-maçonnerie, nous pouvons tous retenir cette phrase « Tout dans la vie est symbole ». C’est parce que cette vérité parle aux patrons de presse que je représente en tant que Président de l’Organisation patronale des médias (OPAM) que nous pouvons aujourd’hui dire « notre indépendance, nous la méritons ».

Le 29 novembre 2019, alors que Brice Laccruche Alihanga arpentait sa chute au sommet du pouvoir en place, je titrais dans un de mes billets de la rubrique « le vrai débat est là : Attention à la vacance du pouvoir ». Dans mon texte, je fustigeais la communication nauséabonde, irréfléchie et nocive pour le Président de la République, fraîchement fragilisé par la maladie, qu’avait orchestré des officines du palais présidentiel.

Plusieurs années après, les passions s’étant estompées, la réalité ayant rattrapé les acteurs visiblement insensés, l’heure de la récolte des décisions farfelues semble avoir sonnée. Qui, de Brice Laccruche Alihanga et ses pourfendeurs sont aujourd’hui au banc des accusés, ici au Gabon avec une opinion publique révoltée, et ailleurs, plus précisément en France, avec une justice qui entend défendre le droit et le respect de la dignité humaine ?

L’invitation de Patrichi Tanasa devant les tribunaux répond à quelle stratégie sinon à une énième maladresse qui fragilise, une fois de plus, le pouvoir d’Ali Bongo Ondimba en même temps qu’il jette l’opprobre sur votre image désormais méprisée. Et pourtant l’histoire du monde est riche d’exemples afin de s’éviter un certain nombre d’erreurs. Pourquoi Charles Pasqua n’a jamais fini devant les tribunaux bien qu’étant entré en disgrâce aux yeux de Jacques Chirac, le Président de la République?

Quel regard les gabonais, les diplomates en poste dans notre pays, ont-ils désormais de l’épouse du Président de la République, dont la Fondation aurait reçu plusieurs centaines de millions de francs CFA de l’argent issue de détournements publics comme l’affirme le chef d’accusation qui accable Patrichi Tanasa, ancien directeur général de Gabon Oil Company (GOC) ?

Madame,

Cette situation est inconfortable et déplorable, surtout pour une première dame. Jamais dans l’histoire de notre pays, l’épouse du Président de la République n’aura été autant discréditée par des révélations aussi sulfureuses. Malheureusement, ce sont les organes de presse contrôlés depuis le palais présidentiel qui alimentent cette situation honteuse et scandaleuse. Nous voulons pour preuve, la reprise à leur compte, de nombreux tracts mensongers qui circulent sur les réseaux sociaux, dénigrant les organes de presse, membres de l’OPAM. En tant que président de cette organisation, je ne l’accepte pas.

Aussi, on ne peut que se demander quels sont les objectifs visés par ces acteurs, indiscutablement irréfléchis et perdus? Pourquoi alimenter un tel débat sulfureux en salissant la presse libre et indépendante qui, naturellement, n’entendra pas se laisser faire ? Et dire que Patrichi Tanasa a pourtant cité plusieurs noms au Tribunal de Libreville, mais seul le vôtre et celui de votre fils Noureddine Bongo Valentin intensifient les débats du fait des impertinences de la presse pilotée par Jessy Ella Ekoga. En clair, c’est ce dernier, pensant et voulant se défendre vous met en difficulté en développant des arguments plus que boiteux.

Quel est l’intérêt pour ces organes de presse, affirmant soutenir le Chef de l’État, d’amener l’opinion publique à davantage s’interroger sur les différentes déclarations faites sur le sujet ?  Votre Fondation dit n’avoir reçu que dix millions de francs CFA quand l’ancien directeur général de la GOC parle de plusieurs centaines de millions de francs CFA, visitant le milliard. Où serait alors passée la trop grande différence ?

Jessy Ella Ekoga, qui était le convoyeur desdits fonds, aurait-il détourné la différence ?  Si Oui, pourquoi n’est-il pas inquiété et en prison pour détournements de fonds publics ? Pourquoi occupe t-il toujours le poste de porte-parole de la présidence de la République ? Est-ce en hommage aux bons et loyaux services rendus après des transactions exécutées et jugées obscures? Quid de l’égalité des chances prônée par le candidat Ali Bongo Ondimba en 2016 ?

Les révélations de Patrichi Tanasa démontrent bien l’imposture de Jessy Ella Ekoga qui n’est ni communicateur, ni communicant, ni un acteur expérimenté du domaine de la communication. Ali Bongo Ondimba avec qui j’ai travaillé n’aurait jamais pris un infographe de ce niveau pour animer sa communication.

Par ailleurs, l’opinion publique sait que Jessy Ella Ekoga travaillait au service communication de votre Fondation. Donc il est fort probable qu’il réponde de votre parrainage. Le propulser à un tel niveau de l’État alors qu’il n’en n’a pas la carrure est un mal qui a été fait à notre pays. C’est justement ce mélange de genre qui continue d’alimenter l’opinion générale sur les réelles capacités d’Ali Bongo Ondimba. Car, Jessy Ella Ekoga n’a jamais fait partie du cercle premier du Président de la République capable de reproduire l’ADN de sa gouvernance. D’où tous les errements que nous constatons et que nous déplorons. Et cette réalité qui constitue une faute politique imparable tend à s’étendre à toutes les sphères décisionnelles du pays : Présidence de la République, Gouvernement, Haute Administration et Armées. Nul doute que les conséquences de ces choix hasardeux vous les vivrez, malheureusement, avant le début des hostilités électorales à venir.

Madame,

Le sujet en présence qui ne rend pas hommage à vos actions dites humanitaires est tellement grave qu’il nécessite une attitude autre que le silence, l’orgueil ou l’arrogance. Par conséquent, si Jessy Ella Ekoga vous a bel et bien remis le milliard de francs CFA considéré comme détourné, alors il faut accepter d’honorer les lois en République gabonaise. Les juges chargés de cette affaire ne vous rendent pas service en faisant fi des procédures légales et pénales. Quitte à vous convoquer rien que pour la forme. Votre Conseil pouvait vous représenter et défendre vos droits. Il en va de votre image, ici et ailleurs.

Madame,

Le regard amer et accusateur des gabonais comme celui du monde entier est la pire des condamnations pour une personnalité publique de votre rang. Avec une telle situation accablante et gênante, comment les journaux qui prétendent défendre votre époux, le Président de la République, peuvent s’acharner sur la presse libre et indépendante, faisant même de ce dernier un corrupteur et un fossoyeur de la démocratie puisqu’il aurait payé les patrons de presse pour ne pas dire la vérité sur son bilan. Est-ce bien sérieux tout ça?

Ali Bongo Ondimba que j’ai eu la chance de fréquenter n’aurait jamais toléré une stratégie de communication aussi ridicule que bancale. De qui viendraient alors ces ordres visant à ternir l’image des organes de presse de l’OPAM qui n’auraient fait qu’informer l’opinion publique sur une actualité qu’on aurait pu éviter si la sagesse avait guidé l’action de ceux qui ont décidé de juger maladroitement des gens qui ont vu la nudité de la République. Ceux qui ont pris ce risque devront assumer cette lourde responsabilité. Ce n’est pas ainsi qu’ils devraient être traités. Il n’y a pas meilleure attitude pour illustrer cette situation dangereuse que l’indignation de Maurice Delaunay lorsqu’il s’est agi du procès de Bob Denard lâché par le président de la République, Valéry Giscard d’Estaing. La suite de cette affaire est connue. Le successeur de Pompidou n’a pu rempiler à l’Élysée. Les mêmes causes produiront toujours les mêmes effets.

A l’heure où Étienne Tshisekedi a libéré Vital Kamerhe, où Paul Biya a rétabli Maurice Kamto et Alassane Ouattara gracié Laurent Gbagbo, comment au Gabon, pays d’Omar Bongo Ondimba, on en est à s’embourber dans une affaire puante qui ne peut que mal se terminer ? Que la sagesse reprenne le dessus avant que les carottes ne soient définitivement cuites pour ceux qui pensent qu’un royaume divisé peut régner. De la même façon que la presse façonne les consciences, de la même manière, elle accompagne le chaos quand elle ne le construit pas directement.

Madame,

Au nom de l’indépendance des organes de presse, membres de l’OPAM, c’est l’occasion de vous rappeler cette phrase de Michel Rocard « aucun individu ne peut gagner un combat contre la presse ». L’histoire de Penelope Fillon est encore fraîche dans la mémoire collective pour savoir comment et pourquoi son époux, François Fillon, n’est jamais devenu président de la France alors qu’il regorgeait de nombreux atouts.

A un an de l’élection présidentielle, s’autoriser un tel bras de fer avec les organes de presse les plus suivis de notre pays relève de la pure folie politique. D’ailleurs, cette victoire inéluctable de la presse libre et indépendance concentrée dans l’OPAM prouvera que son indépendance elle l’a vraiment mérité. Avec les attaques injustifiées et les tracts multipliés, les déclarations faites par Patrichi Tanasa constitueront le feuilleton qui animera la vie politique de notre pays pendant de nombreux mois encore. Hélas, aucune personne citée au Tribunal devant tous ne sera épargnée.

Le Président de la République a toujours dit « à offense publique, excuses publiques ». Les patrons de presse que je représente ont été salis, aussi, nous méritons et exigeons des excuses publiques des officines du palais présidentiel qui n’ont pas mesuré le mal font à notre corporation.

Madame,

Le débat qui est exposé sur la place publique n’a rien de personnel. Il s’agit ici de la République. Par conséquent, nous ne pouvons faire régner le silence. Nous devons en permanence défendre la patrie lorsque le danger nous guette. Notre indépendance, nous devons la mériter.

Par Télesphore Obame Ngomo

Président de l’OPAM.

Paul Essonne

Journaliste

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