Mobutu l’avait dit » j’ai ramassé le pouvoir « . Ce n’est trop dire si l’on venait à affirmer que le pouvoir au Gabon est bel et bien à terre. Mais, qui pour le ramasser? Telle est la grande question qui arpente les cerveaux des différents cercles d’influence installés ou connectés au Gabon.
La gestion de notre pays par des individus sans expérience et sans aucune expertise avérée est un véritable désastre. En effet, voici des gens qui, pour les uns, n’ont pas fini leurs classes, pour les autres, naviguent en grande imposture, sont parvenus au sommet de l’État en s’inventant des profils académiques voire toute une vie.
Malheureusement pour eux, il est dit, « on ne juge le maçon qu’au pied du mur ». Alors, mesdames et messieurs, d’ici et d’ailleurs, apprécions le recul et le ridicule qui drapent l’avenir de notre pays.
La situation du Gabon est tellement pathétique et grave qu’il convient impérativement de marquer le pas et de prendre avec courage les mesures qui s’imposent. Il faut absolument, au nom du Gabon d’abord, arrêter le massacre de nos finances publiques et éviter la mort programmée de l’image de notre pays. Notre Gabon qui devrait être digne d’envie et immortel, auquel faisaient allusion les pères de notre Nation, est en danger.
Un seul mot alors est désormais à l’ordre du jour: la rupture. En effet, afin de ne jamais devoir porter les tares de gouvernance ou d’assumer les imbécilités de gestion de ces acteurs impertinents et incompétents identifiés, il convient à ceux qui rêvent du pouvoir suprême, dans la majorité, de se démarquer le plus tôt possible de cette collection d’aberrations et d’incongruités qui nous est servie à longueur de journée.
Selon l’esprit politique hérité du modèle de la cinquième République en France, l’émergence ou l’existence d’un acteur politique ne se fait que par opposition au « leader principal » ou par la présentation d’une offre politique différente. C’est ainsi que Georges Pompidou a pu succéder à Charles de Gaulle en 1969 une fois lui avoir volé la vedette et le leadership lors des événements de mai 68 où ils étaient en sérieux désaccord.
Dans le même esprit, Chaban Delmas n’a eu son ascension politique que grâce à son offre politique nouvelle dénommée » le nouveau monde » qui tranchait radicalement avec la politique de Georges Pompidou, jugée ancienne voire ringarde. N’eût été les manœuvres mesquines de Marie France Garaud, de Pierre Juillet, conseillers influents à l’Élysée et celles de Jacques Chirac, ministre de l’intérieur, Chaban Delmas aurait raflé la mise et aurait succédé à Georges Pompidou décédé.
La venue de Giscard d’Estaing n’est pas en marge de cette conception du pouvoir. Sur les questions monétaires, il s’était farouchement opposé au général de Gaulle qui l’avait renvoyé du gouvernement. D’ailleurs, la figure de l’homme du 18 juin était tellement vendeuse que François Mitterrand utilisera cette rupture pour plomber Giscard d’Estaing lors du débat présidentiel qui les opposait en 1981.
A ces exemples déjà bien riches, on peut encore ajouter les cas Mitterrand et Chirac. Le premier président socialiste de la cinquième République a commencé son combat contre le général de Gaulle en 1965 en proposant une offre politique différente. La même fut opposée à Giscard d’Estaing qu’il battut en 1981.
Pour exister, Jacques Chirac, après avoir tué politiquement Chaban Delmas, fit de même avec Giscard d’Estaing. Ainsi, il devint dès 1981 le leader incontesté de la droite en France. Ce qui lui permit de succéder à François Mitterrand, politiquement inscrit à gauche.
Les cas Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron sont encore plus explicites. Pour émerger et nourrir son ambition, Nicolas Sarkozy, pourtant membre du gouvernement, n’a eu de cesse de s’opposer au président de la République, Jacques Chirac, qui dût le recadrer en 2004 lors d’une interview avec cette phrase restée célèbre » j’ordonne, il exécute « .
Emmanuel Macron avait dû démissionner du gouvernement pour marquer sa différence, son désaccord ou sa démarcation avec la politique contestée de François Hollande. Ainsi, personne ne pouvait lui faire porter le bilan ou la gestion de son chef dans la mesure où publiquement il s’y opposait. Et dire que, pour Sarkozy comme pour Macron, ils étaient pourtant les principaux artisans des politiques qu’ils contestaient. C’est ce qu’Alain Juppé nommera avoir de l’habileté politique.
Dans le cas du Gabon, la gestion des collégiens du bord de mer est tellement merdique que, nombreux sont les citoyens, d’ici et d’ailleurs, qui se posent la question de savoir si les personnes aguerries dans le pouvoir en place ne voient pas tout ce désordre multiforme qui se passe au sommet de l’État ou qu’elles seraient finalement mues par d’autres intérêts, plutôt personnels.
A un moment donné, le silence qu’elles font régner sur la République face aux aberrations innommables et innombrables ferait qu’elles devront assumer ce bilan catastrophique de ces irresponsables à qui elles ont laissé maladroitement tenir le maillet.
La dernière sortie publique du président de la République a fini par convaincre plus d’un qu’il est plus que jamais nécessaire qu’Ali Bongo Ondimba aille se reposer pour préserver sa santé et son temps restant. Cette situation regrettable pour ses partisans ouvre une ère nouvelle, celle d’une alternance au sommet de l’État. Aussi, l’attitude responsable qu’auraient affichée les différents acteurs de la scène politique ou publique nationale pèsera fortement, ici et ailleurs, au moment des échéances électorales à venir.
Rappelons qu’en plus du silence complice affiché par les acteurs aguerris au pouvoir, le second danger réside dans le fait que les principaux challengers au poste suprême sont des anciens du pouvoir qui ont eu le courage d’exprimer et d’afficher leur désaccord avec la manière de gouverner d’Ali Bongo Ondimba. Ce qui est tout à leur avantage selon l’esprit du modèle politique hérité de la cinquième République. Il n’est pas exclu ou impossible que leur légitimité, en plus de séduire l’opinion publique nationale, pourrait intéresser les partenaires du Gabon qui savent observer nos élections présidentielles.
C’est pourquoi, avec tous les scandales qui pleuvent et qui ont été suscités par l’impertinence et l’incompétence des collégiens du bord de mer: (1) dossier Scorpion dans le volet « violation des droits de l’homme »: contentieux avec l’ONU et avec la France. Deux de ces ressortissants étant arbitrairement et abusivement détenus.(2) dossier covid-19 avec tous les grossiers détournements de fonds publics: contentieux avec le FMI. (3) Commonwealth, injures publiques au consul général de France au Gabon, votes incompréhensibles en faveur de la Russie au conseil de sécurité de l’ONU: contentieux avec l’Occident. Autant de décisions irréfléchies qui ont froissé à jamais les codes et les liens diplomatiques avec les partenaires stratégiques. De ce pas, un seul mot s’impose à l’ordre du jour: « rupture » afin d’exister et d’émerger demain.
Par Télesphore Obame Ngomo