« Comme un troupeau de bestiaux destinés à l’abattoir » affirme Serge Abslow.

Ce vendredi, je me suis levé à 5h30, après avoir préparé ma fille pour l’école, j’ai entrepris de m’apprêter moi-même pour honorer un rdv professionnel en milieu de matinée. A 7h00, j’étais en route pour la ville. À 7h15 je me suis retrouvé au carrefour Gigi, empêtré dans un embouteillage monstre naissant. A 10h37, je franchissais seulement la zone de travaux de l’aéroport Léon Mba. 

Après 3h22 minutes pour franchir moins de 5km, mon rdv a été raté et reporté sine die. 3h22 durant lesquelles, j’ai vu des véhicules tomber en panne sèche; d’autres tomber en panne de moteur; j’ai vu des accrochages entre 2 voitures; j’ai vu une rixe entre 2 usagers et j’ai entendu des insultes fuser. Mais j’ai surtout vu des motards déployés interpeller manu militari des usagers impatients roulant en double file.

Pendant ces 3h22 interminables où on roulait à la vitesse des limaces, ma tête chauffait, ma bouche pestait et mon cœur bouillonnait de colère contenue devant tant d’incapacité ou plutôt d’incompétence de notre gouvernement à imaginer des solutions pérennes, même les plus simples, pour résoudre ce problème qui n’a que trop duré et qui va s’amplifiant.

Mais c’est en constatant ahuri dans cet embouteillage monstre, deux cortèges officiels, certainement deux ministres, sans aucune gêne, ne pas s’astreindre comme tout le monde à la même galère, avec motards et gyrophares, se frayer un chemin improbable dans ces voitures enchevêtrées, en se livrant à un rodéo drive intolérable, que j’ai su qu’on était nés avant la honte.

J’en ai alors déduit qu’il n’y a plus rien à espérer de ces gens qui n’ont plus que l’indécence à proposer. Ils ont atteint l’asymptote de la de leurs capacités, et partant, celle de l’imagination et de l’innovation. Ils ont surtout atteint le plus haut degré de l’arrogance, de l’insolence et de l’insouciance, pour n’être même plus capables d’humilité pour subir, par pudeur, ces bouchons de la honte qu’ils sont incapables de résorber.

Et qui produisent chaque matin depuis deux ans, ces files ininterrompues de voitures bondées de gabonais de toutes conditions, tentant de rallier leurs lieux de travail pour contribuer à produire une richesse nationale qui n’en finit plus de s’amenuiser. Des médecins dont les malades attendent les soins; des enseignants dont les élèves attendent les enseignements; des élèves dont les enseignants attendent l’arrivée…

Ces heures nombreuses d’embouteillages perdues par tant de travailleurs dans tant de secteurs d’activités, sont autant de services qui ne seront pas assurés et de richesses qui sont dilapidées à jamais. Des actes manqués qui contribuent à appauvrir un état déjà exsangue à cause de la crise économique décrétée et provoquée par un dispositif anticovid devenu structurellement irréaliste.

Comment être plus royaliste que le roi et s’émouvoir en lieu et place de ces gouvernants qui, manifestement, se fichent de mesurer l’impact de ces bouchons sur la productivité, la compétitivité et sur la santé économique globale de la nation? Après tout, tout va si mal partout dans ce pays que les sempiternels embouteillages d’Akanda ne peuvent pas lui faire plus de mal.

C’est englués dans ces processions mécaniques matinales, que nous nous rappelons avec brutalité, au bon souvenir de cette émergence imaginaire qu’on nous a vendue et dont l’avènement nous paraît, à la lumière de tant de souffrances, un horizon inatteignable. Chômage, embouteillages, couvre-feu, rackets, vaccination obligatoire, coupures d’électricité, salaires et primes impayés, inflation galopante… sont devenus lot quotidien d’un peuple zombifié.

Le Gabon est devenu ce pays anxiogène, où les maladies psychologiques supplantent les pathologies physiologiques, provoquant dans les classes laborieuses, fatigues sévères; accidents vasculaires cérébraux; ruptures d’anévrisme; schyzophrénies et même folies… Les gabonais vivent en sursis dans cet enclos à ciel ouvert, comme des bestiaux destinés à l’abattoir, chacun attendant fatalement son tour de mourir?

Sarcastiquement votre !

Serge Abslow

Paul Essonne

Journaliste

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