Dans le moment présent au Gabon, aucun clivage politique ne l’emporte sur les autres, au point de rendre impossible l’apparition d’une nouvelle bipolarisation. Si la disparition d’un clivage politique dominant déstructure le paysage politique, en revanche un clivage social apparaît de plus en plus profond.
Pour rappel, le terme « clivage » est utilisé pour évoquer les lignes de partage les plus fortes au sein des sociétés politiques renvoyant à des systèmes d’opinions, d’attitudes et de valeurs. Ces systèmes de représentation associent des composantes cognitives, évaluatives mais également affectives. Le contenu de ces ensembles structurés d’attitudes n’est évidemment ni monolithique ni immuable. Car, les partis politiques constituent des facteurs d’entretien des divisions, mais également des forces d’intégration en permettant l’institutionnalisation des oppositions.
En effet, au Gabon, ce sont des partis politiques qui servent de marqueurs idéologiques dans l’univers des perceptions et des représentations des citoyens. L’histoire et les contraintes du jeu institutionnel (scrutin majoritaire) poussent à cette simplification de l’éventail des forces politiques. Les clivages partisans ne redoublent que partiellement. Les rapports de voisinage entre partis peuvent se révéler plus conflictuels dans leur ensemble.
Ainsi, un renouveau de la vie politique gabonaise passe par une refondation idéologique, mais il trouve son sens dernier dans la recomposition des groupes qui y concourent et l’animent. C’est encore plus vrai en temps de crise. Un clivage politique, surtout s’il est nouveau et prétend imposer de nouvelles perceptions, tend en effet à rassembler ce qui apparaissait dispersé et à l’inverse, à différencier ou dissocier ce qui apparaissait semblable ou proche.
Les Gabonais les mieux informés et les plus éduqués, comme ceux qui se situent aux extrêmes, continuent à souligner la pertinence du clivage politique. Mais pour la majorité ces notions semblent dépassées.
Cependant, si d’anciens thèmes d’affrontement sont bien en déclin, d’autres semblent prendre de l’importance. Sur les problèmes de société, qu’il s’agisse de la sexualité, de la famille, de la répression de la délinquance ou de l’immigration, le clivage gauche-droite tend à recouvrir une opposition entre les positions dites modernistes ou libérales et les positions dites traditionnelles ou rigoristes.
La période actuelle est marquée par le déclin de l’aptitude à l’identification aux pôles traditionnels de la vie politique. Reste à savoir si ce déclin se révélera irréversible, ou si une nouvelle conjoncture politique et une nouvelle synthèse idéologique viendront un jour redonner au clivage politique son lustre passé.
Le Gabon a donc besoin de changement mais il a aussi besoin d’ordre et de continuité. Le changement sans l’ordre est suicidaire, l’ordre sans le changement est mortifère.

