Mes chers compatriotes,
A l’orée de l’année qui s’achemine inexorablement vers sa fin, je vous adressais un message de vœux placé sous le signe de l’espoir. Dans deux mois, il viendra le temps de faire le point sur le chemin parcouru ensemble en 2018.
Je vous écris aujourd’hui à la faveur d’une bonne nouvelle, à savoir la tenue dans notre pays d’élections législatives et locales dans des conditions plus que satisfaisantes; reconnues comme telles aussi bien par les observateurs impartiaux que par les acteurs de tous bords de la vie politique nationale. Comme vous le savez, ces élections ont été plusieurs fois reportées depuis bientôt deux ans. Et leur organisation contribue, à la suite du Dialogue politique d’Angondjé courant 2017, à l’écriture d’une nouvelle page de la vie politique de notre pays, en même temps que se ferme, définitivement, la longue parenthèse des polémiques politiques nées de la crise post électorale de 2016.
Aussi, le 6 octobre 2018 – même s’il reste encore à organiser, le 27 octobre, un second tour de l’élection des députés dans une soixantaine de circonscriptions -, les électeurs ont-ils déjà donné une majorité confortable au Parti démocratique gabonais (PDG) à l’Assemblée nationale comme dans la plupart des Conseils municipaux et départementaux. Se pose alors à nous la question essentielle: que nous est-il permis d’espérer, de là où nous nous trouvons à près de 6000 km, ici en France?
Outre la consolidation du processus de démocratisation, il y a indiscutablement lieu d’en attendre la décrispation et l’apaisement du climat politique, indispensables à la relance de l’économie. Et, là-bas comme ici, nous devons avoir à l’esprit le fin mot d’Otto von Gierke à propos des vertus conciliatrices du vote électif. Il notait en 1913, aux Etats-Unis, cette vérité-maîtresse encore d’actualité, selon laquelle : «ce que la majorité veut équivaut partout à la volonté commune ». En conséquence de quoi, il me parait légitime de penser que rien ne saurait justifier, sous aucun prétexte, encore plus ici que là-bas à Libreville, l’obstination individuelle ou collective à « s’estimer délié de son devoir d’obéissance» aux conventions diplomatiques et, surtout, aux institutions, lois et règlements qui garantissent notre volonté de « vivre ensemble, libres, égaux et différents» au sein de la nation gabonaise. L’évocation de cette donnée fondamentale ne signifie guère la consécration de l’unanimisme dans l’appréciation des faits politiques présents ou antérieurs, à l’instar de l’élection présidentielle du 27 août 2016, au sujet de laquelle un certain dissensus peut être soumis à l’épreuve du temps politique, Seulement, s’en prévaloir pour se mettre à la marge, c’est courir le risque de s’exclure soi-même de la dynamique de co-construction de l’avenir de notre pays.
Le Président Ali BONGO ONDIMBA connaît bien les obligations de responsabilité inhérentes au pouvoir de la majorité, et est en cela d’une grande fidélité aussi bien à ses prédécesseurs qu’à l’esprit de notre peuple, et entend y persévérer. Il sait précisément que, pour le dire dans les mots d’un philosophe: « Parce qu’elle défend ce que tous aurait dû vouloir, [la majorité] met dès lors en œuvre la liberté tant de ses propres membres que de la minorité, laquelle, assimilée à une erreur de jugement, a vocation à se rallier à elle. » (Didier Mineur, Le Pouvoir de la mqjorité. Fondements et limites, p.l 01). Telle est la loi d’airain sur laquelle repose notre histoire politique, travaillée essentiellement par la recherche obstinée du consensus comme fondement d’un gouvernement juste.
C’est en parfaite résonance avec ladite loi d’airain que, confronté aux péripéties d’une communauté gabonaise alors profondément divisée, au sein de laquelle la méfiance politique constituait la chose la mieux partagée, je me suis employé depuis ma prise de fonction, en juin 2017, à interpeller et à mobiliser, ici et là, quant à la nécessité, non pas partisane mais patriotique, d’œuvrer de concert à la sauvegarde et à la promotion des intérêts et de l’image du Gabon en France.
A ceux qui, minoritaires, s’y sont refusés jusqu’à ce jour, pour des raisons partisanes, je considère que les développements récents de notre vie politique nous donnent l’occasion d’amorcer un dialogue, de se concerter pour en sortir dignement, dans la sincérité qui engage les hommes et femmes d’honneur. Pour ce faire, le chemin qui mène au 26 bis avenue Raphaél, qui n’a jamais été fermé à quiconque, demeure grandement ouvert; tout comme je suis disposé à prendre celui de vos quartiers et villes de résidence, ainsi que je l’ai fait au cours de cette année, en allant à Rouen, à Airaines, à Lyon, à Orly, à Poitiers et à Nîmes, certes à la rencontre d’abord des décideurs et acteurs politiques et économiques locaux, mais aussi de certains de
nos compatriotes. Signe, s’il en est encore besoin, de la traduction en actes d’une évidence: on est mieux ensemble, c’est-à-dire plus efficaces, unis plutôt que divisés, pour travailler à construire notre beau pays, le Gabon, dans la justice et la concorde.
C’est sur ces mots, à travers lesquels chacun peut d’emblée reconnaître le message d’espoir porté aussi bien par notre devise que par notre hymne national, que je tends la main à tous et à chacun, pour nous retrouver, dès que vous le souhaitez, dans les locaux de l’Ambassade, dont vous connaissez par cœur l’adresse, puisqu’elle est celle de la maison commune de tous les compatriotes vivant ou de passage en France.
Signé Flavien Enongoué, Ambassadeur Haut Représentant du Gabon en France,
Représentant permanent auprès de l’Organisation internationale de la Francophonie.