« Voyage en histoire 24/L’Afrique du VIIe au XIe siècle : Tchad, commerce et islamisation, Afrique ancienne » par Jacky Bayili.

Zone de savanes, la région du lac Tchad est habitée dès avant l’ère chrétienne par des peuples pasteurs et agriculteurs. Au nord, là où la savane se transforme lentement en désert, c’est l’élément nomade qui prévaut, bien qu’on y trouve aussi des oasis peuplées par des sédentaires. Au sud, surtout aux abords des fleuves qui se déversent dans le lac Tchad, prédominent les cultures de sédentaires. La désertification du Sahara et l’assèchement progressif du lac Tchad amenèrent des peuples de toutes parts à se rapprocher du lit rétréci de ce dernier. Le rassemblement de ces populations de régions déshéritées, et leurs efforts déployés pour s’adapter à l’évolution du milieu et des conditions matérielles, constituent la toile de fond sur laquelle se déroule l’histoire de la région.

Pour mieux comprendre la signification des faits historiques, il aurait été souhaitable d’indiquer avec précision les changements climatiques survenus durant la période prise en considération. En fait, le climat de la zone sahélienne est particulièrement mal connu durant le Ier millénaire de l’ère chrétienne. Plusieurs indices montrent cependant que dans l’ensemble, les conditions climatiques durant cette période étaient meilleures que celles qui prévalent actuellement. On notera en particulier que les eaux du lac Tchad se déversèrent, entre le IIIe siècle et le début du XIIIe siècle de l’ère chrétienne, de façon presque continuelle dans le Baḥr al-Ghazāl, ce qui suppose un niveau d’eau dépassant la cote de 286 mètres. Se fondant sur des données diverses, J. Maley estime par ailleurs qu’une pulsation humide s’est manifestée au milieu du Ier millénaire de l’ère chrétienne et qu’au XIe siècle la région sahélienne passa par une phase aride. La zone des contacts entre sédentaires et nomades devait donc s’étendre plus au nord qu’à l’époque actuelle. Par ailleurs, il n’est pas absolument certain que la région du lac Tchad ait toujours été un carrefour d’échanges et d’interactions fructueuses. Les dates actuellement disponibles pour la diffusion des techniques du fer semblent indiquer que certaines populations de la région sont longtemps restées à l’écart des grands courants d’innovation. A cet égard, le principal clivage semble s’établir entre l’ouest et l’est et non pas entre le nord et le sud. En effet, on sait maintenant qu’au sud de l’Aïr, à Ekne Wan Aparan, la technique de la fabrication du fer fut connue dès – 540 ± 903, ce qui concorde avec la date de – 440 ± 140 avant l’ère chrétienne obtenue à Taruga (culture de Nok) au centre du Nigéria4. Dans la région de Termit, entre l’Aïr et le lac Tchad, le fer semble même avoir été travaillé au VIIe siècle avant l’ère chrétienne5. Ailleurs, les techniques du fer furent adoptées beaucoup plus tard. A Koro Toro, entre le lac Tchad et le Tibesti, on a découvert les traces d’une culture fondée sur la métallurgie du fer. Appelée haddadienne, d’après le terme arabe désignant le « forgeron », cette culture ne s’est épanouie qu’entre le IVe et le VIIIe siècle de l’ère chrétienne. La céramique peinte sur les mêmes sites permet d’établir des rapprochements avec deux grandes civilisations de la vallée du Nil, Méroé et la Nubie chrétienne6. D’autres données sont disponibles pour la région des abords sud du lac Tchad. D’après des datations relativement incertaines, le fer n’apparaît sur l’important site de Daïma qu’au Ve ou au VIe siècle de l’ère chrétienne et les techniques de sa fabrication furent adoptées encore plus tard7. Ces quelques indications relevant de l’archéologie du fer montrent qu’avant la fondation du Kānem, la région du lac Tchad fut plus marquée par des clivages et des développements inégaux que par des facteurs d’unification.

Un processus de transformations plus rapides et spectaculaires débuta vers le milieu du Ier millénaire de l’ère chrétienne. Il fut déclenché indirectement par l’introduction du chameau à partir soit de l’Afrique du Nord, soit, plus probablement, de la vallée du Nil, et son adoption par les Zaghāwa et les Tubu. En effet, le chameau, beaucoup mieux adapté aux conditions naturelles du Sahara que le cheval, permettait de franchir des longs trajets désertiques sans difficulté, tout en assurant le transport de charges relativement lourdes. Entre le Fezzān et la région du lac Tchad, les conditions naturelles étaient particulièrement favorables à la traversée du Sahara : toute une série de petites oasis et de points d’eau naturels et, à mi-chemin, l’oasis très étendue de Kawār, constituaient le tracé idéal d’une voie caravanière.

Docteur Jacky Bayili, attaché scientifique à la province du Sanguié

Expert en économie solidaire, merci à Bahiome ; Union des Groupements Féminins/Ce Dwane Nyee (UGF/CDN)

Source : Quoniam.info Chercheur Permanent Luc Quoniam Université Aix-Marseille – Région Sud Toulon Var ….

D’après les collections à l’Unesco et l’université de Ouagadougou, le collectif asso paca et l’association culture et partage…

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