J’ai choisi de prôner une philosophie de vie qui ne fait pas l’unanimité dans ce pays du paraître. Certains me prennent pour un rêveur quand d’autres me disent immature ou carrément irresponsable. Peut-être n’ont-ils pas tort de se demander pourquoi, quoiqu’il arrive, j’opte de garder la bonne humeur.
Même pendant les moments de dénuement, de solitude et très souvent de douleur, j’opte de sourire et même de rire. Sourire plutôt que de gémir, rire plutôt que de honnir. Je choisis de ne pas me morfonfondre dans ce pays qui s’effondre sous nos yeux. Je choisis d’être heureux simplement, plutôt que d’être malheureux.
Même si certains me trouvent assez vieux, je veux demeurer jeune, et me délecter des bons moments que ma vie résiduelle a encore à m’offrir. Alors je fabrique chaque jour mon petit paradis fait de petits plaisirs simples. Quand je peux manger, je me sustente, quand je peux boire un bon coup, je me saoule.
Si quelque jouvencelle me trouve encore un brin de charme, je m’offre à elle avec la passion qu’elle se donne à moi. Et quand quelques excès de table m’exposeraient à un malaise, je ne m’en prive point pour autant. Et si souvent de bonnes bières fraîches me font m’exalter au point de tituber, je veille toujours à rester debout, droit dans mes bottes.
Le long chemin déjà parcouru m’a appris que rien n’est jamais assez précautionneux pour vous épargner une mort subite. J’ai déjà eu dans cette vie mon lot de peines et de lamentations, je ne compte point me priver de joie par crainte de mourir. Aurais-je même eu assez de satisfactions dans la vie, que chaque instant qui m’est offert serait un beau supplément.
Alors, chaque moment de mon existence est expurgé d’inutiles tourments. Chaque moment est autant que possible un festoiement. Car chaque seconde, chaque minute et chaque heure passée dans ce pays anxiogène, est un risque encouru dont le ciel m’épargne, un privilège dont certains ont été privés. Et parfois ceux qui ont trop pris la vie au sérieux.
Chaque journée passée dans ce pays mortifère, est une immersion en enfer, dont je tente de me soustraire par une vie de Bohême. Comme un antidote à cette malédiction qui a décrété qu’aucun gabonais ne serait plus heureux dans son pays. Puisqu’ils ont fait de ma vie une contrition, moi je m’attèle à en faire une bénédiction et une célébration.
Alors je souris, je ris, je dépense, je partage, je communie, je célèbre, je profite, je me délecte et je jouis autant que possible de chaque instant fugace. Je prends ma part de bonheur dans ce malheur ambiant et j’en donne à celui qui le désire. Mes instants de joie sont le seul trésor qu’il m’est permis d’offrir à ceux qui m’entourent.
Auriez-vous un beau vêtement, portez-le! Ne le réservez point pour un jour spécial qui peut ne jamais venir. Auriez-vous un peu d’argent en plus, dépensez-le! Ne l’économisez point pour qu’il finisse par servir à autrui. Auriez-vous une once d’humour, faites rire vos amis! Ils pourraient très vite vous pleurer. Ayez pour style de vie une insouciance joyeuse.
Vous n’avez point de fortune à partager, usez donc de vos talents et de vos dons pour introduire de la joie partout où elle est absente. Soyez généreux de votre plaisir et communiez avec parents, amis et connaissances. Ayez pour philosophie de vie, un art de vivre qui vous émancipe des désirs insensés qui vous condamnent à la tristesse. Aimons-nous vivants