« Quelle est la vision du ministre Patrick Mouguiama Daouda pour l’Ecole publique Gabonaise ? » demande Yves Bibana

Je suis Yves Bibana, fils d’un ouvrier et d’une femme au foyer qui par ses temps perdus allait cultiver ses champs. J’ai fait tout mon cursus primaire à l’Ecole Publique de la Cité Mebiame, mes études secondaires dans des établissements publics (CES de Bitam, Lycée de l’Amitié devenu Lycée Mohamed Arissani et le Lycée National Léon Mba). Après mon BAC série C, j’ai intégré les Classes Préparatoires aux Grandes Ecoles d’Ingénieurs, communément appelées Mathématiques Supérieures et Spéciales (Maths Sup et Maths Spé) au Lycée National Léon M’Ba avant d’aller poursuivre le reste de mes études supérieures dans une école d’ingénieurs en France. Je suis donc titulaire d’un diplôme d’ingénieur en Systèmes Energétiques et Transferts Thermiques obtenu en 2004, ceci en grande partie grâce à l’Ecole Publique Gabonaise. Durant mon cursus primaire, secondaire et supérieur au Gabon, j’ai eu comme condisciples de classes des enfants d’ouvriers, de docteurs, de députés, de ministres, etc. Nous vivions tous l’égalité de droit à l’éducation indépendamment de nos origines sociales.

Monsieur le Ministre,

Dans la culture bantoue, la naissance d’un enfant est une joie non seulement pour sa famille consanguine et son clan, mais également pour tout le reste du village ; la famille, le clan et le village viennent de se doter d’une force en plus : le nouveau-né. Tout sera mis en œuvre afin que cet enfant grandisse dans de bonnes conditions et qu’il développe la force physique, intellectuelle et morale dont il aura besoin pour affronter les défis de la vie et apporter sa contribution à la construction, à la prospérité et à la protection de la famille, du clan et du village. Grâce aux apprentissages qu’il aura reçus de ses parents et de sa communauté, cet enfant aura pour mission de travailler à faire grandir la renommée de sa famille, de son clan ainsi que celle de son village et veiller donc à ce que son village continue d’exister. Il faut éduquer, former et préparer la relève de la famille et du village afin de leur garantir une existence quasi immortelle ; c’est du moins ce que nous enseigne notre culture bantou.

Dans un monde de plus en plus complexe et exigeant, où les peuples les plus faibles sont à la merci des plus forts dont l’objectif est d’avoir le contrôle des ressources stratégiques pour asseoir et maintenir leur suprématie, investir dans la formation des adultes de demain devient donc une priorité pour toute nation qui veut continuer à exister en tant que nation libre et respectée.  C’est à travers l’Ecole que cette mission sera possible. Une Ecole équitable, offrant à tous les enfants les mêmes opportunités quel que soit le rang social. Une Ecole qui permettra à l’enfant d’aujourd’hui une fois devenu adulte demain d’être compétitif à l’échelle nationale et internationale.

Monsieur le Ministre, avant de continuer mon propos je voudrais tout d’abord rappeler à votre aimable attention ces quelques déclarations fondamentales censées servir de guide dans la construction de l’avenir de toute nation :

La Déclaration Universelle des droits de l’homme stipule :

Article 1er :

« Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. ».

Article 26 :

« 1. Toute personne a droit à l’éducation. L’éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l’enseignement élémentaire et fondamental. L’enseignement élémentaire est obligatoire. L’enseignement technique et professionnel doit être généralisé ; l’accès aux études supérieures doit être ouvert en pleine égalité à tous en fonction de leur mérite.
2. L’éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Elle doit favoriser la compréhension, la tolérance et l’amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux ou religieux, ainsi que le développement des activités des Nations Unies pour le maintien de la paix.
3. Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants ».

La constitution Gabonaise quant à elle stipule dans son article premier :

« Alinéa 16. Les soins à donner aux enfants et leur éducation constituent pour les parents, un Droit naturel et un Devoir qu’ils exercent sous la surveillance et avec l’aide de l’Etat et des collectivités publiques. Les parents ont le Droit, dans le cadre de l’obligation scolaire, de décider de l’éducation morale et religieuse de leurs enfants. Les enfants ont vis-à-vis de l’Etat, les mêmes Droits en ce qui concerne aussi bien l’assistance que leur développement physique, intellectuel et moral ; ».

« Alinéa 17 : La protection de la jeunesse contre l’exploitation et contre l’abandon moral, intellectuel et physique, est une obligation pour l’Etat et les collectivités publiques ».

Enfin, la Conférence Générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture dans sa déclaration lors de sa 29eme session du 21 Octobre au 12 Novembre 1997, indiquait les responsabilités des générations présentes sur les générations futures en ces termes :

Article 1er : Besoins et intérêts des générations futures :

« Les générations présentes ont la responsabilité de veiller à ce que les besoins et intérêts des générations présentes et futures soient pleinement sauvegardés ».

Article 10 : Développement et éducation :

« 1. Les générations présentes devraient veiller à assurer les conditions d’un développement socioéconomique équitable, durable et universel des générations à venir, tant sur le plan individuel que collectif, notamment par une utilisation juste et prudente des ressources disponibles afin de lutter contre la pauvreté.

  1. L’éducation est un important instrument de développement des personnes et des sociétés. Elle devrait servir à favoriser la paix, la justice, la compréhension, la tolérance et l’égalité au profit des générations présentes et futures ».

A la lecture de toutes ces déclarations, on peut retenir que l’avenir d’une nation en tant qu’Etat libre, stable et prospère dépendra de la qualité de l’éducation qui sera offerte à la génération future. Et les générations présentes ont la responsabilité de construire une Ecole de meilleure qualité pouvant garantir la transmission des savoirs à tous les enfants d’aujourd’hui et ce de façon équitable quelles que soient leurs origines sociales, ethniques, etc.

Pour lever toute confusion, il est important de rappeler ici que la Génération présente, est constituée des parents, des éducateurs et des décideurs publics représentant l’Etat.

En ma qualité de parent d’élève, donc faisant partie de cette génération présente, et dans le souci d’assumer ma responsabilité et mes devoirs vis-à-vis de la génération future, je me permets aujourd’hui de vous interroger sur la place publique sur votre rêve pour l’Ecole Publique Gabonaise.

Monsieur le Ministre, quelle est votre vision pour l’Ecole Publique Gabonaise ? Pensez-vous que l’Ecole Publique Gabonaise aujourd’hui soit en phase avec les déclarations citées plus haut et qu’elle garantisse une véritable préparation de la génération future gabonaise à affronter les défis qu’impose la mondialisation ?

Au cours des 30 dernières années, de nombreuses reformes ont été proposées dans le secteur de l’éducation nationale et l’enseignement supérieure. Ces reformes étaient censées, quand elles nous avaient été vendues, hisser le système éducatif gabonais aux standards internationaux et permettre ainsi aux jeunes gabonais issues de toutes les couches sociales l’accès à une éducation et formation équitable et de qualité.

Sans vouloir revenir sur les différentes reformes proposées, force est de constater que le système éducatif gabonais a plutôt connu l’effet inverse ; Au lieu de devenir un système éducatif compétitif à l’échelle continentale et même mondiale, il est devenu du point de vue de nombreux parents et observateurs l’un des pires systèmes éducatifs et donc l’un des moins respectés. C’est par respect et par patriotisme que je n’ose même pas qualifier notre système éducatif aujourd’hui de médiocre. Peu ou sinon rien n’a été fait ces dernières années pour réellement le hisser au niveau des standards internationaux, même dans le top 10 des meilleurs systèmes éducatifs en Afrique. Pour s’en convaincre, combien d’étudiants étrangers sollicitent nos établissements supérieurs ? A contrario, nos bacheliers sont pour la plupart dans des universités et instituts supérieurs à l’étranger (pour la plupart aux frais de leurs parents).

De nombreux maux minent notre système éducatif et vous connaissez les causes profondes à l’origine de ces maux. Vous avez également les réponses à ces différents maux ; ces réponses sont contenues dans les différents rapports des états généraux de l’éducation (1983 et 2010) et dans la Task-force de l’Éducation en 2018 dont vous avez été le Coordonnateur Général des assises.

Une description succincte de l’état de l’Ecole publique gabonaise nous permet de faire quelques constats suivants, lesquels constats avaient déjà été relevés lors des différentes rencontres susmentionnées :

  • Du point de point vue des infrastructures :

Nous relevons une énorme carence en termes d’établissements publics primaires, secondaires et universitaires. L’Etat n’a quasiment plus investit dans la construction de nouveaux établissements ou si cela a été fait, le nombre reste dérisoire par rapport à la demande d’éducation croissante chaque année. Ceci se traduit donc par des effectifs pléthoriques devenus une norme dans ce pays. On trouve encore des salles de classe de 100 voir 150 élèves même en pleine capitale. Au niveau du cycle primaire, cette carence a été aggravée par la transformation d’écoles primaires en collèges ou lycées au détriment des plus petits. Les universités publiques n’existent plus que de nom au point où elles ne font même plus rêver nos enfants mais sont au contraire devenues des tueuses de rêves.

Nous pouvons également relever l’abandon sinon l’inexistence de bibliothèques, de plateaux sportifs que se soient dans les établissements publics primaires, secondaires et universitaires. Nos jeunes ne sont plus invités ni à pratiquer le sport, ni à lire.

A l’ère des nouvelles technologies, trouver un jeune ayant une aisance avec l’outil informatique relève aujourd’hui d’un miracle car nos établissements publics primaires, secondaires et universitaires ne sont équipées de salles informatiques avec du matériel de dernières générations et en bon état.

Pour quelques établissements existants, nous relevons d’énormes problèmes d’hygiène et d’insalubrités caractérisés par l’absence ou l’insuffisance de toilettes dans les établissements, l’absence d’eau, la proximité avec des décharges publiques. Quelques exemples parmi tant d’autres : le Lycée Publique de Bikélé, l’Ecole publique de Dragage dans Nzeng-Ayong. Quelle image donnons-nous de l’Ecole publique gabonaise ?

  • Du point de vue organisationnel

Il est devenu une norme d’avoir au sein d’une même concession deux établissements avec chacun son corps administratif et professoral ce qui rend la tâche difficile pour chaque équipe dans la mise en place de sa politique managériale. C’est le cas avec les CES et Lycée Léon M’Ba, le lycée et CES Jean-Hilaire Obame Eyeghe pour ne citer que ceux-là. Cette nouvelle organisation ne répond aucunement à une recommandation de la carte scolaire gabonaise qui devrait certainement être en votre possession.

Certains enfants sont orientés dans des établissements en cours de construction ; c’est le cas des CES de Nzong (dans la commune de Bikélé), Mindoumbé, Alibandeng.

Dans la quasi-totalité des établissements secondaires, fautes de capacité d’accueil, les cours sont reparti en deux groupes : ceux qui apprennent en matinée et ceux qui sont programmés en après-midi quand bien même nous savons tous que l’apprentissage est fonction de la chronobiologie qui recommande de concentrer le maximum d’apprentissages chez l’enfant en matinée car la concentration est meilleure et la synchronisation des fonctions se fait bien.

La formation des enseignants du primaire et du secondaire n’est plus une priorité. D’ailleurs les dernières promotions des Ecoles Normales des Instituteurs datent de 2015. C’est à croire qu’il n’existe aucun plan de gestion des ressources humaines en charge de l’éducation et de la formation de nos enfants quand on sait que ces ressources sont renouvelables parce qu’il y’a des départs à la retraite, des indisponibilités pour maladie ou décès. Savez-vous, Monsieur le Ministre, qu’à l’heure où j’écris cette lettre, dans les départements de la Boumi-Louétsi et de l’Ogoulou pour ne citer que ces deux exemples, il y’a des écoles qui sont fermées faute d’enseignants ?

Dans nos établissements publics, l’année scolaire ou universitaire ne respecte plus les normes internationales en termes de durée. Nous assistons chaque année à des interruptions des cours pour causes de grèves du personnel enseignant dont certaines revendications datent depuis plus de 20 ans. Les années académiques sont réduites à 5 ou 6 mois au lieu de 9 mois. C’est à croire qu’il n’y a pas d’efforts consenti pour apporter des réponses définitives à ces questions.

Durant les 15 dernières années, des reformes ont été mises en place. On est passé d’une approche dite Socioconstructivisme à l’Approche Par les Compétences de base. Tout ceci sans qu’aucun bilan d’étape ne soit fait pour mieux apprécier comment les différentes parties prenantes (enseignants, apprenants et même les parents) s’adaptent à ces nouvelles réformes.

  • Du point de vu logistique :

Sur le plan logistique on peut relever l’absence d’une politique de transport scolaire afin de permettre aux élèves et étudiants gabonais de rejoindre facilement leurs établissements. Ils sont plutôt invités à se débrouiller, à se battre comme tout le monde pour emprunter un taxi ou un hypothétique bus. Ceci malgré l’augmentation du coût du transport et une offre de transport très réduite comparé à la forte population. Aujourd’hui il est fréquent de voir des élèves et étudiants marcher des kilomètres faute de taxi ; deux exemples parmi tant d’autres, les élèves du Lycée Bikélé et ceux du Lycée Diba-Diba. Comment oublier cette expérience de ces élèves du primaire des villages Massima et Etéké dans le département de l’Ogoulou dans la province de la Ngounié, qui se sont retrouvés à parcourir plusieurs kilomètres à pied en pleine forêt pour rejoindre le centre d’examen où ils devaient passer le CEP session 2021.

Dans certains cas, ces problèmes logistiques sont aggravés par le mauvais état des routes menant à certains établissements. Par exemple, depuis sa création, la route d’accès du Lycée Montalier n’a jamais été goudronnée ; d’aucuns se sont même interrogés pourquoi les travaux réalisés récemment par Colas dans cette zone n’ont pas permis de goudronner cette route qui mène à un Lycée. Les exemples sont nombreux.

Cette absence de politique de transport scolaire n’est pas sans danger pour nos enfants. Comment oublier le décès du jeune Gaël Ongone-Nkoumé, élève au Lycée Technique Omar Bongo, écrasé par un bus alors qu’il ne demandait qu’à être transporté à son lycée pour acquérir des connaissances qui auraient fait de lui l’homme qu’il rêvait de devenir.

  • La ruine des universités publiques :

Aujourd’hui les universités publiques gabonaises ne font plus rêver. Elles sont plutôt des tueuses de rêves car elles rencontrent quasiment les mêmes problèmes que les établissements publics du primaire et du secondaire. Combien de jeunes gabonais, une fois inscrits dans les universités publiques ont fait le choix d’abandonner la poursuite de leurs études à cause des mauvaises conditions d’études. D’autres, ont dû obliger leurs parents à hypothéquer leurs salaires afin de financer les études dans les pays d’Europe ou d’Afrique de l’Ouest. De nombreux parents salariés se voient dans l’obligation de contracter des emprunts au-delà de leurs capacités dans le seul but de permettre à leurs enfants de poursuivre leurs études dans des universités à l’étranger.

Le Gabon, qui autrefois était envié de nombreux pays d’Afrique subsaharienne pour la qualité de son système éducatif, est devenu une risée. Les universités sénégalaises, béninoises, Togolaises, Burkinabé qui ne suscitaient pas grande admiration pour les jeunes gabonais sont devenues le premier choix pour la plupart des jeunes bacheliers gabonais vu le rapport qualité-prix de la formation proposée.

En revanche, à côté du constat de ruine de l’Ecole et l’Université publique gabonaise, on assiste à la prolifération des établissements privés aux standards divers. Qui dit standards divers, dit inégalité dans la qualité de l’offre de formation. Plus grave, pour certains établissements privés on est en droit de s’interroger sur quels critères les promoteurs ont été autorisés à ouvrir leurs établissements dans la mesure où la structuration de certains bâtiments ne répond à aucune norme de construction d’une école. Le constat est amer quand on remarque que certains bâtiments qui servaient de débits de boissons ou même de motels se sont transformés en établissements scolaires en toute liberté. Ceci est valable pour les établissements primaires, secondaires et supérieurs.

De plus, les établissements privés ne sont pas accessibles à tous. Seuls les plus nantis peuvent se permettre d’y inscrire leurs enfants. Les plus démunis sont condamnés à garder leurs enfants dans les établissements publics en ruine. N’est-ce pas là une sorte « d’apartheid intellectuel » ? N’est-ce pas là une façon de reproduire les mêmes classes sociales ? Les riches devront rester riches, les pauvres devront rester pauvres. A cause de sa mère qui vend le manioc au marché donc dépourvus de ressources financières conséquentes, le petit Moussavou devra aussi devenir vendeur de manioc même si on lui reconnait un potentiel dans les sciences. Quel est l’avenir du jeune Noël, orphelin de père et de mère, qui rêve de devenir professeur d’université comme vous ?

Comment avec une Ecole et une Université publiques ruinées et des établissements privés, dont la qualité de l’offre de formation reste à apprécier et qui ne sont accessibles qu’à ceux qui ont les moyens financiers, peut-on espérer « veiller à assurer les conditions d’un développement socioéconomique équitable, durable et universel des générations à venir, tant sur le plan individuel que collectif » ? Comment l’Etat et les collectivités publiques peuvent-ils garantir « La protection de la jeunesse contre l’exploitation et contre l’abandon moral, intellectuel et physique » ?

Comment avec une telle offre peut-on espérer former la génération future à prendre le relais pour la gestion de ce pays ?

Monsieur le Ministre, l’Ecole ou l’Université publique est le premier cadre où l’enfant apprend et expérimente l’égalité de droit entre tous les citoyens. Tous doivent être logés à la même enseigne qu’il soit l’enfant d’un ministre, d’un Directeur dans l’administration publique ou privée, d’un ingénieur ou d’une vendeuse de maniocs ou d’oseilles. Ils sont tous égaux devant l’enseignant, seules leurs notes doivent les distinguer. Vous et moi, produits de l’Ecole publique gabonaise, l’avons expérimenté et c’est ce qui a fait de vous le professeur d’université, aujourd’hui devenu ministre et de moi un ingénieur. La quasi-totalité des hauts cadres gabonais de l’administration publique et privée sont des produits de l’Ecole et l’Université publique. En revanche, l’Ecole ou l’Université privée ne peut garantir l’égalité de droit entre tous les enfants car seuls les plus nantis peuvent bénéficier d’une formation de qualité en intégrant des établissements au coût de scolarité très élevé.

Comment peut-on « faire sécher cette source de connaissances » qui nous a abreuvé au point d’empêcher la génération suivante à s’y abreuver également ? N’est-ce pas de l’égoïsme vis-à-vis de la génération future ? On ne peut pas priver un enfant à avoir accès à une éducation de qualité parce qu’il serait issue d’une famille pauvre. Nul ne choisit la famille dans laquelle il va naitre. C’est une décision de Dieu.

Afin que je ne sois pas mal compris, il n’est nullement question pour moi ici de ne pas reconnaitre à certains le droit d’être promoteurs d’établissements d’enseignement privés, mais plutôt de rappeler aux décideurs publics représentant l’Etat qu’il est d’abord de la responsabilité de l’Etat d’assurer l’existence d’une Ecole et Université publique garantissant l’égalité de droit pour l’accès à une formation de qualité à tous les enfants quelles que soient leurs origines sociales. Les établissements d’enseignement publics devraient être des premiers choix. Le recours à un établissement d’enseignement privé devrait donc être un second choix pour les parents sans aucune forme d’obligation. Or, la crise de l’Ecole et l’Université publique est une forme d’obligation faite aux parents d’avoir recours en premier choix aux établissements privés.

Monsieur le Ministre, « Afin qu’aux yeux du monde et des nations amies Le Gabon immortel reste digne d’envie », il est temps de repenser l’Ecole et l’Université publique gabonaise. Il est temps de s’investir avec les autres parties prenantes (syndicats, associations des parents) pour mettre fin à « l’apartheid intellectuel » organisée contre la génération future et redonner à l’Ecole et l’Université publique gabonaises leurs lettres de noblesse afin qu’elles puissent garantir l’égalité de droit à une éducation de qualité à tous les jeunes gabonais afin que le fils de cette commerçante de manioc au PK5 puisse avoir le même rêve et les mêmes opportunités que votre fils et que seules leurs notes de classe puissent les distinguer. L’avenir du Gabon en tant que nation libre et respectée en dépend.

Enfin, comprenons qu’il est important de nous interroger sur nos actes aujourd’hui vis-à-vis de la génération future car un jour viendra où la génération future, devenu adulte, nous interrogera sur le génocide intellectuel dont elle aura été victime et nous les auteurs. Il est temps pour nous d’agir aujourd’hui de manière responsable.

Espérant que mon propos réveillera les consciences des uns et des autres pour la reconstruction de l’Ecole Publique Gabonaise, veuillez recevoir, Monsieur le Ministre, l’expression de mon profond respect.

Yves Bibana, parent d’élèves.

Paul Essonne

Journaliste

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