PDG-AJEV, le divorce?

La récente arrestation suivie de la mise en scène grotesque dans le Quotidien pro gouvernementale L’Union de Brice Laccruche Alihanga et ses compagnons semble être l’acte de trop qui pourrait mettre fin au ticket PDG-AJEV.

La date du vendredi 13 n’a pas été choisie par hasard. Et l’image de hauts commis de l’Etat, anciens ministres, directeur de cabinet, menottés à la Une de l’Union, le lendemain, sortant du tribunal  à 1h du matin et remplissant leurs formalités de mise en écrou à l’intérieur de la prison centrale, la mine défaite, les visages proscrits, a révolté plus d’un. Ce, d’autant plus que Brice Laccruche Alihanga, Tony Ondo Mba, Roger Owono Mba et Noel Mboumba ne sont encore ni jugés ni condamnés, donc  présumés innocents. Le quotidien pro gouvernemental avait-il besoin de descendre  au ras des pâquerettes en mettant sous le boisseau toutes les règles d’éthique ?Avait-on besoin d’en arriver là ? Rabaisser. Humilier ?

Sans faire l’avocat du diable des mis en cause, la mise en scène grotesque dans L’Union et sans respect des règles d’éthique et de déontologie auxquelles s’astreint  tout  journaliste, étonne.Le quotidien serait-il devenu un papier à scandales, obnubilé par le buzz? Où, veut-elle se rattraper auprès du nouveau clan qui a pris possession du bord de mer, en se couchant de tout son long ? Car, BLA dont on voue aux gémonies aujourd’hui a fait des Unes soviétisantes, dignes de la Pravda dans leurs colonnes. Jusqu’à l’exagération et l’exaspération.

La décence aurait voulu qu’on flouta les images des prévenus par respect de leurs droits. Pis, qui a autorisé les photographes à pénétrer, au-delà de 2h du matin, dans l’enceinte de la prison centrale et prendre les photos de ces responsables de famille qui circulent dans les réseaux sociaux et dont la culpabilité n’est pas encore avérée ? Selon nos enquêtes, ceux qui ont pris ces photos et remis à l’Union, auraient eu, selon certains gardiens qui auraient tenté de bloquer leur accès, le feu vert du bord de mer. Devant des laissez-passer estampillés de directions no comment, la résistance des matons a fondu comme neige.  Ce qui a ouvert la voie à la forfaiture dont l’Union s’est fait l’échos..

L’opération  « Scorpion » lancée pour assainir les finances publiques est pilotée par le Premier président de la Cour d’appel de Libreville, Alex Mombo  accompagné d’un collectif de juges. Cette opération, dans le fond est salutaire. Mais, son originalité est à lire au niveau des services chargés des enquêtes : la direction générale des contre-ingérences et de la sécurité militaire (B2) et les services spéciaux de la présidence de la république. Une première !

Devant ce cambouis politico-judiciare, le ticket PDG-AJEV va-t-il résister à la bourrasque ? Rien n’est moins sûr. Les atermoiements observés à Louis au début des faits et, la déclaration au forceps, le 10 décembre 2019, du secrétaire national chargé des arguments et de la riposte, Michel  Philippe  Nze le confirment.  La gêne du parti au pouvoir a été si marquée jusqu’à l’écriture  du communiqué où chaque mot a été pesé et soupesé pour ne pas blesser. Le Docteur Stéphane Illocko a été le premier lecteur avant que Michel Philippe Nze ne vienne se mettre à la tâche alors que certains journalistes avaient déjà pliés bagages.  Que s’est-il passé ?  Toujours est-il qu’après avoir déclaré   que le PDG soutenait « Fermement Ali BONGO dans cette opération de lutte anticorruption »,  il a demandé aux militants de « Cultiver l’exemplarité et l’intégrité à tous les échelons et de faire confiance en la justice ».

A Louis, on a été surpris  par la tournure prise par les évènements. Peu ou pas n’étaient au courant des projets de purge Stalinienne contre les Ajeviens, jusqu’à son chef, Brice LaccrucheAlihanga. Le nouveau clan, maître du bord de mer étant peu disert, et surtout méfiant d’un PDG devenu l’ombre de lui-même, sommeillant dans la main de  BLA et de l’Ajev.

Pourtant, c’est le 7 juillet 2018 que le compagnonnage entre l’Ajev et le PDG est né. Accusée de faire de l’ombre au PDG sur le terrain, c’est « Les yeux dans les yeux », en présence du SG du PDG, Eric Dodo Bounguendza que  BLA a accepté de ne pas présenter ses candidats face à ceux  du PDG et de fondre ses cadres dans les instances du parti des masses. Ces cadres qui ont intégré les instances du parti ont été élus sous la bannière du PDG certes, mais sur le terrain, c’est l’Ajev et ses satellites aux noms équivoques  comme  SDG ou RV qui vont apporter du sang neuf et apporter une revitalisation au parti presque  centenaire.

Les  langues se délient depuis « Scorpion ». Selon un cadre du PDG rencontré, en 2016, le parti et plusieurs députés de l’ancienne législature, n’étaient pas prêts à repartir à l’assaut des urnes. La contestation issue de la présidentielle  2016 restant en travers de la gorge. Plusieurs élus PDG  n’avaient plus montré leurs têtes dans leurs circonscriptions depuis lors et craignaient un vote sanction. Ajoutés à cela, le travail de sape que continuaient de faire les anciens camarades, démissionnaires du parti n’arrangeaient pas les choses. A Louis, on voulait avoir plus de temps et un report des législatives était plus que souhaitée. L’ancien Premier ministre  Emmanuel  Issozet Ngondet  et certains cadres militaient pour cette option.

Ce sang neuf avec 60% de candidats jeunes, a conquis des bastions  considérés jadis de l’opposition. Comme le woleu-Ntem où l’Ajev et ses représentants ont convaincu les populations pourtant indécises, voire, réfractaires au PDG. La mobilisation étant leur dada, les Ajeviens ont soutenu aussi financièrement certains candidats de la majorité.

Au moment où des rumeurs bruissent sur un possible congrès du PDG d’ici la fin de l’année, l’avenir du duo PDG-AJEV demeure préoccupant. L’objectif du congrès, s’il a lieu, est de continuer la purge commencée au sein de l’administration, public dans le parti. Car  tous ces hauts commis arrêtés  dans le cadre de scorpion avaient des places enviées au sein du PDG. BLA, est toujours  directeur du cabinet politique du distingué camarade. Au vu du sort qu’il  lui est réservé en ce moment, nul doute qu’au sortir de ce conclave, il sera remercié. Ceux qui n’ont pas de fonction élective et soupçonnés proches  de BLA ou de l’Ajev risquent de subir le même sort. Même Eric Dodo Bounguendza, l’actuel SG du parti est sur un siège éjectable.

Si le congrès n’est pas convoqué, le distingué camarade peut procéder par des nominations. Les statuts  du parti le lui autorisent.

Quid des victoires obtenues sur le terrain avec l’injection  de l’Ajev ? Comment convaincre les populations en 2023 alors que les nominations survenues le 5 décembre au sommet de l’Etat ont exacerbé davantage le courroux contre le  parti de Louis. Les nouveaux propriétaires ont-ils pensés aux conséquences politiques de ces actes quand on sait que l’Ajev a des députés, des mairies, des conseillers  municipaux. Et last but not least, la récente tournée de BLA dans tout le pays lui a donné une cartographie politique du Gabon  qui échappe à ce nouveau clan qui a pris ses quartiers au bord de mer et voie le pays sous  le prisme des vents de l’océan atlantique  qui balaient les vitres du palais de la Rénovation. Un tort !

Thierry Mebale Ekouaghe

Directeur de publication, membre de l'UPF (Union de la Presse Francophone) section Gabon, Consultant en Stratégie de Communication, Analyste de la vie politique et sociale, Facilitateur des crises.

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