Magloire Ngambia : une liberté entre impunité et injustice.

Magloire Ngambia a été libéré ce jeudi 24 septembre 2020 après trois ans d’emprisonnement, cela ne lais­­­­­­­­­­­se personne indif­­­­­­­­­­­fé­rent. Il y a des commen­­­­­­­­­­­taires fleu­­­­­­­­­­­ris sous les articles de presse et les réseaux sociaux, des réac­­­­­­­­­­­tions indi­­­­­­­­­­­gnées. Un senti­­­­­­­­­­­ment d’injus­­­­­­­­­­­tice parcoure le Gabon. Quelques-uns, plus rares, rappel­­­­­­­­­­­le­­­­­­­­­­­ au contraire que c’est juste­­­­­­­­­­­ment cela, le Droit : le contrôle des pulsions et des émotions par des insti­­­­­­­­­­­tu­­­­­­­­­­­tions qui déli­­­­­­­­­­­bèrent sur base de prin­­­­­­­­­­­cipes collec­­­­­­­­­­­tifs. Le Droit éloigne de soi : on ne se fait pas justice soi-même. Sans Droit, pas de société, pas de contrat social possible.

Mais ne peut-on pas chan­­­­­­­­­­­ger d’exemple et renver­­­­­­­­­­­ser la leçon ? Pour rappel, l’ancien ministre de la promotion des investissements, des transports, des travaux publics, de l’habitat, du tourisme et de l’aménagement du territoire a été incarcéré en janvier 2017 dans le cadre de l’opération « mamba » pour la lutte contre la corruption.

Bien qu’étant passé aux aveux, Magloire Ngambia s’en sort avec une amende de 100 millions de francs CFA. Cette ambi­­­­­­­­­­­va­­­­­­­­­­­lence montre bien qu’entre la justice rendue par les insti­­­­­­­­­­­tu­­­­­­­­­­­tions et le senti­­­­­­­­­­­ment d’injus­­­­­­­­­­­tice que peuvent ressen­­­­­­­­­­­tir indi­­­­­­­­­­­vi­­­­­­­­­­­dus et popu­­­­­­­­­­­la­­­­­­­­­­­tions, il existe un espace incer­­­­­­­­­­­tain, plus ou moins vaste, plus ou moins déli­­­­­­­­­­­cat, plus ou moins poli­­­­­­­­­­­tique. Un espace indé­­­­­­­­­­­ter­­­­­­­­­­­miné, qui est sans doute à la fois un danger pour la justice comme prin­­­­­­­­­­­cipe et comme insti­­­­­­­­­­­tu­­­­­­­­­­­tion, et une condi­­­­­­­­­­­tion indis­­­­­­­­­­­pen­­­­­­­­­­­sable de son exis­­­­­­­­­­­tence et de son déve­­­­­­­­­­­lop­­­­­­­­­­­pe­­­­­­­­­­­ment au Gabon.

En effet, la notion de capital procédural a cet avantage de s’intéresser, non aux seules caractéristiques personnelles aux justiciables, mais également aux contextes institutionnels, juridiques et sociaux dans lesquels les justiciables doivent mener leurs actions.

La voie pénale pour lutter contre les discriminations, malgré l’affichage d’une politique volontariste, semble bien peu investie au regard de l’ampleur des discriminations révélées par les enquêtes de victimation en vers Magloire Ngambia. C’est donc lors du face à face entre justiciable et juge qu’il s’agit d’interroger la capacité de la Justice à respecter ou rétablir chacun dans ses droits et sa dignité, en tenant compte, le cas échéant, de certaines spécificités.

Ainsi, la Justice gabonaise ne sort pas nécessairement grandie de cette libération. Proclamer l’égalité, s’abriter derrière l’universalisme des droits et libertés fondamentales pour refuser d’entendre des critiques légitimes venant de la société civile ne fera qu’aggraver la défiance envers elle. Car, l’impunité ne se limite par aux crimes liés aux conflits. Ce phénomène existe dès que la justice n’est pas rendue quand des droits sont bafoués. Le cercle est vicieux : l’impunité nourrit l’injustice qui entretien la spirale de violences dans un cycle infernal. Lutter contre l’impunité en toutes circonstances est donc impératif pour bâtir un monde de justice et de respects des droits.

Le manque de volonté politique, des mécanismes de justice défaillants ou le manque d’impartialité, d’indépendance, de moyens sont des entraves à la justice. La priorité porte sur le renforcement et les garanties que l’État doit apporter pour que la justice gabonaise s’exerce en toute indépendance.

Quand le système judiciaire gabonais est défaillant, la justice internationale est un relais. Cette justice est encore récente et imparfaite. Mais elle est l’ultime rempart contre l’impunité et travailler à la renforcer est une priorité.

Serge Kevin Biyoghe

Rédacteur en Chef, Journaliste-Ecrivain, Sociétaire de la SCAM (Société Civile des Auteurs Multimédias), membre de la SGDL (Société des Gens De Lettres), membre du SFCC (Syndicat Français de la Critique de Cinéma), membre de l'UDEG (Union Des Écrivains Gabonais).

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