Lettre ouverte de Monseigneur Jean-Bernard Asseko Mve

Je suis Gabonais, et fier de l’être. Si je le suis, c’est parce que Dieu a surement choisi pour moi cette nation. Et, en philosophe, je suis obligé d’assumer ce qu’on appelle la « contingence », ce qui ne dépend pas de nous mais de Dieu. Alors, je suis de cette génération de Gabonais qui ne voulaient pas sortir du Gabon après le baccalauréat, parce que nous trouvions au Gabon notre pays, un climat et un cadre écologique et social capables de nous rendre heureux. Et, lorsqu’on a fait de bonnes études, on pouvait trouver au Gabon un bon emploi pour une bonne vie.

Devant le spectacle désolant et dégradant de la vie sociale en 2019 au Gabon, je pense que notre âge nous impose de sortir du silence et de pouvoir dire quelque chose aux acteurs sociaux, aux acteurs politiques, à ceux qui ont la charge de diriger l’Etat et les hommes. C’est pourquoi, aujourd’hui, devant le risque de plus en plus grandissant de perdre ce qui faisait notre fierté d’appartenir au Gabon, avec tout ce que Dieu a mis autour de nous comme Gabonais, pour partager un idéal de vie commun, ensemble, une vie fraternelle où tous ensemble ne font que un, une vie fraternelle où on partage, unis dans la concorde et la fraternité (paroles de l’hymne national du Gabon, ndlr), les peines et les joies, (je me lève -ndlr).

En tant qu’acteur social, je suis en train d’écrire une lettre, des lettres individuelles, à vous envoyer de façon individuelle, à mon frère Ali BONGO ONDIMBA, chef de l’Etat, s’il vit, si tu vis, au premier ministre, à Mme la présidente de la Cour constitutionnelle, à M. le président de l’Assemblée nationale, à Mme la présidente du Sénat, pour vous aider à démissionner de vos charges. Par amour pour le Gabon que vous n’arrivez plus à diriger. Ca arrive. C’est ce qu’on appelle en économie la « sclérose ». C’est-à-dire qu’à un certain moment donné, on croit faire bien, alors le temps ne nous appartient pas, et il prouve plutôt le contraire. Les Gabonais ne vous sentent plus intervenir en leur faveur. Moi, je ne vous sens pas intervenir en ma faveur, ni en faveur des pauvres Gabonais que je côtoies tous les jours.

Alors, il est temps, par amour pour vous-mêmes, d’avoir la crainte de Dieu, le respect de l’autre, de la personne humaine, pour ce qu’elle est remplie de présence de Dieu, et d’avoir le sens de l’honneur, pour eux-mêmes. Parce que, être président de l’Assemblée nationale, être présidente de la Cour constitutionnelle, président de la République, président du Sénat, et regarder le pays mourir, c’est véritablement manquer d’amour-propre, manquer de personnalité, manquer de crainte de Dieu, et manquer fortement d’amour du prochain. Le Gabon est en train de se mourir, et nous assistons à sa mort de façon passive. On regarde la télé, et on se soumet à cette (?).

Et par respect pour Dieu, à qui ce peuple appartient, que Dieu vous a confié à diriger, de dire à Dieu votre incompétence, et faire comme le Pape Benoît XVI, qui, à un certain moment donné de son pontificat, a trouvé que la charge était trop lourde, ou alors que le peuple ne suivait pas, ou bien que ses idées n’étaient plus d’actualité, alors on démissionne, pour sauver ce qu’il y a à sauver. Et si on sauve le bateau, on vous sauve vous-mêmes.

La route de Kango, à elle seule, devrait pousser ceux qui ont un peu d’amour-propre, à démissionner de leurs charges. Parce que c’est inacceptable que la seule route qui conduise tous les Gabonais à Libreville soit dans cet état, le fait qu’il y ait le chômage au Gabon, à peine un million d’habitants, un pays si riche. Je vais enterrer ma nièce dans une semaine, décédée après un bac + 7, elle n’a jamais travaillé !

Donc la démission serait une façon honorifique et élogieuse de rendre le tablier à Dieu, pour qu’il trouve des personnes plus aptes à conduire ce peuple là, qui mérite d’avoir des dirigeants qui pensent à lui. Des dirigeants qui le conduisent comme de bons bergers vers des frais pâturages. Le Gabonais ne doit pas vivre malheureux, ce n’est pas possible, c’est inadmissible qu’on vive malheureux au Gabon, et c’est encore plus grave que des Gabonais vivent étrangers et malheureux chez eux, pendant que le pays est en train d’être pillé par des expatriés connus. Alors, en toute fraternité, en toute honnêteté, j’invite ceux qui ont la charge de diriger la chose publique au Gabon à démissionner, et à laisser d’autres Gabonais plus aptes la chance de le faire pour le bien du Gabon et par amour et par respect pour Dieu.

Je vous remercie.

Mgr Jean-Bernard Asseko Mve

Paul Essonne

Journaliste

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