La Constitution gabonaise a été constamment révisée pour adapter le pouvoir aux réalités politiques du moment : tantôt pour ouvrir le jeu démocratique (1991), tantôt pour consolider le pouvoir présidentiel (2003, 2011, 2018), jusqu’à la rupture de 2023-2024 qui cherche à refonder un système plus équilibré.
1. 1991 : Adoption de la Constitution
Contexte :
Sous la pression interne (conférence nationale) et internationale (fin de la guerre froide), Omar Bongo abandonne le parti unique et accepte des réformes démocratiques.
Principaux changements :
Introduction du multipartisme.
Séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.
Limitation du mandat présidentiel à 2 mandats de 7 ans maximum.
Conséquences :
Transition vers une démocratie pluraliste, même si le pouvoir reste dominé par le Parti démocratique gabonais (PDG).
2. 1997 : Première révision constitutionnelle majeure
Contexte :
Omar Bongo souhaite consolider son pouvoir dans un contexte de tension politique après des législatives controversées.
Principaux changements :
Création du poste de Vice-président de la République, nommé par le président.
Création du Sénat pour renforcer la structure parlementaire bicamérale.
Conséquences :
Le Vice-président devient un acteur clé, mais sans réel contre-pouvoir.
Le Sénat reste dominé par le parti présidentiel, limitant les contrepoids démocratiques.
3. 2003 : Révision pour la suppression de la limitation des mandats présidentiels
Contexte :
Omar Bongo, au pouvoir depuis 1967, approche de la fin de son mandat constitutionnel. Il cherche à se maintenir.
Principaux changements :
Suppression de la limitation à deux mandats présidentiels.
Réduction du scrutin présidentiel à un tour unique.
Conséquences :
Omar Bongo peut se représenter indéfiniment.
L’élection à un seul tour renforce le risque d’élection avec une faible majorité relative.
Consolidation du pouvoir présidentiel, accentuant les critiques sur la dérive autoritaire.
4. 2011 : Révision après l’accession d’Ali Bongo
Contexte :
Après la mort d’Omar Bongo en 2009 et l’élection contestée d’Ali Bongo, le nouveau président souhaite « moderniser » les institutions.
Principaux changements :
Renforcement des pouvoirs exécutifs au détriment des pouvoirs législatif et judiciaire.
Modification du processus électoral et de nomination à certains postes de responsabilité.
Conséquences :
Ali Bongo renforce son emprise sur l’appareil d’État.
L’opposition dénonce un recul démocratique sous couvert de réformes institutionnelles.
5. 2018 : Révision constitutionnelle après l’AVC d’Ali Bongo
Contexte :
Ali Bongo est victime d’un accident vasculaire cérébral (AVC) en octobre 2018. Son état de santé pose la question de la vacance du pouvoir.
Principaux changements :
En cas d’absence temporaire du président, le Conseil des ministres peut exercer des fonctions présidentielles collectivement.
Simplification de la déclaration de vacance du pouvoir, mais dans des termes flous.
Conséquences :
Concentration du pouvoir entre les mains du cercle proche d’Ali Bongo (famille, proches collaborateurs).
Augmentation des tensions politiques et des contestations sociales.
6. 2023-2024 : Renversement d’Ali Bongo et préparation de la Ve République
Contexte :
Le 30 août 2023, Ali Bongo est renversé par un coup d’État militaire dirigé par le général Brice Oligui Nguema, après une élection présidentielle contestée.
Actions en attendant la nouvelle Constitution :
Suspension des institutions existantes.
Annonce d’une transition vers un nouveau régime constitutionnel plus démocratique.
7. 2024 : Adoption de la Constitution de la Ve République
Contexte :
Volonté affichée de rompre avec les pratiques du passé et d’instaurer un nouveau contrat politique.
Principaux changements :
Limitation du mandat présidentiel à un maximum de deux mandats de 7 ans.
Suppression du poste de Premier ministre, remplacé par deux Vice-présidents.
Conditions de candidature présidentielle plus strictes (nationalité, absence de nationalité étrangère récente, interdiction pour les descendants immédiats d’anciens présidents).
Renforcement du rôle du Parlement.
Conséquences :
Tentative de refonder les institutions sur de nouvelles bases démocratiques.
Volonté d’éviter la transmission dynastique du pouvoir.
Reste à voir dans la pratique si ces réformes seront effectivement respectées.
En conclusion de 1991 à 2024, la Constitution gabonaise a été constamment révisée pour adapter le pouvoir aux réalités politiques du moment :
Tantôt pour ouvrir le jeu démocratique (1991), tantôt pour consolider le pouvoir présidentiel (2003, 2011, 2018), jusqu’à la rupture de 2023-2024 qui cherche à refonder un système plus équilibré.
Mais l’expérience historique montre que tout dépendra de la pratique politique réelle, et non seulement des textes.