Les enjeux de la Zone de Libre Echange Continentale Africaine et à qui profitera-t-elle ?

François Nzigou Nzigou réagit sur le projet de la zone de libre échange continentale africaine (ZLECAF), l’analyste financier, économiste et président fondateur de Nzy Green Finance Consulting (France), explique les difficultés de cette intégration qui a été lancée sous l’égide de l’Union Africaine depuis 2012.

Historiquement, il faut dire que la zone de libre échange était au cœur de la construction de l’idée panafricaniste, notamment avec les illustres comme Kwame NKRUMAH, ABDEL NASSER, AHMED SEKOU TOURE.

En effet, la zone de libre échange est un zone de pays qui, ensemble décide de supprimer l’essentiel de leur droit de douane (90%), simplifie toutes les démarches administratives, libre circulation des personnes et ouvre les espaces aériens pour développer leurs échanges. Parmi les plus connues, on peut citer en Europe (ZONE EURO), en Amérique du Nord (ALENA) et en Asie du Sud Est (ASEAN).En Afrique, on avait déjà, la CEDEAO pour l’Afrique de l’Ouest, la CEEAC pour l’Afrique Centrale, COMESA, pour l’Afrique de l’Est, SADEC, l’UMA pour les pays de l’Afrique du Nord qu’on appelle généralement le MAGHREB.

Il est important de rappeler que les échanges commerciaux interafricains ne dépassent pas les 17% selon les derniers chiffres de la Banque Africaine de Développement (BAD).Par contre les échanges dans la zone euro sont de l’ordre de 70% et les échanges inter-Asie sont de l’ordre de 50%.Dans le commerce mondial, l’Afrique ne parvient pas à décoller commercialement puisque sa part dans le commerce mondial est  passée de 3,2% en 2013 à 2,4% en 2017selon les chiffres de l’ONU.

Plusieurs raisons expliquent ce faible pourcentage de l’Afrique dans le commerce mondial et dans le commerce interafricain.

Premièrement, le coût de transport entre pays africains est beaucoup plus cher que de transporter une marchandise d’un pays hors du continent. Par exemple, une marchandise qui quitte Douala pour Dakar, coûte six fois plus chère qu’une marchandise qui quitte Douala pour Hong-Kong. Le manque d’infrastructures et la lenteur administrative pénalise le développement de ce commerce interafricain.

Deuxièmement, l’absence des unités de transformation des matières premières comme le pétrole, les minerais et autres, expliquent la part minime de 2,4% de l’Afrique dans le commerce mondial d’où l’idée de la Zone de Libre Echange Continentale Africaine.

C’est pourquoi on se demande comment la ZLECAF peut fonctionner quand on sait que les pays africains ne produisent presque rien. Si on prend le cas des pays de la CEMAC, tous ont des produits similaires (pétrole, bois, minerais  etc.…) qu’ils exportent à l’état brut. Or, on sait que la zone de libre échange continentale africaine dépendra de la règle d’origine (Made in Africa). C’est le point évidemment le plus complexe dans ce processus de libéralisation des échanges.

Nous pensons que c’est ce point qui risque de prendre plus de temps, car à Niamey l’accord est sur ce qu’on peut considérer comme les règles minimas d’origines, c’est-à-dire combien un produit venant d’un pays africain peut-il accepter de matières premières ou de biens intermédiaires  provenant d’origine extérieure à l’Afrique. Néanmoins, c’est une règle d’origine qui se différencie selon les produits, elle n’est pas la même lorsqu’il s’agit des produits agricoles, intermédiaires ou industriels.

Mais la question qu’on se pose est celle de savoir si ce projet de grande zone de libre échange pourra atteindre ses objectifs, sachant qu’il y a 160  structures d’organisations sous-régionales en Afrique, il y a huit plus fortes avec les grandes insuffisances.

Je tiens à préciser que l’Union Africaine n’a pas vocation à créer une zone de libre échange continentale africaine. Tant qu’on n’a pas compris que les européens avant de créer la zone euro, ils avaient mis ce qu’ils avaient de commun, le charbon et l’acier. Le raisonnement rationnel des africains devrait d’abord se focaliser sur l’analyse du taux de l’électrification qui est de l’ordre de 23%.

Il y a seulement deux barrages sur le continent africain (INGA au Congo et celui de l’Ethiopie).Les deux barrages peuvent alimenter le continent, mieux d’exporter le surplus au-delà du continent africain.

Au-delà, de ce blocage, il faut également souligner que plusieurs zones sous-régionales ont des engagements avec d’autres partenaires. Prenons le cas de la zone CEMAC, qui est une zone de culture coloniale, elle n’est pas faite au départ pour que les économies africaine soit intégrée, elle est faite pour tourner son économie vers la Métropole, la deuxième zone , c’est la CEDEAO. Force est de constater que les deux zones malgré la monnaie commune n’échangent pas entre elles, car elles sont déjà engagées avec la Métropole sur le plan monétaire et sur les Accords de partenariat économique. D’ou le paradoxe dans ce vaste projet.

L’autre paradoxe est celui du financement de l’Union Africaine qui veut mettre en place cette grande zone de libre échange continentale africaine. Elle-même reste dépendante à plus 80% de l’extérieur, c’est-à-dire de l’occident. Les fonctionnaires de l’Union Africaine sont payés par les pays occidentaux, la capacité  africaine de maintient de la paix n’est non plus financée par les pays du continent, mais par les pays occidentaux.

En résumé, je ne partage pas cet optimisme comme certains analystes, car les pays qui vont profiter de cette zone de libre échange continentale africaine, sont ceux qui découvrent et exploitent les matières premières des pays africains, notamment les grandes multinationales occidentales, les pays qui ont signé les accords bilatéraux et multilatéraux.

NB : la réussite de ce projet dépendra des politiques d’industrialisation que chaque pays africain mettra en place. Par exemple dire aux partenaires techniques et financiers, aux grandes multinationales d’implanter leurs  usines de transformation en Afrique.

Obone Flore

Journaliste

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