Le débat de Missélé eba’a: Vers la fin du régime?

 » Faites ceci en mémoire de moi », telles sont les paroles de tout maître à ses disciples lorsque celui-ci souhaite que ces derniers suivent le chemin qu’il a tracé. A l’heure où la famille et les amis d’Omar Bongo Ondimba viennent de célébrer le treizième anniversaire de son départ pour l’Orient éternel, les citoyens gabonais sont en droit de se demander si tous les actes politiques et administratifs posés par les actuels dirigeants sont dignes ou conformes à l’esprit du maître qu’il a été.

A la lecture des innombrables transgressions des collégiens du bord de mer et des derniers dérapages verbaux d’Alain Claude Bilié by Nzé, on peut affirmer que ni les premiers et encore moins le second ne suivent les pas d’Omar Bongo Ondimba, cet homme qui était attaché au dialogue, à la tolérance et à la paix. Voici qu’on a permis, dans notre pays, à des enfants l’opportunité de s’amuser avec l’enclume ou le maillet, deux symboles forts du pouvoir réservés au grand maître. Et dans ce constat,  malheureusement pour le profil du porte-parole du gouvernement, il vient publiquement  de le mettre à jour, de la forte vilaine manière.

En effet, si certains citoyens apprécient le caractère autodidacte de l’homme, bien qu’étant pour la plupart du temps, quand il veut être pertinent, un doctus cum libro, l’opinion publique déplore le fait que cet éternel étudiant inachevé soit toujours en train de faire des efforts pour servir, sur l’espace public, ses carences qui en fait traduisent bien son vrai niveau scolaire. Que de regrets.

Aussi, quelle était la pertinence de sa dernière sortie publique à l’heure du numérique et des progrès divers dans le domaine de la communication, notamment le rôle des médias dans le nécessaire équilibrage des pouvoirs? En disant  » ce n’est pas dans les médias, mais devant les tribunaux que l’on fait des plaidoiries « , le porte-parole du gouvernement croit pouvoir réinventer la roue? Venant d’un ancien ministre de la communication, on a juste envie de se demander ce qu’il y faisait.

Combien de vies ont été sauvées parce que les médias ont servi de tribune à des gens sans voix, harcelés par certains pouvoirs jugés et considérés arbitraires? Combien de gens ont vu leur dignité être rétablie parce que la presse a crié plus fort que des magistrats complètement corrompus? Pour un ancien locataire de nos prisons, Alain Claude Bilié by Nzé aurait dû faire régner le silence sur la question. Ce n’est pas parce qu’on lui tend un micro qu’il se doit toujours de parler et de nous rappeler ses incapacités dans les débats de fond.

C’est justement ce culot osé, cette arrogance injustifiée et cette imposture détestable que les hommes libres et de bonnes mœurs n’acceptent plus de gens qui, dans un pays normal, n’auraient jamais eu droit au chapitre.

Quand l’ancien porte-parole de la présidence de la République versait son fiel sur les ondes de Radio France Internationale pour répondre aux questions liées aux biens dits mal acquis, il avait peut-être oublié que cette question relevait plutôt des tribunaux que des médias? Ce zèle, il convient de l’arrêter quand en réalité on n’est pas qualifié. C’est la preuve que le régime tend vraiment vers sa fin. Voir et savoir que désormais se sont des profils pareils qui constituent ses seules références ou ses derniers remparts est justement les signes de la fin. Quelle catastrophe.

A ce sujet, qu’Henri Claude Oyima, le président du groupe BGFI, dise déjà toute la vérité aux tenants du pouvoir en place quant aux diverses conséquences fatales qui devraient suivre après l’ouverture, en France, d’une enquête préliminaire du parquet national financier (PNF) visant les activités de la banque BGFI  Europe établie à Paris.

Autrement dit, tous ceux qui auraient réalisé de grosses opérations financières ou des transactions quelconques via cette banque correspondante basée à Paris auront à se justifier ou seront tout simplement poursuivis. Gare au blanchiment massif. Il y a donc de quoi inquiéter bon nombre de nos fonctionnaires étrangement trop riches ou nos hommes d’affaires trop cupides.

La situation à laquelle nous assistons est d’une gravité monumentale. Elle est l’équivalent d’un coup d’état programmé. En ouvrant cette enquête qui touche directement la tête de la banque BGFI, il faut comprendre que c’est à ce niveau que le PNF a décidé de placer l’explosif qui exterminera bien des régimes qu’on accuse la France, à tort ou à raison, de soutenir. Mobutu avait su que c’était la fin pour son régime dès l’instant où les puissants avaient décidé de lui serrer les cordons de la bourse.

Nul doute que cette affaire sera constamment rendue publique dans l’optique de bien montrer aux africains l’ampleur des dégâts financiers collectés par leurs dirigeants. Ce qui permettra au pays de De Gaulle de prouver son innocence ou de relativiser les accusations fallacieuses qui sont portés contre lui. Cette démarche aura le mérite de mettre chacun face à ses responsabilités dans la situation que traversent les pays africains.

Espérons que cette fois-ci, le porte-parole du gouvernement, Alain Claude Bilié by Nzé, aura le courage d’inviter les concernés incriminés ou cités devant les tribunaux au lieu de se répandre dans les médias comme cela se dessine à l’horizon. L’utilisation récurrente et insensée des petites phrases est parfois nocive.

En langage simple, pour ce qui est du cas Gabon, ce type de coup, donné à la jugulaire est proportionnel aux dégâts réalisés par nos amateurs au sommet de l’État. Mobutu disait  » celui qui vous arrache le beefsteak de la bouche est un homme à abattre ». Nous y sommes.

En livrant le pays à un groupe d’entreprise au détriment des entreprises de nos partenaires historiques, en cherchant à adhérer au Commonwealth au mépris de notre histoire avec la francophonie, en votant en faveur de la Russie, donc contre les orientations et les intérêts de l’Occident, en maintenant en prison des citoyens français au mépris des avis de la commission des droits de l’homme de l’ONU, il était inévitable que la riposte soit également d’un niveau maximal. Et c’est bien ce qui est arrivé avec cette plainte du parquet national financier de Paris qui va sans aucun doute redessiner la carte politique de l’Afrique centrale.

En d’autres mots, les tenants actuels du pouvoir ont visiblement confondu les aires de jeux. Et voici que la riposte est sans appel, non pas seulement pour eux, mais pour tout le régime en place de Libreville. Or, nous parlions il y a quelques temps d’une nécessaire rupture avec cette manière de faire qui est suicidaire et qui ne répond à aucun code du pouvoir.

C’est parce que les Bongo Ondimba ne se sont pas désolidarisés publiquement de ceux qui règnent au sommet de l’État qu’ils paieront le prix de cette alliance de fait via des mises en examen ou des condamnations. C’est parce que le régime en place ne s’est pas indigné face à la multiplication des aberrations qui pullulaient au sommet de l’État que bon nombre de ses cadres goûteront l’amertume du revers des actes posés.

D’ailleurs, la mise en examen des gens comme Sonia Roland n’est pas anodine. Elle vise et participe à fragiliser bien des gens du régime, témoins de cet achat jugé honteux et scandaleux.

Certes l’équation est de plus en plus difficile à résoudre mais rien n’est impossible. Aussi, il convient de revenir aux fondamentaux en maximisant les moyens diplomatiques bien que très rouillés et trop bouchés. La libération des prisonniers dits politique et ceux, emprisonner pour des motifs jugés épidermiques, peut constituer un bon début. Nous réfléchissons à haute voix tant l’heure est grave. La fin du régime a été construite par des gens qui ont refusé de suivre le maître qui n’avait de cesse de dire  » votre égoïsme vous perdra ».

Plus que jamais, les dernières paroles d’Omar Bongo Ondimba font sens et corps avec la situation du Gabon  » J’ai pour habitude de dire, gabonais nous sommes, gabonais nous resterons. Pensons à notre pays. Pensons à notre jeunesse. Nous croyons en Dieu mais Dieu ne nous a pas donné le droit de faire du Gabon ce que nous sommes en train de faire. Il nous observe, il dit: amusez-vous. Mais le jour où il voudra aussi nous sanctionner, il le fera ».

L’heure de la sanction a-t-elle désormais sonné avec ce coup donné à la jugulaire? Les visionnaires peuvent dire oui. Se frotter le piment sur le corps pour les sages du régime peut faire gagner du temps et s’éviter une fin honteuse et peut-être douloureuse. Mais comment la jurisprudence des enfants Dos Santos ou celle de Laurent Gbagbo n’a pas servi aux « dirigeants  » du Gabon? C’est quelle bagarre qu’un pot de terre voulait engager contre un gisement de fer?

Comprendra qui pourra.

Par Télesphore Obame Ngomo

Paul Essonne

Journaliste

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