L’arrivée d’Ali Bongo Ondimba au sommet de l’État n’a pas du tout été le fruit du hasard. Pendant près de deux décennies, Omar Bongo y avait fortement travaillé. Il lui laisse tout un dispositif constitutionnel et institutionnel opérationnel susceptible de faciliter le projet que son fils Ali Bongo et lui nourrissaient: la présidence de la République gabonaise.
En plus de cette base non négligeable, Omar Bongo avait su créer, chez la plupart de ceux qui avaient collaboré avec lui et qui pouvaient influencer l’issue de cette ambition, une sorte de dette morale. Tellement il avait choyé un certain nombre de ses compatriotes et compagnons de route que refuser de soutenir son fils ne pouvait qu’être assimilé à de l’ingratitude voire de la trahison.
D’ailleurs, l’argument premier de tous ceux qui avaient soutenu Ali Bongo en 2009, au-delà même de son projet dénommé » l’avenir en confiance, était qu’on ne pouvait nullement trahir la mémoire d’Omar Bongo. C’est dire l’impact que sa générosité, son savoir être et pourquoi pas son humanité avaient eu dans la vie de ceux qui avaient partagé son ambition politique durant tant d’années.
Si les sceptiques à l’accession d’Ali Bongo à la présidence de la République avaient été mis en difficulté et en minorité par la force du souvenir d’Omar Bongo et le dispositif laissé pour le besoin de la cause, il faut dire qu’à la lecture des désenchantements, le temps a fini par leurs donner raison. En effet, une fois arrivé au sommet de l’État, le modèle de gouvernance incarné et enseigné par l’ancien président de la République fut totalement ignoré.
Prétextant de vouloir susciter le changement au bénéfice du plus grand nombre, à la surprise générale, le nouveau pouvoir décapita administrativement tous ceux qui l’avaient fait connaître une certaine cure de jouvence. Malheureusement, plus de 10 ans après, les gabonais attendent toujours les promesses annoncées et le bonheur promis. A contrario, le Gabon n’a jamais connu autant de scandales financiers, autant de frasques rivalisant l’imagination d’Amadou Koné et autant de légèreté au palais présidentiel.
A défaut d’enrichir ou de choyer son personnel politique, le nouveau pouvoir s’est donné corps et âmes à des vendeurs d’illusions. La légion étrangère qui faisait la pluie et le beau temps durant le premier septennat n’a rien apporté à Ali Bongo en 2016 lorsqu’il était terrassé par la virulence des apparatchiks du système qui avaient déclaré la fin de son règne. On ne tire jamais les leçons du passé?
N’eût été l’intervention de gens qui n’étaient pas logés aux meilleures enseignes durant le premier septennat et qui avaient même accusé de nombreuses humiliations des nouveaux amis du président de la République, ce pouvoir aujourd’hui bradé par des collégiens complexés et une légion étrangère en miniature, n’existerait plus.
Donc, pour certains apparatchiks du pouvoir, se défaire ou combattre les actuels tenants du palais présidentiel est totalement légitime. La loyauté comme la fidélité ne sont pas des devoirs pour les uns et des options pour les autres. Qui peut comprendre que les chevaliers et les grognards d’Ali Bongo qu’on accuse, à tort ou à raison, de l’avoir maintenu au pouvoir en 2016 aient tous été chassés des arcanes décisionnelles du pouvoir et du pays?
N’est-ce pas la meilleure de donner raison à ceux qui l’ont toujours combattu? Ces injustices doivent être réparées pour mieux préparer l’avenir ou pour tenter à nouveau une quelconque collaboration. Comment peut-on avoir au gouvernement ou dans la haute administration des gens qui n’ont jamais échangé un seul mot avec le président de la République quand ses fidèles lieutenants sont assis à la maison pour ne pas dire au chômage? Si même encore ils avaient été choisis pour leurs états de service ou leurs compétences. Mais hélas, ni l’un ni l’autre. Alors…
Comment créer cette redevabilité si l’actuel pouvoir en place refuse de payer ou de récompenser ses plus fidèles serviteurs là où Omar Bongo inondait les siens de considérations et d’avantages multiformes? Si Ali Bongo souhaite assurer sa succession, pour lui-même ou pour son fils, cette ambition est certes légitime, mais l’objectivité de la situation et du contexte impose de dire que les choses seront encore plus complexes qu’elles ne l’ont été en août 2016 ou là où un Omar Bongo a mis plus de 20 ans pour lui garantir le fauteuil présidentiel.
En toute chose, il faut faire attention à l’esprit d’esprit qu’on construit. Et la vérité nous commande d’affirmer que celui qui a été créé penche plutôt vers la frustration, la colère et la haine.
Par Télesphore Obame Ngomo