Le débat de Missélé eba’a : L’Exécutif gabonais ne divorcera pas.

Dans l’esprit du général De Gaulle, concepteur des mécanismes du fonctionnement institutionnel et constitutionnel de la 5 ème République, au Président de la République les affaires régaliennes et à son premier ministre les affaires courantes.

Appartenant au giron stratégique et politique de la France, le Gabon, une de ses anciennes colonies, s’est approprié, sans grande différence, ce modèle de gouvernance. C’est ainsi qu’on retrouve au sommet de l’État, au niveau de l’Exécutif, un bicéphalisme clair. Le Président de la République élu au suffrage universel et le Premier ministre, responsable devant le Parlement.

De tous les Présidents de la cinquième République, c’est François Mitterrand, pourtant farouchement opposé aux idées de De Gaulle, qui donnera une approche précise sur le principal critère permettant de se choisir un premier ministre.

C’est lors d’une rencontre regroupant le secrétaire général de l’Elysée, Jean Louis Bianco, l’ami de toujours, pressenti pour remplacer Édith Cresson, Pierre Bérégovoy que  François Mitterrand disait « l’exercice qui consiste à nommer un Premier ministre est un exercice purement politique. C’est un exercice totalement étranger à tout ce qu’on appelle l’amitié, la confiance, les rapports privés. Rien à voir. C’est une lecture de la situation politique pure et simple. Et en ce moment, la lecture politique de la situation est claire. Il y a une petite prime pour Michel Rocard ».

Au niveau de notre pays, la lecture politique était désormais plus que claire. Non seulement ses rapports avec la maisonnée du Président de la République s’étaient détériorés, Rose Christiane Ossouka Raponda n’avait pas les épaules pour porter les enjeux à venir, notamment, la concertation politique, le One Forest Summit, le Congrès du Parti Démocratique Gabonais (PDG) et les élections générales dont la présidentielle.

Autrement dit, ce Premier ministre ectoplasme, produit préfabriqué de la scène politique de notre pays, devenait un véritable boulet pour le Président de la République qui, rappelons-le, peine à énumérer un certain nombre de réalisations concrètes pour séduire les Gabonais. Il fallait donc donner un nouveau souffle à cet exécutif fortement fragilisé.

En effet, si Alain Claude Bilié By Nze n’était pas encore premier ministre avant le 9 janvier 2023, il était sans conteste le premier des ministres. C’est pourquoi, non seulement sa nomination n’a surpris que les profanes de cet univers mais en plus, son historique politique aux côtés d’Ali Bongo Ondimba parle pour lui.

Depuis 2009, Alain Claude Bilié By Nze prend des coups pour Ali Bongo Ondimba qu’il a librement choisi de soutenir. Ses interventions publiques et médiatiques laissaient très peu de marges de manœuvre aux ennemis du Président de la République. Ce qui lui a coûté bien des inimitiés.

En 2016, quand la majorité des cadres du parti au pouvoir avait lâchement abandonné Ali Bongo Ondimba face à un Jean Ping et ses partisans plus que déterminés, Alain Claude Bilié By Nze faisait partie des rares personnes qui sont restées droites dans leurs bottes. Mieux, il a offert sa poitrine aux vents dangereux, venus avec force de l’extérieur pour en découdre avec le fils d’Omar Bongo Ondimba.

Parlant du dialogue d’Agondjé, côté majorité au pouvoir, avec Guy Christian Mavioga, il a été l’un des rares à qui le besoin a fait changer de Commission de travail. De ce pas, on ne peut ne pas reconnaître sa participation à cette kermesse politique à l’issue très incertaine. Quid de sa capacité à vendre les idées de sa majorité quand on a même l’impression qu’il est le seul à savoir débattre ou défendre son camp politique.

Ali Bongo Ondimba, frappé par un accident vasculaire cérébral, porteur d’un bilan mitigé, conscient des trop nombreuses frustrations accumulées dans sa majorité, et d’une fin tragique des méthodes de la Françafrique sait qu’il a besoin de s’appuyer sur un acteur politique aguerri, bon orateur et grand débatteur pour vendre son ambition inachevée.

Malheureusement, ce n’est pas du goût de ceux qu’il a toujours qualifié de traîtres, de vers dans le fruit. Aussi, n’ayant pas eu assez de force pour faire échouer la concertation politique et n’appréciant pas les capacités de l’Exécutif à se tenir debout devant des chefs d’État étrangers venus pour le One Forest Summit, l’heure est venue pour les ennemis d’Ali Bongo dans les rangs du pouvoir de semer le trouble entre le Président de la République et son Premier ministre. On assiste là à un bis repetita de la déchirure qui avait été suscitée et entretenue entre André Mba Obame et Ali Bongo Ondimba.

Du haut de son expérience, le Président de la République va-t-il encore se faire avoir comme en 2009 quand on lui a présenté André Mba Obame comme un ennemi, un danger ? En cherchant à l’isoler, prêtant à Alain Claude Bilié By Nze des ambitions présidentielles pour 2023, on se demande bien à qui profiterait ce mensonge criminel ? Et dire que la loi électorale est claire : il faut avoir démissionné de son parti six mois avant l’élection pour être candidat.

Enfin, quand on observe la détermination du Premier ministre à matérialiser les 12 points prioritaires de sa déclaration de politique générale, personne ne peut affirmer que l’heure de sa démission semble proche. C’est un véritable fantasme nourri par ceux qui dans l’ombre ont déjà décidé d’en finir avec Ali Bongo Ondimba. Malheur à l’homme seul, proclament tous les livres sacrés.

En 1976, lorsque le premier ministre Jacques Chirac décide de démissionner de Matignon, des signes avant coureurs étaient bien visibles entre ce dernier et le Président de la République, Valéry Giscard d’Estaing. Or, dans le couple Alain Bongo Ondimba et Alain Claude Bilié By Nze, l’harmonie et la confiance semblent être au beau fixe. De quoi alors parlent tous ces perfides trompeurs qui répandent la peur et le poison ?

En un laps de temps, Alain Claude Bilié By Nze a su apporter satisfaction au Président de la République. Ce qui va certainement accroître la confiance que le chef de l’Etat lui accorde déjà. La question est de savoir : au détriment de qui ?  Certainement ceux qui sont déjà à la manœuvre pour tenter de le détruire. Hélas, ce ne sont pas tous les animaux de la forêt que l’homme peut manger. Les raisons qui ont conduit au choix d’Alain Claude Bilié By Nze comme premier ministre ne sont pas encore caduques. Par conséquent, le divorce de l’Exécutif gabonais n’est pas à l’ordre du jour.

Par Télesphore Obame Ngomo

Président de l’OPAM

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