En partant du principe qu'(1) on fait la politique avec ses réalités et (2) qu’il faut toujours tenir compte du rapport de force en présence avant de poser un quelconque acte politique, personne ne peut comprendre la stratégie de communication légère et suicidaire choisie par le porte-parole de la présidence de la République quant au projet d’adhésion de notre pays au Commonwealth. Que d’imprudence régulièrement convoquée.
En effet, quelle est la réalité vérifiable par tous? Qu’on aime la France ou pas, ses avis sur la vie politique de notre pays comptent. On peut diversement apprécier cette situation, la contester ou l’accepter, mais c’est ça la vérité. D’ailleurs, si la France est souvent détestée par certaines populations en Afrique, c’est parce qu’elle est accusée, à tort ou à raison, de soutenir des pouvoirs jugés incompétents et autocratiques. Le Gabon en fait partie.
Dès l’annonce de sa volonté de faire adhérer le Gabon dans le Commonwealth, la France politique a vu rouge. Pour les fins connaisseurs de la chose politique ou diplomatique, la ligne rouge venait d’être franchie. Aussi, pas une, pas deux, la secrétaire générale de la francophonie fût dépêchée à Libreville pour apprécier cette situation fort embarrassante.
Le pouvoir gabonais venait d’engager par cet acte un bras de fer avec une puissance dont il connaît pourtant bien la supériorité. Et dire que c’est exactement la même erreur qu’avait commise Jean Ping dans le cadre de la gestion du dossier de la Libye. Il s’est cru en droit de venir s’opposer publiquement à des forces bien au dessus de sa pensée, fut-elle pertinente.
L’histoire et la réalité vérifiable nous enseignent qu’il le paie. D’abord, il a été battu lorsqu’il voulait reconquérir un second mandat à la tête de l’Union africaine. Puis, aucun des grands de ce monde qu’il a pourtant tutoyé n’a tenté de plaider sa cause une fois le verdict des urnes a été rendu en août 2016. C’est dire l’importance de savoir apprécier le rapport de force avant d’engager un combat ou un affront.
En évoquant maladroitement et à tout va le projet d’adhésion du Gabon au Commonwealth lors de ses différentes prises de parole le porte-parole de la présidence ne mesure pas le degré de radicalisation et d’irréversibilité qu’il suscite chez ceux qui sont accusés, à tort ou à raison, de maintenir la famille Bongo au pouvoir.
C’est à se demander si ce porte voix du président de la République a oublié que la prochaine élection présidentielle dans notre pays doit se dérouler dans 2 ans avec des challengers de taille, un Ali Bongo fragilisé par la maladie et accablé par un bilan diversement apprécié. Comment à ce niveau de responsabilités on peut afficher autant de légèreté et d’inculture politique? Et dire qu’il gagnerait à relire la tempérance du discours du ministre des affaires étrangères à ce sujet.
Enfin, à cause de l’arrogance injustifiée exprimée dans la communication qui vient du porte-parole de la présidence de la République, l’opposition a de bonnes raisons de penser que l’alternance est plus que jamais possible et que la récente visite du président de la République à l’Élysée ne se serait pas très bien passée. Finalement le pouvoir lui-même, par le porte-parole de la présidence de la République et ses canaux de communication laissent entendre aux personnes avisées que les rapports seraient mauvais avec la France.
A partir de cet instant, les conclusions sont vite tirées par les adversaires du président de la République. Autrement dit, si le rapport de force n’est plus de son côté, alors tout devient possible. Et cela, à cause de la légèreté de gens inexpérimentées plus animées par leurs émotions que par la raison indispensable à ce niveau du pouvoir.
Avec cette position, pourquoi la France offrirait sa bienveillance à un pouvoir qui préfèrerait son adversaire ou son concurrent?
Rappelons tout de même qu’avec les évolutions politiques du monde, c’est désormais l’Union européenne qui est placée en avant poste afin d’enlever tout caractère néocolonialiste aux actes de recadrage posés par les anciennes puissances colonisatrices. Mais tous nous savons qui en réalité elle écoute en dernier ressort. Certainement pas l’Angleterre qui a quitté ses rangs. Ca veut dire que suivre les pas de Jean Ping c’est tout simplement accepté de perdre le pouvoir et d’être banni. Comprendra qui pourra.
Par Télesphore Obame Ngomo