Le débat de Missélé eba’a: Le pouvoir joue avec le feu… (1/2)

Dans ses petites phrases, certes caricaturales mais restées célèbres, Omar Bongo Ondimba disait: « Le Gabon sans la France est comme une voiture sans chauffeur. Et la France sans le Gabon est comme une voiture sans carburant ». Si aujourd’hui on peut relever qu’il existe désormais plusieurs autres sources d’énergie qui peuvent faire fonctionner des voitures, on n’a pas encore observé des voitures qui rouleraient sans chauffeur. C’est dire…

La France occupe une place de choix voire décisive dans le fonctionnement global du Gabon. Et pour rien au monde elle n’entendra la perdre si on s’en tient à la course effrénée du leadership mondial des grandes puissances que le Covid-19 est venue accentuée. D’ailleurs Jean Yves Le Drian ne croyait pas si bien dire lorsqu’il affirmait dans les colonnes du journal Le Monde en avril 2020 « Ma crainte, c’est que le monde d’après ressemble au monde d’avant, mais en pire ».

Autrement dit, le ministre des affaires étrangères relève, avec la pandémie, une amplification des fractures qui minent l’ordre international. Plus que jamais, les grandes puissances auront besoin de leurs anciennes colonies pour se maintenir. Par conséquent, tous ceux qui oseront développer une stratégie visant à les mettre à la porte ou en difficulté, seront tout simplement mis hors état de nuire au nom de leurs intérêts. Et ce, sans le moindre état d’âme.

Les récents chamboulements au sommet de certains états d’Afrique de l’Ouest appartenant au pré carré français sont assez éloquents. C’est la preuve s’il en fallait encore une que les méthodes radicales de la France savent se transmettre de génération en génération. En Côte d’ivoire, lors d’une conférence des chefs d’état, Alpha Condé s’était autorisé un langage véhément envers la France, la suite de son aventure politique est désormais connue de tous. Idem pour Idriss Déby du Tchad.

On voit bien qu’il n’y a pas de différence avec les cas Sékou Touré sous De Gaulle, Jean Bedel Bokassa sous Giscard d’Estaing, Thomas Sankara sous François Mitterrand, Mobutu Sese Seko sous Jacques Chirac, Laurent Gbagbo, Mouammar Kadafi, Amadou Toumani Touré et Mamadou Tandja sous Nicolas Sarkozy, Blaise Compaoré et François Bozizé sous François Hollande. Emmanuel Macron n’a fait qu’honorer l’héritage de De Gaulle qui repose sur le « tout pour la grandeur de la France ».

La Grande Bretagne vient récemment de donner à la France deux gamelles d’une rare violence qu’elle n’est pas prête d’oublier et qui lui imposera de revoir en profondeur sa politique étrangère. D’abord il y a le coup tordu des sous-marins français que l’Australie devait se procurer pour des milliards d’euros. Puis l’interdiction de pêche, dans les eaux de Guernesey, par des navires  britanniques aux bateaux français.

Avec ces derniers événements qui sont des coups terribles pour la France, le pouvoir Gabonais qui a déjà poussé l’incandescence de l’affront à un niveau insoupçonné, ministre britannique au gouvernement, visites répétées et résidence à Londres, volonté d’adhérer au Commonwealth, risquerait de ne pas se relever au seul coup que lui donnera cette puissance mondiale répondant du gaullisme qui a encore la capacité de décider de son avenir politique. Et à ce niveau, Londres n’y pourra rien. La jurisprudence Pascal Lissouba fera foi.

Par les actes de défiance posés, le pouvoir gabonais est librement sorti de son cordon de sécurité qui ne rendait pas possible une quelconque alternance à la présidence de la République. Ses choix qui sont difficilement justifiables au regard du rapport de force en présence et du contexte actuel montrent bien qu’il a trop joué avec le feu qui semble l’avoir déjà bien brûlé. Toutefois, il reste à savoir si nous sommes face à des brûlures mortelles. A ce  niveau, rien n’est moins sûr.

Par Télesphore Obame Ngomo

Paul Essonne

Journaliste

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