Le débat de Missélé eba’a : La jurisprudence Sall fera mal.

Après la déclaration du président de la République du Sénégal, Macky Sall, annonçant qu’il ne briguera pas un troisième mandat, quand bien même les dispositions constitutionnelles l’y autorisent, on se demande si l’état major politique d’Ali Bongo Ondimba qui souhaite réaliser un troisième mandat, malgré son état de santé fragilisé et son bilan peu vendeur, a pris le temps d’analyser froidement ce énième message chargé de codes du langage diplomatique international.

On  dirait pas, au regard des enchaînements de l’agenda de la tournée dite républicaine. Or, il n’y a aucun hasard dans cet univers des géants. Macky Sall semble avoir été contraint de faire sa déclaration quelques jours avant la date limite de dépôts de candidature au Gabon. Il avait pourtant largement le temps de renoncer à un troisième mandat, l’élection présidentielle au Sénégal n’ayant lieu qu’en février 2024.

À cela s’ajoute toute la communication internationale qui a porté et ventilé cette décision. D’abord la réaction spontanée des organes qui légitiment tous les pouvoirs politiques : l’Union africaine, l’Union européenne, le monde politique tout entier et les médias les plus réputés de la planète qui en ont fait la une de leurs journaux. C’est la preuve qu’il y avait bien un message qu’on a voulu faire passer à d’autres chefs d’État au-delà des simples ambitions risquées de Macky Sall.

Les équipes de communication d’Ali Bongo Ondimba devraient alors s’offrir l’exercice de décortiquer toutes les communications qui ont habillé cet événement, notamment les différents tweets des dirigeants du monde entier dans le but de décoder les messages cachés ou révélés.

L’Occident qui en a marre d’être rendu responsable des malheurs des populations opprimées par leurs dirigeants, parce qu’il les soutiendrait, n’entend plus accepter cet état de fait et reproduire les méthodes brutales du passé. Finie l’époque où on chassait publiquement et violemment un président de la République devenu gênant. Désormais, le syndicat des chefs d’État du monde préfère multiplier les canaux et les signaux pour amener le dirigeant en disgrâce à comprendre qu’il est temps de partir dans la dignité.

Le monde entier change, les méthodes des dirigeants et les mentalités des peuples avec. Il fallait bien tirer les conséquences de la chute de Saddam Hussein, du génocide au Rwanda, de la mort de Mouammar Kadhafi, etc. Les drames ou les conséquences qui s’en sont suivis ont pesé dans la révision du langage diplomatique désormais utilisé pour s’adresser aux chefs d’État qui puent le souffre.

De ce qui se dessine au Gabon, la patate chaude va bientôt être envoyée aux institutions chargées de gérer les élections. Elles seront mises à rude épreuve avec la gestion du contentieux préélectoral.

En 2009 par exemple, il avait été question de la fiabilité de la filiation du candidat Ali Bongo Ondimba. En 2016, ce même contentieux semblait ne pas avoir été vidé puisque l’acte de naissance du candidat du PDG était au centre des débats. Il est évident que pour 2023, nombreux, ici et ailleurs, attendront de voir comment sera apprécié le certificat médical du candidat Ali Bongo Ondimba, frappé par un accident vasculaire cérébral hémorragique en octobre 2018.

À ce niveau de la situation, l’heure est venue pour le pouvoir en place de recevoir en boomerang toutes les mauvaises décisions prises au sommet de l’État. Comment ont été gérés le PDG et ses cadres depuis 2016 ? Comment a été traitée l’administration gabonaise depuis le début du septennat ? Que sont devenus les grognards du président de la République ? Quels ont été les liens entre le pouvoir et l’extérieur ?

Comment a-t-on considéré les partis de la majorité présidentielle ? Comment les entreprises ont-elles été conditionnées ? Comment les dignitaires, les hauts responsables de notre pays ont-ils été soignés ?  Comment s’est-on occupé des populations durant tous le mandat ? Autant de questions qui donnent la température objective de l’état d’esprit des groupes qui influenceront l’avenir du pouvoir en place et du pays.

Qui aujourd’hui peut dire que l’engouement de la tournée républicaine du président de la République dépasse ou est comparable à celui observé sous l’ère Brice Laccruche Alihanga ? En dehors d’un opportunisme sans nom affiché par certains, jadis dans l’opposition radicale, et d’un zèle suicidaire exposé par d’autres, on note une véritable tiédeur et une accumulation de fautes dans ce qui se fait.

D’ailleurs, l’absence remarquée de la maisonnée du chef de l’État paraît aujourd’hui être une faute. Ali Bongo serait-il un homme seul ?  Sans famille ? De ce spectacle visible, on a désormais la preuve que Brice Laccruche Alihanga aurait fait une meilleure mobilisation-adhésion pour Ali Bongo Ondimba.

De la gestion de la ressource humaine à la réalisation d’un certain nombre de chantiers, y compris la situation sanitaire chancelante du président de la République qui avait fini par ne plus être un sujet de débat sur la place publique, en passant par l’affaiblissement respectueux de l’opposition, Brice Laccruche Alihanga aurait porté différemment le président de la République. Rien à voir avec le folklore risible qui anime ce qu’on appelle pompeusement tournée républicaine.

Depuis son incarcération, nous n’avons cessé de dire que cette manière de sanctionner ou de traiter un individu qui a vu la nudité de la République en plus de l’avoir servi au moment où tout allait en vrille ne correspond à aucun code de gestion du pouvoir, surtout pas celui hérité du grand maître Omar Bongo Ondimba où le vice et la générosité étaient deux métaux compatibles. Hélas sa situation a été gérée avec les émotions au mépris de l’histoire et des services rendus. Et dire que Felix Tshisekedi a offert au Gabon une belle leçon de gestion du pouvoir.

En effet, après avoir mis son directeur de cabinet en prison, pour les intérêts de son pouvoir, il le nomma à un poste important au gouvernement. Que dire de la relation extraordinaire entre Jean Pierre Lemboumba Lepandou et Omar Bongo Ondimba ?  Pourtant le grand maître a laissé à ses disciples toutes les clés pour faire face à bien des difficultés qui peuvent surgir dans le pays. Aucune situation vécue dans notre pays après Omar Bongo Ondimba n’est nouvelle. C’est tout simplement les acteurs, mal formés et sans sagesse, qui abondent désormais au sommet de l’État.

Depuis 2009, le pouvoir en place n’a quasiment plus jamais été stable ou en équilibre. Le président de la République a concentré une part trop importante de pouvoir entre les mains d’individus souvent non préparés et non initiés. Et ça ne peut que donner la grossièreté des erreurs qu’on peut observer, ici et là.

De la gestion des finances à celle de l’administration, on est à l’ère du jamais vu et des grandes impostures. Trop d’acteurs de premier plan ne sont pas à leur place. Le dispositif qui accompagne Ali Bongo Ondimba est trop faible. Il n’y a qu’à regarder là qualité des hommes pour comprendre la mouise qui règne. L’heure est venue de boire la coupe jusqu’à la lie avec son lot d’amertume.

Avec toutes ces fautes cumulées, qui sont encore plus graves que celles qui ont failli emporter le président de la République en 2016, comment certains peuvent penser un seul instant que la fête pourrait bien se terminer pour le pouvoir en place ? Comment confondre l’agitation des populations affamées, en manque de distraction et conscientes de leur situation à une quelconque mobilisation d’adhésion au discours du chef de l’État ? Attention à la violence de la réalité.

C’est en cela que la démission d’Arnaud Engandji trouve tout son sens. Elle exprime un refus de trahir et de mentir au président de la République face à la dangerosité de la situation où tous les signaux de la chute sont au rouge. En 2016, dans l’entourage d’Ali Bongo Ondimba, certains lui avaient vendu un score de plus de 50% face à Jean Ping. Des indiscrétions concordantes sortant du palais parlent de plus de 70% face à ses adversaires. Soit on est dans la grande farce aux allures de conspiration, soit on est dans la grande folie et c’est la fin pour Ali. Ce score promis au chef de l’État reposerait sur quelles réalités ?

C’est parce que Nicolas Sarkozy avait sous-estimé François Hollande qu’il fut surpris et copieusement battu en 2012. Emmanuel Macron avait été négligé par tous ses concurrents et pourtant c’est bien lui qui remportera la présidentielle de 2017 sonnant avec lui une nouvelle ère de la politique en France.

Macky Sall a bien mesuré le risque et les conséquences d’un éventuel entêtement. C’est avec sagesse, responsabilité et dignité qu’il entend quitter le pouvoir. Les moindres heurts qui aurait été enregistrés au Sénégal l’auraient brutalement emporté. Il en est de même pour le Gabon. La gestion du contentieux préélectoral alertera les états majors politiques du monde entier. La moindre bavure policière durant ces élections ouvrira la voie royale de la Cour pénale internationale (CPI) à bien des responsables administratifs, politiques et militaires de notre pays. C’est en cela que la jurisprudence Macky Sall fera mal.

Attendons voir ce qu’il en sera de la fin de la tournée républicaine où Ali Bongo Ondimba devrait annoncer sa candidature pour un troisième mandat. Peut être à l’étape de Makokou où malheureusement il plane encore et de façon négative les tristes souvenirs d’Emmanuel Issoze Ngondet et Mickael Moussa Adamo. Tout dans la vie n’étant que symboles.

Par Télesphore Obame Ngomo

Président de l’Organisation Patronale des Médias (OPAM).

Paul Essonne

Journaliste

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