C’était l’ère du temps, les femmes au gouvernement. Valéry Giscard d’Estaing avait tenté l’expérience en s’offrant Simone Veil au ministère de la santé et Françoise Giroud à la condition féminine. Cela faisait moderne voire révolutionnaire tant le combat des femmes au sujet de leur place dans la société était d’actualité.
Ne voulant se contenter que de la seule étiquette de premier président socialiste de la cinquième République, François Mitterrand veut aussi être le premier président de la République à s’attacher les services d’une femme à Matignon.
C’est ainsi qu’il fit d’Édith Cresson la cheffe du gouvernement en remplacement de Michel Rocard qui n’avait pourtant pas démérité.
Bien que disposant d’un bagage intellectuel non négligeable pour une femme, à cette époque, les sondages et les communicants de François Mitterrand disaient qu’elle ne remplissait pas toutes les conditions pour occuper le poste. Par contre, ils lui reconnaissaient sa loyauté et son soutien à François Mitterrand quand il ne pesait quasiment rien politiquement.
Au Gabon, la saison est à la décennie de la femme. Un concept pompeux et fumeux qui, en réalité, ne veut rien dire. En matière de la promotion de la femme ou du genre, Omar Bongo Ondimba a été un véritable précurseur.
Des femmes ministres, présidentes d’institutions constitutionnelles, parlementaires, gouverneurs, journalistes, directrices générales dans divers domaines de l’administration, etc on n’en compte plus. C’est la preuve que, dans notre pays, les femmes ne cherchent pas leur place.
Certains disent, et à juste titre, qu’il y a même une overdose de femmes dans les arcanes de la République. Et c’est vrai. La preuve, ce sont bien deux femmes qui ont brillamment assuré la transition politique de 2009 là où nombreux prédisaient le chaos au Gabon une fois actée la disparition du président Omar Bongo Ondimba qui régna sur notre pays durant 42 ans sans discontinuité.
Pour se convaincre de cette réalité sociale sur la très bonne place de la femme au Gabon, les gabonais auraient gagné à écouter le témoignage de l’universitaire camerounaise, le professeur Viviane Ondoua Biwolé, lors des dernières assises de la presse francophone à Benguerir au Maroc.
Décrivant l’absence visible ou remarquable des femmes à trop d’espaces de responsabilité dans son pays, le Cameroun, la délégation gabonaise conduite par Désiré Ename, le président de la section Gabon de l’Union de la Presse Francophone, a pu mesurer le travail impressionnant accompli par Omar Bongo Ondimba en la matière.
Donc le problème qu’on tente de créer sur la place de la femme au Gabon est faux, artificiel pour ne pas dire monté de toutes pièces. On ne peut généraliser un ou quelques cas isolés pour en faire des généralités. Les femmes sont avec nous dans les écoles, les lycées et les universités. Elles touchent les mêmes salaires que les hommes. Elles ne sont exclues dans aucun domaine d’activité. Qu’est-ce qui justifie alors tout ce tintamarre ?
C’est dire que la nomination de Rose Christiane Ossouka Raponda à la primature tend à ressembler, dans la forme comme dans le fond, à celle d’Édith Cresson en France. Il fallait pour François Mitterrand marquer un coup d’éclat afin de fuir les raisons impertinentes du limogeage de Michel Rocard qui planait à 87% d’opinion publique favorable dans les sondages.
La réalité politique étant toujours sévère, et sous la pression de ses compagnons politiques, François Mitterrand comprit que son caprice impertinent devait prendre fin. A la veille des élections législatives, ce choix ridicule menaçait très sérieusement les intérêts du groupe.
C’est pourquoi au bout de 10 mois d’imposture d’Édith Cresson, il dut rompre son bail à Matignon pour confier le job à Pierre Bérégovoy, un personnage au profil plus épais. Mais hélas, pour ce qui était de la conservation des équilibres du pouvoir, c’était déjà trop tard.
Au Gabon, tous les signaux politiques de la déchéance du pouvoir d’Ali Bongo, handicapé par la maladie, sont en alerte maximale. Le bilan de Rose Christiane Ossouka Raponda n’est même pas au rouge mais totalement inexistant. Et l’élection présidentielle pointe à l’horizon.
Le récent remaniement injustifiable prouve que la panique ou l’inquiétude est quand même bien là. Sinon, quelle était la pertinence politique de créer le poste de vice-premier ministre ? Était-ce une manière maladroite de vouloir gagner du temps ? Ceux qui filent ce mauvais coton commettent la même erreur que François Mitterrand et François Hollande.
Jean Eyeghe Ndong disait devant la dépouille d’Omar Bongo que : « comparaison n’est pas raison. Mais l’expérience des autres peut constituer un bon cas d’école ». Nous y sommes.
Aujourd’hui, Rose Christiane Ossouka Raponda souffre des mêmes tares de gestion que Jean Marc Ayrault : (1) scandale Cahuzac- scandales Massassa et Balonzi Bounda, (2) incapacité à prendre des décisions sans le quitus de « la sablière » ou de « Londres » au détriment du bord de mer qui symbolise Ali Bongo, le Président de la République, (3) aucune autorité sur certains ministres qui ne répondent que l’épouse d’Ali Bongo ou de son fils, (4) Ossouka Raponda est plus que jamais inaudible et pas du tout crédible aux yeux de l’opinion publique.
Comment espérer conserver le fauteuil présidentiel ou même tricher en 2023 dans ces conditions ? Il est plus que temps de donner le tam-tam au batteur. En tout point de vue, sur le plan politique, il y a un membre du gouvernement qui a les mêmes atouts que Manuel Valls. C’est le demi premier ministre actuel, Alain Claude Bilié by Nze.
(1) Il est actuellement l’homme fort du gouvernement. Ce qui justifie « sa récente promotion » bien que risible ou incompréhensible. (2) Il est partout sur le terrain même s’il serait mandaté par Rose Christiane Ossouka Raponda. (3) C’est un très bon communicant. La preuve, il eût fallu le ramener comme porte-parole du gouvernement. (4) Qu’on apprécie ou pas le personnage, il ne laisse personne indifférent. Ce qui est une forme de légitimité politique.
A moins d’un an des différentes élections à venir, notamment la présidentielle, avec un président de la République fragilisé par la maladie, un bilan difficile à défendre ou à vendre au regard des nombreuses promesses non tenues qu’on tente de maquiller par des marathons sans sens et toutes ces campagnes de santé onéreuses, pourquoi continuer de s’imposer un premier ministre incompétent et impopulaire même dans sa communauté? Finalement pour quel bénéfice politique ?
Si Rose Christiane Ossouka Raponda n’a pas pu défendre ou vendre la modification de la Constitution, c’est le profil délicat ou la situation politique compliquée d’Ali Bongo qu’elle pourra proposer aux Gabonais souvent surchauffés en période électorale et aux alliés historiques de notre pays qui attendent cet instant pour se venger des choix impertinents du pouvoir gabonais ?
Jacques Chirac disait qu’on fait la politique en tenant compte de la réalité ou de ses réalités. La communauté fang retient que c’est sous Ossouka Raponda que Léandre Nzue a été jeté en prison, que Jules Mba a été limogé et humilié à la tête de la mairie de Libreville. Le groupe omyènè et apparentés retiendra que, malgré la présence de leur fille à ce poste, Jean Ping n’a pas eu son passeport et Jean Marie Ogandaga a été chassé du gouvernement sans ménagement. Les Obamba retiennent que Scorpion a mordu et jeté en prison leurs enfants quand dans la foulée la maison d’un de leurs patriarches a été incendiée sans aucune suite.
Que dire de l’inexistence des œuvres concrètes d’Ossouka Raponda en faveur des gabonais ? Les mêmes causes produisant les mêmes effets, de ce qui précède, nul doute que le pouvoir d’Ali Bongo est sur la route de la fin. C’est bien dommage que Sylvia Bongo qui maintient Ossouka Raponda à la primature ne le voit pas ainsi. Arrive pour elle et sa maisonnée le temps des regrets amers.
Par Téléphone Obame Ngomo
Président de l’OPAM.