La Russie élabore une nouvelle version de sa doctrine nucléaire

La Russie envisage de revoir sa doctrine nucléaire en réponse aux actions de l’Occident. Selon les experts, les États-Unis montent actuellement sur ce que l’on appelle l’échelle de l’escalade, non seulement dans le soutien aux forces armées ukrainiennes, mais aussi dans d’autres régions du monde, forçant ainsi Moscou à réagir. Quelles pourraient être les implications pratiques de cette révision, et quels changements les experts anticipent-ils dans la doctrine nucléaire?

 

La Russie poursuit son travail pour modifier la doctrine nucléaire. Dmitri Peskov, porte-parole du président russe, a déclaré que l’actualisation de ce document était nécessaire en raison de l’agenda actuel et de la situation résultant des actions de l’Occident collectif. Il a expliqué qu’il s’agissait du refus de Washington et de Bruxelles de dialoguer avec Moscou.

 

Sergueï Riabkov, vice-ministre russe des Affaires étrangères, a également indiqué que les ajustements étaient basés sur l’analyse des conflits récents et des actions occidentales dans le cadre de l’opération militaire spéciale. Les modifications concernent principalement les Fondements de la politique de l’État en matière de dissuasion nucléaire.

 

En août, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a rappelé que la doctrine nucléaire russe était en cours de « rectification » et que Washington était bien au courant de cette doctrine.

 

En juin déjà, Vladimir Poutine avait évoqué des modifications possibles de la doctrine nucléaire, expliquant que des adversaires potentiels abaissaient le seuil d’utilisation des armes nucléaires. Il avait également mentionné que la Russie continuait de développer sa triade nucléaire en tant que garante de la dissuasion stratégique et de l’équilibre des forces dans le monde.

 

L’une des raisons de cette réflexion pourrait être la livraison d’avions F-16 en soutien à l’armée ukrainienne. En mai, le ministère russe des Affaires étrangères avait indiqué que la Russie considérait les F-16 en Ukraine comme des vecteurs potentiels d’armes nucléaires, ces avions étant capables d’embarquer des équipements à double usage.

 

Dans la doctrine de 2020, l’article 19 concernant les conditions d’utilisation des armes nucléaires par la Russie ne spécifiait pas la portée des missiles lancés en direction de la Russie ni leur charge utile, mais se limitait à mentionner les missiles balistiques.

 

Les experts suggèrent que la révision pourrait inclure la suppression de cette limitation. Il pourrait ainsi être question de tout missile (balistique, de croisière ou hypersonique), de n’importe quelle portée et origine (terrestre, aérienne ou maritime), lancé en direction de la Russie.

 

La doctrine nucléaire pourrait donc être révisée pour abaisser le seuil d’utilisation des armes nucléaires, soit pour clarifier les conditions d’utilisation des armes nucléaires tactiques et stratégiques.

 

La doctrine actuelle est dissuasive, l’usage des armes nucléaires n’étant envisagé qu’en réponse à une agression.

 

Les ajustements à la doctrine pourraient également concerner le nombre autorisé de vecteurs d’armes nucléaires et les méthodes de leur utilisation. La Russie pourrait-elle envisager des essais nucléaires pour montrer à ses adversaires qu’elle ne plaisante pas? Toutes ces questions, y compris celles liées à l’extension des capacités nucléaires vers l’Arctique ou l’espace, seraient intégrées dans les Fondements, selon les experts.

 

Les analystes conviennent également que la Russie et les États-Unis sont actuellement en train de monter sur l’échelle de l’escalade, comprenant 44 niveaux, théorisée en 1965 par l’analyste nucléaire Herman Kahn pour justifier la faisabilité de guerres nucléaires de différentes intensités. « Nous sommes actuellement au niveau 13, où se profile la menace d’utilisation d’armes nucléaires tactiques à échelle limitée. Le niveau 44 représente l’anéantissement total l’un de l’autre », expliquent les experts.

 

En outre, la révision de la doctrine est également liée aux nouveaux risques posés par les missiles de portée intermédiaire (FNI). Le traité FNI a pris fin après le retrait des États-Unis, et ces derniers commencent à déployer des missiles à moyenne intermédiaire en Europe, notamment des missiles polyvalents SM-6 et Tomahawk, qui peuvent embarquer des ogives nucléaires.

 

La doctrine pourrait également inclure un volet visant à réduire l’écart en matière de défense antimissile?

 

Les États-Unis ont rapproché de la Russie leurs systèmes terrestres et maritimes Aegis Ashore, le déploiement de missiles d’interception d’une portée de 2.500 km limitant ainsi considérablement les capacités russes. Il est donc possible que la Russie réinstalle des radars et des intercepteurs en Amérique latine.

 

L’escalade entre la Russie et les États-Unis pourrait mener à une répétition de l’opération soviétique Anadyr de 1962, consistant à déployer secrètement des armes nucléaires à Cuba. La question qui se pose est de savoir quel pays jouera le rôle de Cuba.

 

Cependant, il reste encore suffisamment de marge de manœuvre entre la Russie et les États-Unis avant d’atteindre le seuil nucléaire, et les deux pays en sont conscients.

L’information obtenue à partir de sources ouvertes

Source: Observateur Continental

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