Interview exclusive du Ministre de la Décentralisation, Mathias Otounga Ossibadjouo.

Jamais un Ministre de la République en exercice ne s’était à ce point confié sur la décentralisation. Pour « 7 Jours Info », le Ministre de la décentralisation Mathias Otounga Ossibadjouo explique en détail sa vision de la décentralisation au Gabon dans une interview exclusive accordée tout dernièrement à l’équipe de 7joursinfo.

7 Jours Info : Quelles sont les raisons de la mise en place de la décentralisation ?

Mathias Otounga Ossibadjouo : La décentralisation est un mode de gestion de l’administration. Les administrations ont hérité de l’organisation de l’administration coloniale française, qui est une administration essentiellement jacobine, centralisée, où tout doit partir de la capitale, tout doit partir du sommet. Et donc autoritaire.

En 1990, nous avons ré adopté le multipartisme, donc il fallait démocratiser le pays y compris dans les modes de gestion administrative. Et c’est comme ça que la conférence nationale, déjà, a adopté le passage du centralisme à la décentralisation, mais aussi un peu la déconcentration. La décentralisation, c’est donner plus de pouvoir aux entités territoriales délocalisées. Alors que la déconcentration, c’est donner plus de pouvoir aux représentants de l’Etat que sont les Préfets et les Gouverneurs, mais qui restent sous l’autorité administrative centralisée.

Ensuite, à l’issue de l’élection présidentielle de 1993, nous savons qu’il y a eu des remous qui ont entraîné la classe politique à se retrouver à Paris pour repenser le pays. Et cette grand-messe que nous appelons maintenant les Accords de Paris a aussi et surtout davantage creuser vers la décentralisation.

Donc quand on revient de Paris, il faut maintenant appliquer les Accords de Paris, c’est comme cela qu’en 1996 a été adoptée la première loi organique sur la décentralisation. Cette loi était avant-gardiste, très détaillée, qui poussait même jusqu’à faire du village une commune rurale. Mais à l’examen, on s’est rendu compte que cette loi était difficile à faire appliquer parce que si le village devient une commune rurale, ça va nous faire combien de commune au Gabon ? Et donc, une commune suppose un certain nombre de services administratifs, des techniciens qui y sont affectés, des moyens qui y sont affectés. Or, au stade où nous en sommes, nous avons une insuffisance en infirmiers, une insuffisance en enseignants etc. Il s’est avéré que cette loi est allée plus vite que la musique, c’est pour cela que cette loi a été reprise par une autre loi organique en juin 2015. Cette nouvelle loi organique recentre les choses sur la commune et les départements. Mais rien n’a été fait.

Aussi, le Président de la République a convoqué tous les gouverneurs de province où il a décidé de lancer un Fonds d’initiative départementale. C’était pour accélérer la décentralisation. Vous savez, la décentralisation consiste un peu à dépouiller les services centraux pour donner davantage de pouvoir. Et donc, les services centraux qui sont très puissants ont toujours bloqué. En clair, la décentralisation c’est la démocratisation des services, puisque qui dit décentralisation dit élection des présidents des collectivités locales c’est-à-dire le président du conseil municipal qu’est le Maire, le président du conseil départemental. Et qui dit élection à ce niveau-là dit démocratisation, et d’ailleurs, introduit-même une dose de proportionnelle.

La décentralisation est un processus permanent parce que c’est au fil de l’évolution que l’on adapte les choses, elle accompagne l’Etat. En fonction du degré de développement de l’Etat, on réorganise la manière dont les citoyens vont être dirigés et administrés.

7 Jours Info : Pourquoi la loi 15/96 du 6 juin 1996 relative à la décentralisation qui opère une distinction entre commune urbaine et commune rurale accuse un retard ?

Mathias Otounga Ossibadjouo : Elle n’accuse pas un retard, elle a été simplement abrogée et remplacée par la loi de 2015. J’en ai donné les raisons un peu plus haut.

De plus, connaissant la manière dont nous gérons les fonds publics on allait multiplier par 100, par 1000 le nombre des détourneurs. Donc, l’un dans l’autre on a estimé que le pays n’était pas encore capable de décentraliser à ce niveau-là. La nouvelle loi a ramené les choses au niveau de la commune et au niveau du conseil départemental, de sorte que c’est le président du conseil départemental qui gère les villages et c’est le président du conseil municipal qu’est le Maire qui gère les quartiers.

7 Jours Info : Comment cette décentralisation aura-t-elle une incidence à court, moyen, long terme sur l’économie et par là, sur le quotidien des Gabonais ?

Mathias Otounga Ossibadjouo : Comme je l’ai dit, la décentralisation consiste à donner davantage de pouvoir aux communes et aux conseils départementaux. Mais aujourd’hui depuis qu’on a des communes, la Mairie se limite au Maire, ses adjoints, le secrétaire général et les secrétaires. Or, une vraie décentralisation suppose que le Maire a un domaine de compétence propre, des compétences parfois en matière d’enseignement, d’urbanisme… En fait, quasiment tous les services qui sont au plan central sont susceptibles d’être délocalisés en dehors de la diplomatie et de la défense nationale. Le Maire va avoir un service qui gère par exemple l’enseignement maternel, un service qui gère par exemple les réseaux routiers communaux, un service qui gère par exemple les hôpitaux communaux etc. Une fois que le transfert est fait de la sorte, les territoires sont mieux gérés. Parce qu’en fait, le développement économique du pays s’apprécie au travers du produit intérieur brut, et quand il s’accroît d’année en année on parle du taux de croissance. Mais quand on regarde notre pays, on voit qu’il est tiré par trois ou quatre territoires: l’Estuaire, l’Ogooué-Maritime, le Haut-Ogooué, la Ngounié. On a l’impression que tous les autres sont des points d’inertie, alors que quand on va dans chaque province on remarque qu’elles ont des atouts pour participer effectivement à la formation du produit intérieur brut. Nous savons par exemple que dans l’Ogooué Ivindo il y a le fer, mais il n’y a pas que ça. Nous savons qu’on peut trouver du diamant du côté de Mitzic par exemple. Donc, chaque province, chaque territoire, ici en décentralisation nous allons parler de territoires, les territoires c’est la Mairie, la région avec le conseil départemental. Chaque territoire peut développer une activité qui va participer à l’évolution économique générale. Si demain on décide que désormais chaque département sera doté d’un service par exemple de génie civil, alors les routes départementales seront mieux entretenues, et donc la production agricole qui s’effectue à l’intérieur du pays pourra mieux atteindre la capitale, nous allons moins dépendre du Cameroun, nous allons moins sortir notre argent, et sur cet aspect agricole par exemple nous allons avoir un meilleur développement, et on peut multiplier les exemples comme ça. C’est en cela que transférer les compétences au niveau des collectivités locales permet à ces collectivités de devenir un peu plus actives au plan économique et accroître le produit intérieur brut général.

7 Jours Info : Cela voudrait dire par là aussi que les Maires et les présidents des assemblées au niveau de l’arrière-pays devraient redoubler d’efforts pour mettre des mécanismes à même de renflouer les caisses de l’Etat ?

Mathias Otounga Ossibadjouo : Moi, je dirais que c’est mettre la charrue avant les bœufs. Il faut savoir que la gestion des territoires se fait à travers des listes, le président est le président du conseil mais c’est un instrument collégial, c’est le conseil qui gère, le président, ses adjoints et les conseillers. Et aujourd’hui, dans les villages, les conseillers départementaux participent au développement des localités, le président n’a que lui, son secrétaire général et son secrétariat. Les budgets sont ce qu’ils sont, quel est le miracle qu’on peut leur demander ? Pour qu’ils puissent être actifs économiquement et administrativement, il faut que l’Etat ait décidé de transférer les compétences notamment la capacité juridique de gérer un territoire donc la compétence domaniale, les hommes qui doivent exécuter ces compétences et les moyens financiers qui servent à assurer ces compétences-là, c’est ce que dit la loi. Une fois qu’on a transféré ces compétences on peut leur demander des résultats.

7 Jours Info : L’Etat considère déjà la décentralisation comme le futur moteur de la croissance. Cet espoir est-il réaliste ?

Mathias Otounga Ossibadjouo : Je l’ai dit, en matière d’agriculture, si les routes sont mieux entretenues, si l’Etat transfère les compétences en matière d’encadrement agricole, si les agriculteurs sont mieux encadrés on aura une meilleure production agricole et à ce moment on pourra faire de l’exportation et de la transformation, et donc créer de l’emploi, c’est l’un des exemples palpables. Oui, si la décentralisation est réellement appliquée, normalement la décentralisation c’est un élément qui permet la relance économique.

7 Jours Info : Faites-vous référence au groupe Singapourien Olam qui fait des efforts avec le projet Graine, les produits caoutchoucs et autres ?

Mathias Otounga Ossibadjouo : Mon rôle à moi, c’est de transférer des compétences au niveau de la Mairie, au niveau du conseil départemental. Maintenant, s’ils veulent aller commercer avec Olam c’est de leur compétence, si le Ministère de l’Agriculture traite avec Olam c’est sa compétence. Mais moi comme Ministre de la Décentralisation, ma compétence se limite à faire en sorte que l’Etat transfère les services dans les conseils municipaux et départementaux, transfère les hommes qui vont animés ses services, transfère les moyens qui vont supporter le fonctionnement de ces services.

7 Jours Info : Comment expliquez-vous que les prestations devant être fournies à la population par les collectivités locales en lieu et place de l’Etat ne sont pas connues ? Pourquoi le transfert des ressources ne se justifie pas et n’a pas été opéré de manière significative ?

Mathias Otounga Ossibadjouo : Jusqu’à présent rien n’est transféré, c’est-à-dire que les compétences qui sont pour l’instant dévolues aux Mairies et aux conseils départementaux, c’est vraiment le service minimum. Ces collectivités locales se plaignent de ce que le budget ne leur sert qu’à payer la main-d’œuvre. Donc, ils n’ont pas les moyens d’investir, d’assurer les services qu’ils devraient assurer aux populations, et d’ailleurs ils n’ont pas leur seul service puisque ce n’est pas encore clairement identifié. C’est pour ça que nous avons fait préparer, adopté et même promulgué déjà une loi sur le transfert des compétences. C’est cette loi-là qui va permettre que désormais le Maire, le président du conseil puissent apporter aux populations les services qu’elles attendent. Et cette loi permet le financement des investissements à travers la création d’un Fonds de péréquation des collectivités locales, qui sera le fonds vers lequel les collectivités vont s’adresser quand elles ont des besoins d’investissement.

7 Jours Info : Nous savons que la décentralisation au Gabon est un produit des Accords de Paris conclus en 1994 pour régler la crise politique née des difficultés de mise en œuvre des réformes institutionnelles recommandées par la Conférence nationale en 1990. Mais sait-on que la décentralisation implique un partage du pouvoir ?

Mathias Otounga Ossibadjouo : C’est déjà le cas. Mais attention, la décentralisation n’implique pas un partage du pouvoir systématique entre la majorité et l’opposition. La décentralisation suppose un partage du pouvoir entre le pouvoir central et les pouvoirs locaux. Et les pouvoirs locaux sont l’émanation de la démocratie, c’est-à-dire qu’il y a une élection locale où les partis politiques vont compétir et le parti le mieux représenté localement gagne. Et par le biais de la proportionnelle, on peut en fonction des résultats arrivés à un partage effectif du pouvoir. Mais le partage effectif tel que nous l’entendons est aux mains des citoyens. Mais effectivement, la décentralisation c’est d’abord le partage du pouvoir entre l’autorité centrale et les collectivités locales, ensuite au sein des collectivités locales en fonction du dynamisme de la démocratie, le partage du pouvoir entre la majorité et l’opposition, et cela dépend de comment chacun s’exprime sur le terrain politique.

7 Jours Info : Les administrés ont du mal à s’identifier aux entités décentralisées créées, pourtant la loi relative à la décentralisation prévoit des mécanismes à cet effet. Pourquoi la participation de la population à la gestion des affaires locales reste faible ?

Mathias Otounga Ossibadjouo : Le processus n’a pas encore totalement abouti, mais on peut dire déjà à ce niveau que la population participe puisque c’est la population qui met en place les exécutifs locaux, les Maires, les présidents de conseil. Donc, on peut dire que la population participe. Maintenant quand les Maires et les présidents seront suffisamment outillés pour certains projets, ils seront obligés de lancer des mini référendums pour consulter les populations sur un certain nombre de choses. Mais je pense que la décentralisation chez nous est encore à ses balbutiements, il faut attendre que soient mis en place les structures, les organes prévus. Il faut savoir que pour transférer les compétences il y a des organes. Le premier organe est un organe qui fonctionne sur le plan provincial, au sein de chaque province il y aura une commission provinciale de la décentralisation, c’est au sein de cette commission provinciale que les services provinciaux vont se réunir, proposer des choses à transférer et autres. Et les différentes commissions provinciales renvoient les dossiers au Ministère de la décentralisation, la loi prévoit au niveau du Ministère un comité technique qui est présidé par le Ministre de la décentralisation, ce comité technique regroupe des Directeurs généraux des différents Ministères qui sont intéressés par les affaires à transférer. Et ce comité prépare les dossiers pour une grande commission nationale, la commission nationale présidée par le Premier ministre c’est l’instance qui prépare les décrets, les arrêtés, pour constater le transfert des compétences. Donc, il y a déjà un travail à la base au niveau de la province qui renvoie les éléments au niveau du Ministère, le Ministère centralise tout ce qui vient des différentes provinces et soumet à la commission nationale qui prend les décisions de transfert. On peut donc dire que tout le monde est plus ou moins impliqué.

7 Jours Info : Quelles sont les facilités d’applications du mode de financement et des ressources des collectivités locales ?

Mathias Otounga Ossibadjouo : Pour l’instant le mode de financement est simple, il y a une subvention de l’Etat et puis il y a des ressources propres de la collectivité locale. Compte tenu de ce que l’on vient de développer, les ressources propres il n’y en a presque pas, donc les fonds que l’Etat envoie, la subvention se résume essentiellement à être utilisé pour payer la main-d’œuvre et les salaires des présidents et des exécutifs. Dans la loi sur le transfert des compétences, la loi prévoit que lorsqu’on transfère des compétences on transfère aussi des ressources humaines mais aussi des ressources financières, et la loi identifie le fonds de péréquation des collectivités locales comme étant la structure qui va apporter les ressources financières aux collectivités locales. Pour l’instant, nous sommes en train de réfléchir à l’organisation et la mise en place de cette structure-là. Pour le moment, ce qu’ils ont est marginal.

7 Jours Info : Travaillez-vous de manière transversale avec les autres Ministres pour que dans chaque province il y ait une facilité aux investisseurs et aux bailleurs de fonds étrangers de s’installer pour développer certaines activités ?

Mathias Otounga Ossibadjouo : Mais avant d’arriver à ce stade, il faut d’abord définir le cadre. C’est ce que nous sommes en train de faire. Pour l’instant, il y a des hommes d’affaires qui viennent et qui vont à l’intérieur du pays, mais ils traitent essentiellement avec la structure centrale ici, parce que le président du conseil départemental et le Maire n’ont pas encore beaucoup de pouvoir. C’est quand on aura réalisé ce transfert de compétences qu’un Maire pourra recevoir directement un opérateur et parler affaires. A terme, oui. Mais tout le travail que nous faisons on le fait de manière transversale. En fait, on est un peu en contact avec tout le monde, quand il s’agit des questions financières nous en parlons avec les Ministres financiers, quand il s’agit des questions techniques nous discutons avec les Ministres techniques, c’est pour ça que le comité technique que nous on préside est composé des Directeurs généraux qui viennent des différents Ministères et que la commission nationale que préside le Premier ministre est composé des Ministres des différents secteurs.

7 Jours Info : Cette loi sur la décentralisation pourra freiner l’exode rural et lutter contre la pauvreté une fois appliquée?

Mathias Otounga Ossibadjouo : Mais c’est justement le but. Pourquoi il y a l’exode rural ? Parce que les gens quittent nos villages qui sont appauvris pour chercher du travail à Libreville, à Port-Gentil. D’ailleurs, Libreville aujourd’hui abrite pratiquement l’ensemble de la population du pays, mais il y a aussi du monde à Port-Gentil, à Moanda, là où il y a des industries, même Mouila est devenue aujourd’hui une grande ville à cause d’Olam. Plus on va amener de l’activité à l’intérieur du pays plus les gens vont rester dans les villages, et plus le développement sera plus harmonieux.

7 Jours Info : Faites-nous l’état des lieux de l’aide sollicité par vous, Monsieur le Ministre de la Décentralisation, au Représentant résident du PNUD au Gabon en Novembre 2019, sur la mise en œuvre de la décentralisation au Gabon et les perspectives ?

Mathias Otounga Ossibadjouo : C’est un partenaire au développement, qui vient nous aider à affiner notre réflexion. Donc, il ne faut pas attendre de ces audiences quelque chose de pratique, de concret, de physique. A cette époque, je venais à peine d’être nommé, le Ministère n’avait pas encore de textes organiques. Il fallait s’entourer de toutes les sagesses techniques pour fixer le cap, et au sortir de là, nous avons conçu un texte, le Ministère sait désormais ce qu’il doit faire pour transférer les services mais aussi pour amener un développement plus cohérent pour essayer de corriger les écarts de développement que l’on vit en ce moment. Et tout ceci va se traduire par une série de textes qui vont au fil de leurs applications corriger le système. Ensuite, nous avons parlé des plans de développement locaux. Pour nous, il faut que chaque Mairie, chaque conseil départemental soit doté d’un plan de développement, que le Maire sache que moi dans ma ville voici ce que l’on veut faire dans un an, dans dix ans, dans trente ans. Voici ce que l’on constate, justement comme c’est la démocratie un Maire est élu sur un programme, cinq ans après on procède à des élections, un autre Maire vient avec un autre programme, et on n’a pas encore réalisé ce qui a été décidé et il vient changer, alors que le plan de développement local va indiquer les axes. Même si un Maire conçoit un programme de campagne, il ira regarder dans le plan de développement, de sorte que mandat après mandat on puisse combler les vides que l’on constate. Maintenant, il nous faut mettre en place une administration qui va gérer ça. Mais le Ministère pour l’instant essentiellement c’est le Ministre, les conseillers, c’est deux Directions générales qui sont complètement larguées dont l’une s’appelait Direction Générale de l’aménagement du territoire, et l’autre Direction générale de l’appui à l’action locale, aux collectivités locales.

7 Jours Info : Depuis la création du Ministère et depuis l’instauration de la décentralisation, les institutions décentralisées ont-elles exercé efficacement leurs rôles dans la gouvernance économique pour orienter les politiques publiques ?

Mathias Otounga Ossibadjouo : Pour l’instant, les entités qui existent sont les entités administratives qui délivrent des actes de naissance, elles autorisent des enterrements. Mais concrètement, quelle est la Mairie qui peut dire que moi j’ai une activité économique ? Presque aucune, mais parce qu’elles ne peuvent pas. Notre travail c’est de préparer les armes, et au bout de deux ou trois ans on pourra les juger. Le rôle du Ministère de la décentralisation c’est de préparer les armes que l’Etat va donner aux collectivités locales pour devenir des petits géants.

Le Ministre de la décentralisation Mathias Otounga Ossibadjouo en pleine explication

7 Jours Info : Est-ce que le pouvoir central n’est pas finalement la cause de l’échec de la décentralisation ?

Mathias Otounga Ossibadjouo : J’allais répondre oui. Parce que voyez-vous, comme on l’a dit, la décentralisation ne commence même pas en 1990. Le premier Maire de Libreville a été élu en 1832. Le vrai problème, ce sont les politiques qui utilisent l’Administration pour fonctionner. Et l’Administration a un pouvoir propre qui dépasse même les politiques. Je suis toujours stupéfait de voir comment les populations s’en prennent au Président de la République. Entre le politique et le citoyen, il y a l’Administration. Le seul problème c’est que les gens n’ont plus peur, il suffit d’avoir un peu d’argent pour corrompre l’Administration. La différence c’est que sous le monopartisme les gens ne badinaient pas, il y avait des disparitions, mais sous la démocratie on est libre. On n’a mis la démocratie en avant, alors qu’on a encore des enjeux basiques. Tous les pays qui émergent ce sont les pays dictateurs, les pays qui construisent l’économie sont des pays autoritaristes. Nous, on a encore besoin de faire la route, de construire les écoles, de faire des forages pour faire boire les gens.

L’intérêt ce n’est pas qu’on revienne au monopartisme, l’intérêt c’est que nous comprenions la nécessité d’avoir un pouvoir fort. On peut tout dire, le nœud du problème c’est l’Administration. Mais l’Administration sous prétexte des aspects techniques, elle vous verrouille tout. Le plus grand frein à la décentralisation est l’Administration centrale.

7 Jours Info : Ne trouvez-vous pas qu’il y a un conflit de compétence entre l’ANUTTC et la Direction générale de l’aménagement du territoire ?

Mathias Otounga Ossibadjouo : Ce n’est pas la même chose. D’abord, il n’y a plus de Direction générale de l’aménagement du territoire, il y aura une autre Direction de ce type. L’ANUTTC gère les problèmes de cadastre et l’aménagement du territoire gère la planification du développement dans son ensemble. L’ANUTTC regarde simplement les problèmes de terrain, mais l’aménagement du territoire regarde les problèmes des routes, est-ce qu’on peut construire une école à tel endroit, est ce qu’on devrait apporter tel service à tel endroit, c’est vraiment la planification générale de l’espace territorial du pays. L’ANUTTC c’est la gestion domaniale du pays. Les deux sont complémentaires.

7 Jours Info : Monsieur le Ministre l’entretien tire à sa fin, avez-vous quelque chose à ajouter ?

Mathias Otounga Ossibadjouo : La décentralisation n’est pas en panne, mais on ne veut pas confondre vitesse et précipitation. Il y a un certain nombre d’avancées, la principale à mon avis c’est la loi sur le transfert des compétences qui a déjà été votée par le parlement et qui a déjà été promulguée par le Président de la République. Maintenant, notre travail consistera à prendre tous les textes qui vont être imposés par la mise en œuvre de cette loi. Je ne trahis pas un secret, au prochain Conseil des Ministres nous avons déjà un certain nombre de choses qui vont être décidées. Je pense qu’honnêtement on a pris le bon pied. Maintenant, les gens attendent de voir du concret.

Serge Kevin Biyoghe

Rédacteur en Chef, Journaliste-Ecrivain, Sociétaire de la SCAM (Société Civile des Auteurs Multimédias), membre de la SGDL (Société des Gens De Lettres), membre du SFCC (Syndicat Français de la Critique de Cinéma), membre de l'UDEG (Union Des Écrivains Gabonais).

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