« Il existe une différence fondamentale entre l’intellectuel et l’intelligent ». Par Gaston Bekale.

« L’intellectuel est souvent celui que l’on retrouve sur les plateaux, dissertant sur le passé, magnifiant des événements qu’il n’a jamais vécus, exposant un savoir qui impressionne mais ne transforme pas. Il contemple le monde avec distance, fasciné par ce qui fut.
L’intelligent, lui, n’est pas dans la contemplation mais dans l’action. Il comprend son époque, s’y adapte, anticipe les mutations. Il pense en mouvement, il investit, il façonne, il crée et transforme.
Car au fond, les intellectuels décrivent le monde, mais ce sont les intelligents qui le transforment.
L’un éclaire, l’autre construit. Et dans l’histoire, ce n’est pas toujours la lumière qui trace le chemin, mais bien ceux qui marchent avec lucidité. 
Mais encore, se revendiquer de l’intellectualisme, ce n’est pas simplement empiler des connaissances ou briller en citations. C’est une posture globale : dans le langage, dans l’attitude, dans la manière de se tenir face aux autres. 𝐋’𝐢𝐧𝐭𝐞𝐥𝐥𝐞𝐜𝐭𝐮𝐚𝐥𝐢𝐬𝐦𝐞 𝐧𝐞 𝐩𝐞𝐮𝐭 𝐩𝐚𝐬 𝐬𝐞 𝐩𝐞𝐫𝐦𝐞𝐭𝐭𝐫𝐞 𝐝𝐞 𝐬𝐨𝐦𝐛𝐫𝐞𝐫 𝐝𝐚𝐧𝐬 𝐥𝐚 𝐯𝐮𝐥𝐠𝐚𝐫𝐢𝐭𝐞́ 𝐨𝐮 𝐥’𝐢𝐫𝐫𝐞𝐬𝐩𝐞𝐜𝐭, 𝐬𝐮𝐫𝐭𝐨𝐮𝐭 𝐪𝐮𝐚𝐧𝐝 𝐢𝐥 𝐩𝐫𝐞́𝐭𝐞𝐧𝐝 𝐢𝐧𝐜𝐚𝐫𝐧𝐞𝐫 𝐮𝐧𝐞 𝐟𝐨𝐫𝐦𝐞 𝐝’𝐞́𝐥𝐞́𝐯𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐝𝐞 𝐥’𝐞𝐬𝐩𝐫𝐢𝐭.
Il observe depuis les hauteurs, mais il doit le faire avec grâce et exigence. Sinon, il n’est qu’un perroquet savant, pas un guide. 𝐋𝐚 𝐠𝐫𝐚𝐧𝐝𝐞𝐮𝐫 𝐢𝐧𝐭𝐞𝐥𝐥𝐞𝐜𝐭𝐮𝐞𝐥𝐥𝐞 𝐬𝐚𝐧𝐬 𝐥𝐚 𝐝𝐢𝐬𝐜𝐢𝐩𝐥𝐢𝐧𝐞 𝐝𝐮 𝐜œ𝐮𝐫 𝐞𝐭 𝐝𝐞 𝐥’𝐚̂𝐦𝐞, 𝐜’𝐞𝐬𝐭 𝐝𝐮 𝐯𝐞𝐫𝐧𝐢𝐬, 𝐩𝐚𝐬 𝐝𝐞 𝐥𝐚 𝐯𝐚𝐥𝐞𝐮𝐫.
Il n’y a aucune cohabitation possible entre l’intellectualisme et la vulgarité ou l’irrespect populaire. Soit c’est l’un, soit c’est l’autre.
𝐓𝐮 𝐧𝐞 𝐩𝐞𝐮𝐱 𝐩𝐚𝐬 𝐩𝐫𝐞́𝐭𝐞𝐧𝐝𝐫𝐞 𝐞́𝐥𝐞𝐯𝐞𝐫 𝐥𝐞𝐬 𝐞𝐬𝐩𝐫𝐢𝐭𝐬 𝐭𝐨𝐮𝐭 𝐞𝐧 𝐩𝐢𝐞́𝐭𝐢𝐧𝐚𝐧𝐭 𝐥𝐞𝐬 𝐯𝐚𝐥𝐞𝐮𝐫𝐬 𝐟𝐨𝐧𝐝𝐚𝐦𝐞𝐧𝐭𝐚𝐥𝐞𝐬 𝐝𝐮 𝐫𝐞𝐬𝐩𝐞𝐜𝐭. Tu ne peux pas te dire homme de pensée et parler comme un homme de rue.
Le langage révèle l’intention. Et quand les mots blessent, quand le ton méprise, ce n’est plus l’esprit qui s’exprime, c’est l’ego qui déborde. Il ne suffit pas de connaître. Il faut aussi savoir se tenir. La pensée n’est grande que lorsqu’elle s’accompagne de dignité.
On parle d’un retour aux sources, d’un attachement aux valeurs anciennes, d’un ancrage dans la tradition. 𝐌𝐚𝐢𝐬 𝐪𝐮’𝐞𝐧𝐬𝐞𝐢𝐠𝐧𝐞 𝐝𝐨𝐧𝐜 𝐥𝐚 𝐭𝐫𝐚𝐝𝐢𝐭𝐢𝐨𝐧, 𝐬𝐢𝐧𝐨𝐧 𝐥𝐞 𝐫𝐞𝐬𝐩𝐞𝐜𝐭 𝐝𝐞𝐬 𝐚𝐢̂𝐧𝐞́𝐬, 𝐥’𝐡𝐮𝐦𝐢𝐥𝐢𝐭𝐞́ 𝐝𝐞𝐯𝐚𝐧𝐭 𝐥’𝐞𝐱𝐩𝐞́𝐫𝐢𝐞𝐧𝐜𝐞, 𝐞𝐭 𝐥𝐚 𝐫𝐞𝐭𝐞𝐧𝐮𝐞 𝐝𝐚𝐧𝐬 𝐥𝐚 𝐩𝐚𝐫𝐨𝐥𝐞 ? Il est étrange de brandir les symboles du passé tout en piétinant ce qu’ils portaient de plus noble.
On ne peut pas invoquer les anciens pour légitimer son discours, tout en reniant l’éthique qui les habitait. La tradition ne se résume pas à des références culturelles ou à un folklore verbal.
C’est là le paradoxe : parler au nom de l’héritage, mais se comporter comme s’il n’avait rien hérité. Or, il n’y a pas de sagesse sans respect. Et il n’y a pas de grandeur dans la parole si celle-ci n’est pas soutenue par une âme droite ».
Gaston Bekale-Professeur de philosophie morale, Université de Tours.

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