Gabon/Le MNRG: La résistance et rien d’autre.

Le « Mouvement National de la Révolution Gabonaise » est apparu dans une situation de crise politique profonde en 1964. 

S’il faut donner une identité à ce mouvement, on dirait qu’il préconisait le socialisme démocratique et populaire empreint de christianisme. Les dirigeants se réclament même du « socialisme de villages » prôné dans les années 40 et 50 par Jean-Hilaire Aubame. Le MNRG est donc une « forme de renaissance de l’UDSG » ou « la branche armée » du parti de Jean-Hilaire Aubame dans un contexte de restrictions de libertés.

Après le coup d’Etat de 1964, le régime de Léon Mba s’offre la tête de Jean-Hilaire Aubame, son principal adversaire politique. La « chasse aux sorcières » qui s’ouvre est dirigée essentiellement contre les membres de l’UDSG dont certains vont essayer de résister au point de se présenter sous l’étiquette de leur parti, courant ainsi le risque d’être arrêtés et jetés en prison.

L’opposition est donc muselée. Et face à ce comportement nouveau dans un pays habitué au débat politique, depuis 1945, une partie de l’élite intellectuelle décide de prendre le maquis, convaincue que désormais la lutte doit être armée pour renverser un régime que « la Mère Patrie » a rétablit malgré l’impopularité dont il jouit.

C’est en tout cas la position de Germain Mba. Ce dernier est Secrétaire Général Adjoint de l’Union Africaine et Malgache. Après l’intervention de la France le 19 février 1964, alors que quelques mois plutôt celle-ci n’était pas venue en aide à l’abbé Fulbert Youlou du Congo ni à Sylvanus Olympio du Togo, Germain Mba Nguéma, 32 ans démissionne avec fracas de l’UAM. Déjà mal aimé de Léon Mba qui disait que « les gens issus de Sciences Po pensent qu’ils sont plus intelligents et plus malin que tout le monde », ce fils né à Abam’Ayong prend d’abord la plume et collabore à Jeune Afrique où il rédige, en tant que rédacteur en chef adjoint, des éditoriaux et des articles foncièrement anti-métropole. Mais cela ne suffit pas.

Il se rend à Alger et prend le nom d’Omar Ben Ali. A cette époque le pays d’Ahmed Ben Bella est la base –arrière de plusieurs rebellions dirigées contre la France et toute autre métropole coloniale.  C’est en 1964 qu’Omar Ben Ali fonde le MNRG. Il est le président du mouvement mais s’appuie sur d’autres gabonais pour donner de la puissance à la machine. A ses côtés, on retrouve Marc Saturnin Nnang Nguéma et Marc Mba Ndong. Le premier est délégué aux finances et le second délégué à l’organisation.

En 1965, la chute d’Ahmed Ben Bella provoque l’affaiblissement de nombreux mouvements de libération nationaux. Le MNRG connait alors quelques difficultés et choisi de trouver refuge à Accra, autre capitale symbole de la lutte contre la domination occidentale en Afrique. Germain Mba y reste quelques mois avant de s’installer définitivement à Brazzaville où l’idée de la révolution brille avec les Yombi Opango et Marien Ngouabi. Mais Brazzaville est aussi un choix qui montre la volonté, un an après sa naissance à Alger, du MNRG de lancer son action.

A Brazzaville, C’est Marc Saturnin Nnang Nguéma, qui se fait aussi appelé Marc Ndongou ou Louis Delord ou Obame Assoume, qui est la figure de proue du mouvement pendant que Germain Mba, déjà recherché par les services secrets français et toujours en quête de soutien, fréquente les leaders des mouvements de révolution qui pullulent en Afrique Noire. Marc Saturnin Nnang Nguéma est donc celui qui est en contact direct avec les autorités de Brazzaville, visiblement enclines à aider les Gabonais à se libérer.

Comme nous l’avons signalé, le MNRG ressemble bien plus à une branche armée de l’UDSG dont le leader a été arrêté et interné à Dom-Les-Bam puis jugé et condamné à 20 ans de prison dont dix ans de travaux forcés et 20 ans d’interdiction de séjour. La première action du MNRG va consister à libérer Jean-Hilaire Aubame dont les lieutenants ont été muselés.

Cette première action du MNRG échoue malheureusement parce que l’éclaireur désigné pour prendre des contacts sur place est arrêté. Un travail bien fait des services de renseignement français impliqués dans la neutralisation de leaders de mouvements de révolution et de leurs actions. Les assassinats de Ben Barka à Paris (celui-ci était chargé des relations entre le FLN algérien et les mouvements révolutionnaires d’Afrique), puis de Félix Moumié et de Ossendé Afana, en témoigne.

La deuxième action aurait du avoir lieu le 17 août 1966 mais elle avorta aussi. Celle-ci devait permettre de renverser Léon Mba.

Sans se décourager, le MNRG continue son chemin. La formation occupe une place particulière. Elle est confiée à un ancien combattant de la Deuxième Guerre Mondiale, Gaubert Obiang et à Pierre François Obiang Billié, un instituteur de l’enseignement catholique passé dans le maquis de l’UPC de Ruben Um Nyobet au Cameroun et dans les écoles de guerre de l’Europe de l’Est. Les deux hommes avaient d’ailleurs fondé un « Front National de la Révolution » en 1964 après que Gaubert Obiang se soit évadé de la résidence surveillée à laquelle il avait été assigné par la « Justice de Léon Mba ».

En 1966, le MNRG qui a « avalé » le contingent du Front National de Révolution compte une centaine d’hommes. Mais les « réservistes » sont alors estimés à environ 150 hommes. Il s’agit de gabonais installés notamment au Cameroun, en RCA ou au Congo. Il faut citer aussi des Gabonais de l’école militaire Général Leclerc de Brazzaville et enfin de « maquisards » non gabonais convaincus par l’idée de soutenir les révolutions partout en Afrique. Les Gabonais du MNRG installés à Brazzaville ont d’ailleurs fait preuve de solidarité à l’endroit du peuple du Cameroun. Ils ont soutenu en 1966 une éopration d’envergure dans le Nord-Est du Cameroun. C’est d’ailleurs au cours de celle-ci qu’Ossendé Afana fut tué. Près de 25 gabonais furent de la partie et enregistrèrent un blessé.

En 1966, le MNRG décide de rentrer au Gabon pour faire « le travail ». Deux stratégies étaient sur la table. La première propose que la rebellion parte de la frontière avec le Congo et qu’elle soit massive, c’est – à- dire que tous les hommes que comptaient le MNRG (les réservistes y compris) doivent partir groupé vers le Gabon avec le soutien des maquisards camerounais, congolais ou centraficains. La deuxième stratégie propose de créer à l’intérieur du pays des maquis. Dans les régions traditionnellement opposées à Léon Mba comme le Woleu-Ntem, la Nyanga, l’Ogooué-Ivindo et le Haut-Ogooué. Au finish, c’est la deuxième, défendue par Obiang Bilié et Marc Mba Ndong, qui est choisie mettant en minorité Obiang Gaubert qui défend la première. Mais la même année, Obiang Bilié est arrêté à Moanda où il s’est infilté pour créer le premier maquis. La faute à une absence sur le territoire gabonais d’un réseau du MNRG qui aurait permis de mieux cordonner les activités programmées.

La fin de l’année 1966 se confond avec la fin programmée du règne de Léon Mba. Le président est fatigué et la France semble reprendre la main. Le MNRG a perdu du temps et la révolution semble désormais passée. Les hommes se démobilisent alors.

En 1967, Léon Mba meurt. Albert Bernard Bongo lui succède. Ce dernier crée le PDG et réussit à adjoindre à lui les plus virulents opposants à Léon Mba, notamment les jeunes cadres tels que Eloi Chambrier, Emile Kassa Mapssi ou encore Pierre Eyéghet qui étaient tous enfermés après l’affaire du coup d’Etat de 1964. Suite à de longues négociations Omar Ben Ali, Germain Mba, revient au Gabon. Il accepte de travailler avec le parti unique qui semble faire l’unanimité. Il est alors nommé conseiller économique à l’ambassade près la République Fédérale d’Allemagne (à Bonn) avant d’être envoyé comme ambassadeur à Tokyo. En 1971, les élections présidentielles s’approchent et Albert Bernard Bongo s’emploie à asseoir son régime. Germain Mba ne cache pas dans des conversations privées ses ambitions. A 39 ans, cet intellectuel que l’Afrique envie au Gabon veut être président. Mais dans la nuit du 16 au 17 septembre, Germain Mba est abattu et son corps emporté devant sa femme (sa seconde épouse) et sa fille. Le corps n’a jamais été retrouvé.

Après la mort de Germain Mba, ses frères d’armes se rangent. Et choisissent de combattre le système de l’intérieur. Marc Mba Ndong devient ministre dans les gouvernements de Léon Mebiame. Marc Saturnin Nnang Nguéma occupe les fonctions de SG de l’OPEP.

L’âme du MNRG a survécu à Germain Mba. Marc Saturnin Nnang Nguéma l’a longtemps défendu notamment pendant les événements de 1990-1993 à Port-Gentil.

Personnalités du MNRG : Germain Mba Nguéma (Président), Marc Saturnin Nnang Nguéma (Délégué aux finances), Marc Mba Ndong (délégué à l’organisation), Gaubert Obiang (chef des opérations), Roger Nénet, Pierre-François Obiang Bilié (Instructeur), Jérôme Meyoghe (conseiller politique et chargé de mission du MNRG), Grégoire Aboghé, César Nguéma Mvié.

Notes d’Histoire du Gabon

Paul Essonne

Journaliste

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