Gabon/Communication : La financiarisation des médias gabonais par la présidence de la République ou le signe d’un secteur en crise.

Le paysage médiatique gabonais a été profondément remodelé ces derniers temps avec le financement des médias par la présidence gabonaise sur fonds publics. Bien que ce phénomène de concentration ne soit pas nouveau, son accélération fulgurante en a surpris plus d’un. Cette main mise du Palais du bord de mer sur les sociétés de presse traduit la crise d’un système traditionnel qui soulève bon nombre de questions. Dès lors, quel nouveau business model pour les médias ? Quelle est l’impact de ces rachats sur l’indépendance et l’éthique de journaux devenus des marques fortes? Où en est le pluralisme de l’information désormais?

On assiste actuellement à un phénomène de concentration si bien qu’aujourd’hui, il englobe à la fois télévision, presse écrite et radio. La presse est ainsi devenue un bien marchandisable, mais comment la presse gabonaise en est-elle arrivée là ? Certains s’attachent à l’argument de la survie. La survie oui, mais à quel prix ? Quelle marge de manœuvre reste t’il réellement aux rédactions? Cette emprise financière de la présidence de la République sur les médias n’est peut-être pas nouvelle mais son aspect décomplexé pour le coup, l’est. Car le pluralisme de l’information est plus qu’une nécessité, c’est un droit fondamental. La raison d’être des médias d’information est de fournir une grille de lecture à travers laquelle le citoyen déchiffre les événements et construit sa représentation du monde. Si la neutralité de l’information ne peut être toujours garantie, chaque rédaction ayant ses sensibilités idéologiques, la possibilité d’avoir accès à des contenus différemment engagés est un impératif.

Aussi, l’ancien porte-parole de la présidence de la République Ike Ngouoni, lors de son procès en juillet dernier, dénonçait ainsi qu’aujourd’hui dans la presse, celui qui paye décide à l’exemple de la radio Urban FM 104.5 d’Edmond Didier Ndoutoumou Medzo alias Dafreshman, de la radio Street FM 103 de Max-Samuel Oboumadjogo dit Massassi l’actuel ministre délégué à la Culture et ancien rappeur, de Focus Groupe Media d’Hercule Nze Soula qui ont perçu des millions de francs CFA. Evidemment, de nombreux journaux différents comme La Libreville et La Republique continuent d’exister. Cependant, véhiculent-ils des opinions plurielles ? Peut-on encore parler de pluralisme ou doit-on parler de pluralité ? On pourrait considérer cette promesse d’indépendance financière davantage comme un carcan que comme une libération. Les rédactions doivent désormais jongler entre leur sensibilité éditoriale et la nécessité de ne pas froisser leurs patrons. Les maisons de presse sont-elles en passe de devenir les garantes des intérêts de ces derniers?

Et si l’enjeu n’était pas purement économique mais surtout politique ? La présidence de la République s’offre de véritables relais d’opinion et d’influence.  Faire passer des idées servant les intérêts du pouvoir en place sous l’apparence d’information, traduit bel et bien l’intérêt de la présidence de la République à continuer d’alimenter la confusion des genres. Car le vrai combat aujourd’hui, c’est celui de l’influence. Dès lors, existent-ils des moyens pour contrer cette dérive ?

Serge Kevin Biyoghe

Rédacteur en Chef, Journaliste-Ecrivain, Sociétaire de la SCAM (Société Civile des Auteurs Multimédias), membre de la SGDL (Société des Gens De Lettres), membre du SFCC (Syndicat Français de la Critique de Cinéma), membre de l'UDEG (Union Des Écrivains Gabonais).

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