Le discours à la Nation du Président de la République Ali Bongo Ondimba a ceci de singulier qu’il parle d’un futur qu’en vérité, les Gabonais ne connaissent pas, dont ils savent pourtant avec certitude qu’ils devront l’affronter, avec leurs forces et leurs faiblesses.
Alors que depuis 2016, le Président de la République présente un bilan contrasté avec la mis en œuvre d’un peu moins de la moitié de ses engagements, que nous réserve 2023 ? Dans les responsabilités qui sont les siennes, a-t-il perdu de vue cet impératif d’unité de la nation que les Gabonais forment tous ensemble ? Les populations ne doivent pas céder à l’esprit de division qui les presse de toute part, elles n’auraient à peu près aucune chance de s’en sortir, dans un pays si rude, dans des temps si durs. Ainsi, il est de la responsabilité de l’Etat d’atténuer la hausse des prix, de sauvegarder les entreprises, de protéger particulièrement les revenus des plus modestes, de soutenir la croissance, de contenir l’inflation à des niveaux inférieurs à ceux des pays voisins, et de porter le chômage à son plus bas niveau.
Comment délivrer un message d’optimisme alors que le Président de la République est lui-même complètement dans le flou ? Il y a de quoi être dubitatif sur l’effet potentiel de ces vœux. Prôner « faire preuve de maturité́ et de responsabilité́ » est une chose. Être en mesure de gouverner en est une autre. Le discours du Président de la République est moins dans les annonces ou mesures décidées que dans la volonté de retisser le lien déchiré avec les Gabonais. Ali Bongo Ondimba dépeint les qualités et les défauts des populations, pour mieux se montrer à l’écoute de leurs maux et jouer la proximité et l’empathie, deux qualités dont les Gabonais ne le créditent pas facilement.
En politique, plus encore qu’ailleurs dans la vie sociale, les mots sont des actes. La crise dont Ali Bongo Ondimba cherche à s’extraire n’est, en effet, pas seulement limitée à la crise post-électorale de 2016. Cette dernière n’est que la partie la plus visible, la plus spectaculaire et la plus douloureuse. Mais la crise que le Président de la République tente par tous les moyens de faire rentrer dans le rang, à défaut de pouvoir totalement la maîtriser, est une crise plus profonde. Elle trouve son origine en 2009 entre le décès de Feu Omar Bongo Ondimba et l’accession de son fils Ali Bongo Ondimba au fauteuil présidentiel.
Force est de reconnaître qu’un gouffre d’incompréhensions s’est creusé entre l’actuel Chef de l’Etat et une partie importante des Gabonais. Car le sentiment d’un Gabon bloqué, où le destin social est joué d’avance, domine très largement dans l’opinion. On peut prédire que la mise en œuvre des mesures et leurs contours plus précis à venir vont créer des tensions et des conflits d’interprétations également.