Professeur NZANG NYANGONE,
Je viens de lire ton message et je dois te dire combien je partage ton propos. Je partage la même peine et la même détresse que toi. Je suis en colère. Je suis aussi extrêmement malheureux.
Ce qui s’est passé vendredi est inacceptable. Je n’ai pas voulu donner mon avis sur l’instant, de peur qu’on ne me soupçonne de repli identitaire, au regard de mon appartenance ethno culturelle identique à celle de Jean Félicien.
En effet, comme tout le monde le sait, je suis Musaangu, tout comme l’était notre regretté collègue Jean Félicien BOUSSOUGOU. Dans notre communauté des Bantu-Masaangu, « El Commandante Feliciano » était mon fils. J’appartiens au clan SIMA, le même clan que son père biologique. Je suis donc son père et j’ai perdu mon fils. Nous les SIMA, avons perdu notre fils.
Pour éviter le sarcasme de celles et ceux des collègues qui ne savent pas se taire lorsqu’ils n’ont rien à dire, et pensent donc faire la leçon aux autres, je me suis abstenu d’exprimer ma colère.
L’autre raison pour laquelle je n’ai pas voulu en dire plus, c’est le fait de mon lien affectif, que tout le monde sait, avec Mesmin Noël Soumaho, le Recteur de l’UOB. Mesmin Noël Soumaho est quelqu’un que je porte dans mon cœur. Il est un grand frère que j’aime beaucoup, que je respecte et à qui je dois beaucoup. C’est pour ces deux raisons que je n’ai pas voulu exprimer ma colère.
Mais continuer de se taire devant une telle injure pour notre corps, en espérant bien sûr qu’il existe encore un corps des enseignants-chercheurs à l’UOB, c’est être complice de cette double mort de notre regretté collègue.
Oui, ce qui s’est passé à l’université est inacceptable.
Oui, ce qui s’est passé à l’université est l’illustration, une illustration de trop, de la descente aux enfers de l’université Omar Bongo.
Comment comprendre et comment accepter que la dépouille d’un collègue arrive sur le campus pour un supposé hommage, et que l’université ne soit même pas en capacité de louer une chapelle ardente pour y déposer son cercueil, de telle sorte que les collègues et les étudiants le saluent une dernière fois et l’Université qu’il a servi plus de 25 ans lui rende l’hommage qu’il méritait.
Au lieu de cela, on a assisté à quelque chose d’absolument surréaliste. Le corbillard est arrivé. Il a tourné. Il s’est garé et des collègues ont ouvert les deux portes arrière. Alors, le Recteur a pris la gerbe de fleurs, qu’il a déposée au dessus du cercueil dans le corbillard. Et puis le corbillard a démarré après quelques minutes de silence. Il a repris sa route en direction du portail de l’UOB, sous le champ des étudiants du département d’études ibériques, encadrés par au moins un de leurs enseignants. Terrible, choquant, consternant.
C’est cela, l’hommage que doit dorénavant rendre notre Université à tout/toute collègue qui décédera ?
Ce sera désormais comme cela que les choses vont se faire ?
Le Recteur, en sa qualité de premier responsable de notre Institution devrait avoir honte. Qu’il affirme qu’il n’y a pas de moyens, c’est un fait. Mais il aurait dû communiquer et mobiliser les collègues. Des gens de bonté auraient apporté une contribution.
Nous, toutes et tous autant que nous sommes, devrions avoir honte parce que nous sommes complices de cette descente aux enfers de notre Université, qui perd un peu plus chaque jour, l’essentiel de ce qu’elle était.
Quand une organisation n’est même plus capable de rendre un véritable hommage à un des siens, c’est la fin.
Et c’est flippant, pour nous autres qui avons dépassé la cinquantaine et qui approchons donc de la ligne d’arrivée. C’est ainsi que l’Université va nous traiter ?
Il est urgent que le Président de la République, Chef de l’Etat, se saisisse du cas de l’UOB et, plus largement, de l’Université gabonaise dans son ensemble pour la restaurer. Il y a urgence !
Il est urgent que le Premier Ministre et son Gouvernement inventent des solutions nouvelles et rapides pour sauver l’UOB. Que des solutions pérennes et pas seulement des mesurettes de court terme soient effectivement mises en œuvre.
Aucun projet de développement d’un pays ne peut avoir de réelles assises en dehors de l’Université et sans l’Université.
Il faut donc redonner à notre Université tous les moyens nécessaires pour qu’elle se réinvite une nouvelle crédibilité et qu’elle retrouve son lustre d’antan.
Dans tout projet de développement d’un pays, l’Université ne peut pas assumer une place annexe; son rôle est central. Le Gabon, notre pays, ne peut donc pas réussir son développement SANS son Université.
Il y a urgence …
Daniel Franck IDIATA
Professeur Titulaire (CAMES 2011)