La mise en circulation le 15 décembre prochain d’une nouvelle gamme de billets BEAC type 2020 composée des cinq coupures 500 FCFA, 1000 FCFA, 2000 FCFA, 5000 FCFA et 10 000 FCFA relance le débat sur l’utilisation du franc CFA aujourd’hui. Pourquoi les six pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) le Cameroun, la Centrafrique, le Congo, le Gabon, la Guinée Equatoriale et le Tchad qui forment une zone monétaire distincte, continuent d’utiliser le franc CFA alors que cette monnaie a été déclarée morte en 2019 au profit de l’Eco dans les huit pays de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA): Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo ?
Il est donc étonnant de voir que la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC) se contente de maîtriser l’inflation, en ne se préoccupant ni de la croissance, ni du développement économiques. Elle privilégie l’objectif de change à la croissance. En cela, elle est une caisse d’émission plutôt qu’une véritable banque centrale puisqu’elle n’a plus la maîtrise de sa politique monétaire. De facto, ce choix perpétue la domination de la consommation sur la production, maintient la prime implicite en faveur de la consommation et, qui plus est, de la consommation importée, autre forme de la préférence pour une gestion extravertie des relations économiques. On ne saurait comprendre autrement pourquoi le taux de change actuel entre le franc CFA et l’Euro perdure, alors même que tous les analystes sérieux de la zone Franc s’accordent depuis quelques années sur le fait que ce taux de change défavorise les populations des Etats membres de la CEMAC. Rappelons que, le franc de la communauté financière africaine (CFA) est un exemple frappant du lien (post)colonial qui se perpétue entre la France et ses anciennes colonies d’Afrique de l’ouest et du centre. Cette monnaie a ceci de particulier qu’elle a été créée sans convergence économique préalable entre les différents territoires coloniaux, puis entre les nations indépendantes qui l’ont en partage et que son fonctionnement défie les règles de transparence en vigueur dans les instances monétaires et financières internationales. L’absence de contrôle des populations qui l’utilisent, ainsi que la rigidité de son ancrage vis-à-vis de l’Euro posent la question de son rôle dans la persistance de l’extraversion des économies africaines et la faible croissance structurelle dont souffrent ces dernières.
Il est en effet difficile d’expliquer cette situation, face à l’inefficacité interne et externe de la politique monétaire conduite dans la CEMAC et au caractère aberrant du lien entre le franc CFA et le Trésor français sur des accords de nature budgétaire, alors même que le franc français n’existe plus et que la politique monétaire de la France se décide désormais à Francfort en Allemagne, où se trouve le siège de la Banque Centrale Européenne (BCE).
Avec la mort du franc CFA, la BEAC devrait plutôt lancée l’émission d’une nouvelle série de billets nommée « Eco », pour améliorer encore les caractéristiques des billets et leur sécurité. Elle devra s’assurer de la diffusion des nouveaux billets sur l’ensemble des pays de la CEMAC, grâce à son réseau de caisses. La distribution auprès du grand public s’effectuera ensuite essentiellement par l’intermédiaire des distributeurs automatiques de billets des établissements de crédit.