Affaire Tony Ondo Mba : Ses avocats contre-attaquent.

En raison de l’actualité judiciaire marquée par la vague des arrestations orchestrées dans le cadre de l’opération anticorruption dite « scorpion », les avocats d’Emmanuel Norbert Tony Ondo Mba représentés par le cabinet Nkoulou-Ondo ont organisés une conférence de presse ce samedi 14 décembre dans leurs locaux.

Pour information, initiée dans le cadre de l’assainissement des finances publiques, l’opération « Scorpion » est dirigée par le Premier président de la Cour d’appel de Libreville, Alex Mombo. Elle se déroule sur la base d’informations fournies par les directions générales des contre-ingérences et de la sécurité militaire, communément appelée (B2) et les services spéciaux.

En effet, l’ex-ministre de l’Eau et l’Énergie Ondo Mba a été interpellé et arrêté le  03 décembre 2019. Dans un pays de droit, il est clair que cette arrestation relève de l’inimaginable au regard de son statut de député bénéficiant de l’immunité parlementaire.

Pour rappel, Tony Ondo Mba a été élu député du Parti Rassemblement pour la restauration des valeurs (RV-PDG) du siège unique de la Communauté de Bitam aux termes des élections législatives du 06 octobre 2018. A la faveur d’un décret du Président de la République, il a été porté aux hautes fonctions de membre du gouvernement en janvier 2019.

C’est donc au lendemain de sa sortie du gouvernement, qu’il est interpellé par des Officiers de Police Judiciaire alors qu’il sortait de l’Assemblée Nationale, puis placé en garde à vue au B2 pendant plusieurs jours. Il y subira plusieurs interrogatoires en enquête préliminaire, avant d’être déféré au Parquet de la République près le Tribunal de Première Instance de Libreville, le 13 décembre 2019.

Sur réquisition du Procureur de la République, information judiciaire confiée au Juge d’Instruction du Cabinet Spécialisé N 1 est ouvert à son encontre.

A l’examen du réquisitoire d’information, il est inculpé des chefs de complicité de détournement de fonds publics, concussion et association des malfaiteurs, et mis en examen.

Cette information judiciaire encourt nullité conformément au droit, notamment dans : Le Préambule de la Constitution gabonaise du 26 mars 1991 modifiée ; La Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples ; La Charte nationale des libertés de 1990.

Ces textes consacrent et garantissent à tous les droits de la défense et il est dévolu au juge judiciaire, gardien de la liberté individuelle, la mission d’assurer le respect des principes fondamentaux énoncés au titre préliminaire de la loi fondamentale.

Pour l’avocat à la cour et animateur de la conférence de presse, Ruphin Nkoulou, la mission n’est pas aisée, elle requiert surtout les sens de la responsabilité, du devoir et du courage. Il appartient à la justice de garder inviolé les limites de la séparation des pouvoirs afin d’éviter toute immixtion, sinon de la sanctionner au besoin, en toute objectivité bien évidemment. Parce que la loi est dure mais que c’est la loi, les tenants de la justice doivent s’assurer de son application et de son applicabilité. Or, c’est de cette application de la loi et de la loi seule dont il est justement question aujourd’hui.

Nul ne peut cautionner une atteinte à l’intérêt général, pas même l’avocat et encore moins le Ministère Public dont la mission consiste à veiller au respect et à l’équilibre de l’ordre public. Mais il y a que cette mission doit s’effectuer dans le respect des règles établies. Ce qui malheureusement, ne semble pas être le cas dans l’affaire Tony Ondo Mba.

En tant que député, Tony Ondo Mba bénéficie par la loi, de l’immunité parlementaire dans les dispositions de l’article 38 de la Constitution et les dispositions de l’article 95 du Règlement de l’Assemblée Nationale, l’article 21 de la loi organique N 11/96 du 15 avril 1996 relative à l’élection des députés à l’Assemblée Nationale, de l’article 13 (et son alinéa 3) de la loi organique du 15 avril 1996.

Ni la suspension de protection prévue par ces textes, ni la reprise de cette protection ne sont soumise à l’application de certains préalables. Pourtant, c’est bien ce que semble soutenir le maitre des poursuites pour justifier l’interpellation, l’arrestation et la mise en examen de l’honorable député Tony Ondo Mba. Le Ministère Public considère en effet qu’après sa sortie du gouvernement, Monsieur Ondo Mba se devait d’accomplir préalablement certaines formalités à l’Assemblée Nationale pour retrouver son immunité qui était suspendue pendant l’exercice de ses fonctions gouvernementales.

Or, non seulement aucune disposition légale ne le prévoit expressément comme déjà rappelé, mais nous ne sommes absolument pas dans un des cas énumérés par la loi susceptible de justifier la position du Ministère Public. Or, en l’état actuel de notre législation, aucune disposition législative ou règlementaire ne le prévoit expressément. Il y a donc là un vide juridique qui ne peut absolument pas être comblé par une soit disant pratique ou coutume règlementaire.

Cette grossière erreur qui consiste à trainer des élus locaux devant les juridictions pendant l’exercice de leur mandat a déjà été commis par le passé. Elle a fort heureusement été réparée par la Cour de Cassation lors de l’affaire Bilie Bi Nze dans sa décision N 01/2009-2010.

Dans le cas d’espèce, la mise en examen de l’honorable député Emmanuel Norbert Tony Ondo Mba n’est justifiée ni par un cas de flagrance, ni par une autorisation du bureau de l’Assemblée Nationale encore moins par la levée de son immunité parlementaire.

Serge Kevin Biyoghe

Rédacteur en Chef, Journaliste-Ecrivain, Sociétaire de la SCAM (Société Civile des Auteurs Multimédias), membre de la SGDL (Société des Gens De Lettres), membre du SFCC (Syndicat Français de la Critique de Cinéma), membre de l'UDEG (Union Des Écrivains Gabonais).

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