« A moins de 3 ans de l’émergence, les tam-tams se sont tus » affirme Serge Abslow.

C’était en 2009, à la mort d’Omar Bongo, alors que le Gabon tout entier se sentait orphelin de cet homme avec qui nous étions nés et avions grandi, comme déboussolés par l’ébranlement d’une pierre angulaire, on s’était alors accrochés à la seule bouée qui s’offrait à nous. L’émergence ! 

Un terme que nous n’utilisions que pour évoquer quelques pays lointains qui nous servaient de cas pratiques dans nos cours d’initiation à l’économie, au lycée ou à la fac, alimentant les fantasmes d’une croissance à 2 chiffres ininterrompue. Ces pays qu’on imaginait beaux et fiers et qui s’imposaient sans complexe à l’admiration du tiers monde.

Alors on y a cru, en cette émergence à laquelle on nous invitait tous à l’horizon 2025. Ça paraissait si loin pour un peuple manquant de tout. Un peuple impatient enfin de disposer de tout. Des routes, des logements, des écoles, des hôpitaux, des moyens de transport, de l’énergie et de l’eau pour tous. Rien que cela suffirait à faire notre bonheur.

Déclinée dans un instrument programmatique baptisé le Programme Stratégique Gabon Emergent, le projet d’émergence à l’horizon 2025 nous fut vendu à grand coup de publicité. C’était le temps du  (1) Gabon vert, (2) du Gabon bleu, (3) du Gabon industriel et du (4) Gabon des services. À leur seule évocation, j’en frissonne encore d’excitation.

À la lumière des sommes englouties, dont le chiffre scandaleusement parlant est cette dette abyssale de près de 8000 milliards contractée en 13 ans, on ne savait pas qu’à l’arrivée, cette quadrature supposée structurante du PSGE par les marchands de rêves, se transformerait en une quadrature du cercle. Une équation impossible à résoudre.

À moins de 3 ans de l’échéance de cette émergence décrétée, quel bilan peut-on en faire? Si on a pu construire quelques linéaires de routes vers le sud, ces nouveaux tronçons louables sont éclipsés par la grave dégradation des linéaires menant au nord et à l’ouest. Les 65 000 logements attendus à raison de 5000 par an, sont devenus un mythe.

En dépit des classes supplémentaires érigées ci et là, nos écoles sont condamnées au cercle vicieux des effectifs pléthoriques. Si des bâtiments ont été élevés dans l’enceinte de nos hôpitaux, les compétences internes y ont été négligées et marginalisées au point d’en faire des mouroirs où des soignants hypocrites ont troqué leur serment d’Hippocrate.

À trois ans de cette émergence proclamée, il est devenu 3 fois plus pénible de voyager vers l’intérieur du pays. Le chemin de fer à l’agonie continue d’aller péniblement à Franceville. Les avions ont disparu sous le ciel gabonais et les seuls qui volent n’atterrissent qu’à Franceville. Pendant ce temps, des rafiots reliant Libreville et Port-Gentil coûtent la peau des fesses.

Sur le plan énergétique, faute des barrages dont les travaux avaient été inaugurés avec des trompettes et des cornemuses, le Gabon est contraint d’acheter de l’énergie à la petite Guinée équatoriale devenue dans le même temps, le petit dragon de la sous-région, pour alimenter ses populations du nord. L’eau est présente partout sauf dans les robinets. Et depuis, l’euphorie de l’émergence s’est estompée.

Ses chantres d’autrefois ont transformé le rêve en cauchemar. Les Agences créées pour la soutenir ont disparu et leur armée d’experts venus du monde entier ont déserté. Le PSGE s’est mué en un modeste PAT dans lequel ces médiocres continuent de patauger. La seule émergence visible et palpable est celle des nouveaux riches issus de ce système de prédation entre copains et coquins. Et fatalement, les tam-tams de la vraie émergence se sont tus!

Serge Abslow

Paul Essonne

Journaliste

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