L’ordonnance n°005/PR/MEP du 27 janvier 2025, fixant le régime particulier des pensions de retraite des gouverneurs de province, consacre un traitement de faveur inédit pour ces hauts fonctionnaires de l’administration territoriale. Avec une pension mensuelle de 1,3 million de fcfa, des soins médicaux pris en charge à vie pour eux et leur famille, ainsi que des frais funéraires couverts par l’État, ce dispositif leur garantit une retraite dorée. Pourtant, au-delà du coût important pour les finances publiques, une question essentielle demeure : ce statut est-il en adéquation avec le rôle réel des gouverneurs ?
Loin d’être des décideurs économiques ou des moteurs de développement régional, les gouverneurs apparaissent comme de simples relais du pouvoir exécutif. Ils ne fixent aucun cap économique pour leur province, ne s’élaborent pas de stratégies locales de croissance et n’ont qu’un pouvoir limité sur l’allocation des ressources. Leur mission consiste principalement à appliquer les directives venues du sommet de l’État, à superviser l’administration locale et à maintenir l’ordre public. Dans ce contexte, un tel privilège de retraite est-il justifié pour des acteurs dont l’impact économique reste limité ?
Pendant ce temps, un tiers de la population vit en dessous du seuil de pauvreté et le taux de chômage des jeunes frôle les 40%. Dans un pays où l’écart entre les plus riches et les plus pauvres reste criard, ce traitement de faveur renforce un sentiment d’injustice sociale et alimente la frustration d’une population qui peine à accéder aux besoins essentiels.En outre, cette ordonnance s’inscrit dans un contexte de rationalisation des dépenses publiques où chaque franc dépensé devrait être justifié par un apport concret à la nation.
Avec un coût annuel estimé à 172,9 millions de fcfa, financé exclusivement par le budget de l’État, il est légitime de se demander si cet argent ne pourrait pas être investi dans des infrastructures locales, des programmes de développement économique ou des services publics plus efficaces au bénéfice des populations. Comment justifier une telle pension à vie alors que tant de Gabonais peinent à se loger, à se soigner ou à simplement trouver un emploi ?
Cette mesure révèle finalement une contradiction profonde : d’un côté, l’État prône une gestion rigoureuse des finances publiques et la fin des privilèges inutiles, et de l’autre, il maintient des avantages conséquents pour des fonctionnaires dont l’utilité économique reste discutable. Le rôle même des Gouverneurs mériterait d’être redéfini, afin qu’ils deviennent véritablement des acteurs du développement régional, capables d’avoir un impact concret sur la croissance locale. Faute de quoi, leur statut risque de rester un symbole d’un certain immobilisme administratif, financé à grands frais par les contribuables, dans un pays où les inégalités ne cessent de s’aggraver..(Source Insisidenews241)