Ma première préoccupation est l’état économique de notre pays le Gabon. Nous avons une économie qui n’a jamais eu de colonne vertébrale, c’est-à-dire qu’elle n’est pas capable de se dresser devant les soubresauts qui secouent le monde globalisé. Il y a deux (2) exemples qui illustrent ce que je viens de dire.
Dès 2014, le Gabon plus que les autres, a subi de plein fouet les émissions de la crise du pétrole. Cette crise due à la volatilité des cours du pétrole a démonté complètement les affirmations constantes des dirigeants du pays, qui prétendaient que le Pays était rentré dans l’ère de la diversification économique et que les recettes hors-pétrole nous permettraient de tenir bon. On a fini par nous annoncer des pertes de recettes pétrolières qui s’établissaient à plus de 400 milliards de Francs CFA sur une année et qui obligeaient le pays à mettre en place un plan de réduction des dépenses de l’Etat, le gel des recrutements et des concours pour faire face au choc.
Dès mars 2020, la crise sanitaire est venue nous rappeler combien le marché gabonais dépendait des importations. Avec un pays qui s’est barricadé en suivant la danse du confinement, le Gabon a clairement montré son incapacité à nourrir sa population parce que le pays ne produit absolument rien qui soit susceptible de répondre aux besoins de sa population. Les gabonais ont souffert durement de ces crises successives, qui ont affaibli l’économie gabonaise presqu’à l’arrêt pendant deux ans.
Je peux comprendre la volonté des autorités gabonaises de mettre en place un plan de relance économique post-COVID mais le problème est que les chiffres qui auraient pu permettre d’orienter et d’orchestrer une reprise économique n’existent pas quand ils ne sont pas faux et contradictoires.
À ce jour, suite à la Covid-19, qui sait combien d’entreprises gabonaises ont fermé et dans quels secteurs? Il a fallu attendre un texte de l’analyste May’s Mouissi pour savoir que le Gabon a perdu plus de 16 000 emplois dans la période allant de 2017 à 2022. Qui sait combien d’entreprises ont été sauvées par le plan de relance économique annoncé, ou même combien d’entreprises ont-elles opéré la transition numérique tant souhaitée pour se prémunir d’un éventuel arrêt du travail en présentiel ?
À ce jour, nous n’avons pas les chiffres du nombre des Gabonais Economiquement Faibles (GEF), qui sont sortis de l’étau de la précarité, pour redevenir Gabonais simplement. Les chiffres annoncés sur le nombre des emplois créés dans la désormais zone industrielle spéciale, ancienne GSEZ, varient tout le temps et vascillent exagérément entre 4000 et 7000 emplois et dans ce nombre, combien y a-t-il de gabonais ?
Personne ne peut le dire sur la base d’un document unique avec des informations vérifiables ou même consultables. C’est la même logique qui guide les données sur la population gabonaise et étrangère. On nous parle de deux millions d’habitants, certains soupçonnent que ce chiffre n’est pas fiable. Que dire des communautés étrangères dans notre pays, personne n’est capable de nous dire combien y a-t-il de maliens, sénégalais ou burkinabés au Gabon. Quand je compare les chiffres de la population par province avec la réalité, les soupçons d’une politisation desdits chiffres ne sont pas à exclure.
En définitive, si les chiffres qui auraient pu nous permettre de relancer notre économie en connaissance de cause et de gouverner le pays sont faux et parfois inexistants, sur quelle base les autorités peuvent-elles agir pour résoudre les problèmes des gabonais ? C’est cette crise des chiffres qui conduit aujourd’hui les gabonais à penser que le nombre de passagers à bord de l’Esther Miracle annoncé par les autorités gabonaises au moment du drame était faux. Je ne parle même plus des chiffres (résultats) attribués aux candidats lors des différentes élections. La falsification et la manipulation des chiffres sont à l’origine du mal gabonais.
Jo DIOUMY MOUBASSANGO