« Triste constat de la carrière diplomatique au Gabon » révèle Sosthène Ngokila.

La carrière diplomatique au Gabon ressemble à la note verbale qui, elle, n’a de verbal que le nom alors qu’elle est écrite. La carrière diplomatique quant à elle n’a de diplomatique que l’adjectif, sinon, il ne s’agit que de la carrière d’un fonctionnaire de l’Etat gabonais, soumise aux limites de la gestion approximative de la fonction publique. Si un diplomate gabonais affirme aujourd’hui qu’il connait une belle carrière évolutive, je rétorquerai, sans hésitation, que ce fonctionnaire ne connait pas le secteur diplomatie. Car, la prise en compte de la Carrière (avec grand C) pour bon nombre de fonctionnaires des affaires étrangères, s’est arrêtée en 2012. Je confirme, je persiste et je signe. Après cette année, je mets au défi ceux qui peuvent esquisser le schéma de leur Carrière en diplomatie. Au contraire, je pourrais citer ici les arguments qui m’autorisent à affirmer que « aux Affaires Étrangères, personne n’a évolué entre temps ». Quand je dis « personne », je parle de la majorité et non des très rares individualités poussées par le « bras politique »(le gros de ces individualités, d’ailleurs, n’est même pas constitué de diplomates dits de carrière).

Prenons d’abord le cas des « diplomates les plus connus comme tels »: les ambassadeurs. Il est à noter que les ambassadeurs, originaires des affaires étrangères, avaient en masse été nommés entre 2009 et 2011 sous l’action du Ministre Paul Toungui (A César ce qui est à Cesar et à Paul ce qui est à Paul: aucun autre ministre n’a fait nommer autant de diplomates de carrière que ce Monsieur qui, au passage, n’est pas diplomate). Aujourd’hui, certains de ces Ambassadeurs sont encore en poste. D’autres à la retraite et toujours en poste. Quelques uns étant décédés en poste. Que la terre leur soit légère et le paradis leur méritée demeure. A cette évocation, Je ne peux éviter de penser à mon frère et ami Charles Essonghe, à qui les ministres précédents refusaient cette promotion à la fonction d’ambassadeur et qui avait, enfin, trouvé grâce auprès du Ministre cité plus haut. Je dis ce que je sais pour avoir introduit de longues listes aux cabinets de mes différents ministres (de 2005, en tant que Directeur Central du Personnel, à 2012, en ma qualité de Secrétaire Général Adjoint du Ministère, agissant de fait comme un Secrétaire Général de plein pouvoir, n’ayant à un moment ni supérieur direct ni 2ème adjoint à ce poste).

La carrière diplomatique, comme l’affirment les dispositions aphones de la loi 12/96 portant statut particulier des agents du secteur diplomatie, se déroule alternativement dans les services centraux et extérieurs. Combien d’agents du Ministère des affaires étrangères peuvent se targuer d’avoir satisfait à ces dispositions? Ils ne sont pas nombreux (Dieu merci, je fais partie de cette rareté!). Ce qui est observé de nos jours est que les diplomates nommés à l’extérieur prennent des titres « fonciers » à l’étranger et ceux qui demeurent dans les services centraux s’enracinent profondément en terre natale. La mobilité diplomatique en alternance (ce qui fait d’un simple fonctionnaire des affaires étrangères un réel diplomate) presque personne ne la connait. Fait plus désarçonnant, les « attachés diplomatiques et consulaires (personnes en provenance des autres secteurs publics) ont recommencé à écumer les postes dans les services extérieurs, confinant les agents des affaires étrangères aux tâches réservés aux « plantons » (j’exagère peut-être, mais c’est proche de la réalité). D’où ma question sans réponse: à quoi cela sert-il d’apprendre l’agriculture s’il faut juste regarder les médecins venir semer et récolter? Nous avons toujours besoin de médecins, oui mais pour soigner les malades. Et les diplomates pour faire la diplomatie. Oui, je reconnais qu’un ambassadeur n’est pas forcement un ambassadeur. Mais à vous aussi de reconnaitre qu’un diplomate est élevé (formé et éduqué) pour devenir un ambassadeur. Même si je change de personnage je vais toujours réussir à démontrer que la Carrière n’existe plus aux « Zah’Eu » (A.E. pour « Affaires Étrangères »). Combien de premiers conseillers et autres conseillers ont connu la « rotation » depuis 2011/2012? Certains gèrent désormais le décanat des chargés d’affaires intérimaires dans leurs juridictions (une vraie aberration). Me dit-on, quelques anciens premiers conseillers « rappelés » sont nommés, pour les plus chanceux, au poste de divisionnaire. Sans commentaire! Preuve que personne à la Centrale ne s’intéresse à la carrière de ces gens. Après, sommes-nous tous offusqués que le portail du prestigieux ministère des affaires étrangères devienne une « corde à essorer les vestes » sous la houlette du Syndicat des agents. Ledit syndicat est indexé parce qu’il réclame une prime de servitudes diplomatiques (PSD). Mais, entre nous, quand tu n’es pas occupé â avancer n’est-il pas légitime de réclamer au moins ton dû? (Mais cela est un autre débat sur lequel je reviens plus loin). Je n’ai pas eu besoin de m’éloigner des fonctions et des blocages des mécanismes liés aux nominations, affectations et rappels pour confirmer que la Carrière a du plomb dans l’air. Car, en me retournant vers la fonction publique, le constat est qu’il n’y a plus pour ces fonctionnaires ni recrutement, ni formation, ni avancement… etc… Qui peut ainsi me dire de quelle carrière il s’agit?

Sosthène Ngokila, diplomate

 

Paul Essonne

Journaliste

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