Soixante ans après les indépendances : l’Afrique tourne au ralentie.

Malgré les indépendances, l’Afrique connaît la misère, les exactions, les guerres. Ce n’est pas dû à un prétendu retard de développement. Le drame du continent n’est pas d’être en dehors de l’histoire mais d’avoir été au cœur de l’histoire du capitalisme. Le sang et la sueur de millions et de millions d’exploités d’Afrique ont permis à quelques riches puissances capitalistes d’édifier des fortunes énormes en Europe ou en Amérique. La pauvreté de l’Afrique et la misère de l’écrasante majorité de son peuple ne sont ni naturelles, ni une fatalité ; elles sont le résultat de siècles de pillage et de colonisation. Aujourd’hui, après avoir accédé à l’indépendance, les pays africains continuent d’être dépendants de l’impérialisme et victimes de sa barbarie.

Discuter des responsabilités africaines dans le sous-développement actuel, c’est faire croire qu’il existe une porte de sortie pour les pauvres dans le système capitaliste. Or c’est faux. L’impérialisme a définitivement fermé toute possibilité de développement économique au profit des populations des pays colonisés et cela depuis longtemps. Du 19e siècle jusqu’à nos jours, le capitalisme a façonné le monde entier pour servir exclusivement ses intérêts. Durant la colonisation, il a déformé les économies des pays pauvres en les intégrant au marché mondial pour servir de fournisseurs de matières premières ou de débouchés aux capitaux occidentaux. Au 19e siècle et au début du 20e, la création de vastes chasses gardées, protégées par les appareils administratifs et militaires coloniaux, a été indispensable au capitalisme pour piller, exploiter et opprimer. Mais la colonisation n’a été que l’une des formes de la domination l’impérialiste. Le capitalisme avait commencé son œuvre de destruction avant la colonisation. Il n’a jamais cessé de la poursuivre depuis.

C’est pourquoi les exploités, les travailleurs, les paysans affamés d’Afrique ne peuvent défendre leurs intérêts qu’en combattant le système capitaliste dans son ensemble. Car c’est lui qui est la cause de leur misère, aujourd’hui comme hier. Les États nés de la décolonisation en ont hérité des économies déformées, soumises aux besoins des métropoles occidentales, et elles le sont restées. Les cultures d’exportation, imposées par la force sous la colonisation, s’étendirent bien plus encore après les indépendances.

Ainsi, l’impérialisme a réussi le tour de force de faire en sorte que ces pays essentiellement agricoles soient aussi ceux qui manquent le plus cruellement de nourriture. Sur cinquante-quatre pays africains, quarante-trois connaissent une sous-alimentation chronique. Et cette dépendance des pays africains agit comme un nœud coulant. Augmenter la production ne desserre pas la corde qui les étouffe, car ils ne sont maîtres ni de la demande des produits qu’ils exportent, ni des cours mondiaux des matières premières. Depuis la décolonisation, l’Afrique noire francophone est aussi devenue pourvoyeuse de richesses minières pour le plus grand malheur des populations.

Après 1960 et les indépendances, les pays africains ont donc connu la poursuite du pillage impérialiste sous différentes formes. Mais cela n’a pas été sans conséquences politiques pour leurs États. Au fil du temps et des répressions, les dictatures dont certaines ont duré plusieurs décennies, se sont usées et ont concentré toutes les haines des classes populaires.

Dans de nombreux pays, les conséquences de ces changements furent dramatiques. La décomposition des États, le renforcement de la démagogie ethniste, la misère montante, sans oublier la raison principale, la pression accrue du pillage des trusts impérialistes, tout cela donna lieu à des guerres civiles plus atroces les unes que les autres. Certains États s’effondrèrent, tandis que leurs armées explosaient en de multiples bandes d’hommes armés, au sens premier du terme, qui s’affrontèrent pour le pouvoir. Ce qui se passe en Afrique n’est pas lié à un en retard de développement, comme on voudrait nous le faire croire. Au contraire, c’est parce que leurs richesses sont au cœur de l’exploitation capitaliste que bien des pays d’Afrique connaissent une barbarie sans nom, mais pas sans responsables.

Alors, on pourrait croire qu’on a touché le fond et que le pillage de ce continent ne peut pas aller plus loin. Mais c’est mal connaître ce dont la bourgeoisie mondiale est capable dans le domaine de l’oppression. Son système économique a beau être à bout de souffle, elle persévère à imposer sa dictature sur le monde ne reculant devant aucun moyen d’accroître ses profits, quelles qu’en soient les conséquences.

Mettre fin à la misère en Afrique nécessiterait de réorganiser l’économie entière de ces pays et de la planifier en fonction des besoins des populations, et non en fonction des besoins des métropoles capitalistes. Cela nécessiterait une réelle planification urbaine, pour faire disparaître les bidonvilles et donner à des millions de prolétaires la possibilité d’avoir une vie décente. Ce serait une transformation immense qui ne pourrait se faire qu’en mettant les rênes de l’économie dans les mains des travailleurs africains, tout en établissant des liens étroits avec les travailleurs des pays riches, pour débarrasser le monde de la dictature des trusts impérialistes.

Serge Kevin Biyoghe

Rédacteur en Chef, Journaliste-Ecrivain, Sociétaire de la SCAM (Société Civile des Auteurs Multimédias), membre de la SGDL (Société des Gens De Lettres), membre du SFCC (Syndicat Français de la Critique de Cinéma), membre de l'UDEG (Union Des Écrivains Gabonais).

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