Très cher frère ékang, (moadzang), au nom de l’admiration que je voue à notre culture, je t’adresse cette lettre ouverte. Il y a bien longtemps que je ne te porte plus en estime (ma kang fe wa). Mais notre culture commune me pousse à t’interpeler pour t’alerter (ayiri wa dzêgn) d’un grand péril, car nous sommes forcément liés d’une manière ou d’une autre, par une alliance clanique au 1er, au 2ème ou au 3ème degré. Sinon, je me serais privé de t’importuner.
Par ces mots, je me permets de te conseiller (alep wa) comme on fait au village. Parce que tu as désormais pour agenda existentiel, la roublardise (mvo’o) et la traîtrise (akông) dont tu es le nouveau porte étendard national. Ce nouvel art de vivre est l’antithèse de notre culture, promotrice de certaines valeurs et productrice de valeurs certaines. A travers toi, je m’adresse à tous les « pahouins » qui trahissent notre code d’honneur (sosô’o).
Parce que militant et/ou membre de la loge (n’yebe), tu es devenu l’avocat du diable, défenseur acharné des causes perdues. Là où c’est noir, toi tu ne vois que du blanc. Là où il y a injustice, tu vois la justice. Là où il faut mettre de l’ordre, tu cautionne le désordre. En offrant ces bons offices, tu te crois malin en tentant de dissimuler ton service commandé derrière de faux airs vertueux et des mots mielleux.
Mais de tes éructations grotesques, suinte toujours cette horrible odeur de faux-cul. Tu ne trompe plus personne, car tu reflète tout sauf un authentique dépositaire de la culture ékang que ta nature bestiaire a bien heureusement cessé de revendiquer. Par ton renoncement aux valeurs de cette fière culture, tu démontre la grave dispersion de ton esprit, la profonde perversion de ton âme et l’irréparable corruption de ton être.
Tu te crois courageux (zoñg) alors que tu n’es que téméraire (ayoa). Comme tout bon esclave (nsã), tu es doté d’un instinct grégaire qui te fait agir tantôt comme un petit chien féroce contre les ennemis de tes maîtres, tantôt comme le plus minable cabot devant leurs amis. Tu excelles dans ces agirs que tu revendique désormais sans aucune gêne (ka fe ossoane). Tu te crois libre de tes choix mais tu es en réalité un animal domestique, un bon toutou obéissant à ses maîtres.
Tu te sens si à l’aise dans ce rôle d’exécutant de basses œuvres (mong minlomane), que tu es persuadé d’être investi d’une mission sacerdotale. Petite marionnette à la merci de piètres marionnettistes, ils font exécuter à tes bras de docker, le sale boulot qui renforce leurs positions. Mais les miettes qu’ils te jettent, en rétribution de ces services, sont infiniment plus petites que celles qu’ils jettent à leurs vrais chiens de compagnie.
Mais comment pourrais-tu en avoir encore conscience, ton cerveau étant désormais programmé pour plaire aux maîtres? Tu te sens heureux dans cette condition larvaire où tu sers de marche pied et de serpillière à des demi-portions que tu prends pour des demi-dieux. Obnubilé par des artifices, tu leur as même offert en supplément tes orifices, jetant aux orties les derniers attributs de l’homme ékang (fam).
Tu es ainsi devenu cet homme-femme (beka be fefam). Tout ça pour d’insignifiantes et éphémères possessions (biôm omo). Tu as oublié la dimension transcendantale de l’homme ékang à triompher de la faim (azôme zêgn). Tu es méprisant (abiane) du respect dû aux aînés (ngang) que tu vilipende (atê) allègrement. Curieusement, tu ne te prive jamais d’encenser ces gamins devenus tes maîtres.
Tu te crois débrouillard (ongorgora) mais tu n’es en réalité qu’une barbouze (essingang). Ayant renoncé à toutes les vertus que la culture millénaire ékang inculque à ses fils, même la solidarité (obangãme) qui les singularise des autres peuples, a déserté chez toi par appât du gain? En cela, tu es encore plus méprisable que tes maîtres. Tu es l’horrible épouvantail de la dignité.
Le prototype le plus abouti de l’ekang maté, brisé, dressé, dompté et reformaté… fabriqué par ces génies malfaisants qui n’ont pour seul outil de domination que l’argent. Cet argent qui te rend si zélé à exécuter des missions qu’eux-mêmes rechignent à assumer. Passé de lèche-bottes à lèche-culs, tu es ce triste et sombre pahouin que décrivait Max Anicet Koumba. Tu es le honte de ta famille, de ton village, de ton clan, de ta culture.