« Quel est donc ce beau projet de société qui fait la fierté des pedegistes ? » s’interroge Serge Abslow.

Ces derniers temps, on observe une montée au créneau des pédégistes. Et ils n’y vont pas par le dos de la cuillère, puisqu’ils font feu de tout bois sur l’opposition sur tous les sujets d’actualité sur lesquels elle donne son opinion en chahutant sans ménagement l’échec global du pouvoir en place. Il faut croire que ces critiques de plus en plus audibles dans l’opinion publique font mouche et dérangent nos amis, visiblement. 

Parmi les éléments de langage validés par leur laboratoire et donnés à leur soldatesque à l’offensive contre cette opposition contestataire et cette opinion frondeuse, se trouve en bonne place l’argument de l’absence d’un projet de société de cette opposition pour le Gabon, susceptible selon eux, d’offrir aux Gabonais un mieux-être qu’eux-mêmes échouent pourtant à produire. Et si on parlait un peu de ce programme de société que nos amis pédégistes se ventent d’avoir?

Contrairement à l’opposition qui, d’après eux, ferait de la santé de leur DCP, son seul projet de société, qu’ils nous rappellent déjà au souvenir de son nom, car à force de néant partout ces derniers temps, on a fini par l’oublier  « L’égalité des chances »? Je pouffe presque de rire à la seule évocation de ce nom. Les génies qui ont baptisé ce projet de cette formule ridicule en Gabonie, sont de vrais sorciers. Ils auraient été mieux inspirés de le nommer « Égalité des malchances ».

Au regard des inégalités que sa mise en œuvre a engendrées, chaque gabonais sait que cette appellation est plus proche de la réalité. Mais pour certains gabonais qui se sont équipés de boules quiès et d’œillères, comme ces pédégistes fanatiques qui se repaissent du sang de leur compatriotes, ils continuent obstinément de voir dans l’échec patent, des raisons de satisfaction. Dans un déni des réalités devenu pathologique, ils continuent de s’enorgueillir de leur misérabilisme philosophique et presque doctrinal.

Qu’a produit au juste ce projet de société qui les rend si fiers? De « l’avenir en confiance » à « l’égalité des chances », on a eu droit qu’à un interminable chapelet de promesses jamais tenues, dont voici la liste non exhaustive. (1) Les 5000 logements par an sont toujours attendus. (2) Les 10 000 emplois annuels sont toujours attendus. (3) Le nouvel aéroport de Libreville est toujours attendu. (4) Le port en eau profonde de Mayumba est toujours attendu. (5) Le petit Dubaï port-gentillais est toujours attendu.

(6) La Baie des rois de Libreville est toujours attendue. (7) La Marina d’Akanda est toujours attendue. (8) La nouvelle compagnie aérienne gabonaise est toujours attendue. (9) Les universités d’Oyem, Mouila et POG et l’Institut du bois de Booué sont toujours attendus. (10) Les barrages hydroélectriques Fe2, Impératrice et Poubara sont toujours attendus. (11) Le golf de 18 trous de la cité de la démocratie est toujours attendu. (12) Promise à la jeunesse gabonaise, la résidence Oyo est toujours la propriété des Bongo.

La liste des promesses non tenues est si longue qu’elle peut s’égrener à l’infini. Inutile donc de les accabler outre mesure. 13 ans d’une « politique de la parole en l’air » qui n’a curieusement fait des heureux que dans les rangs du PDG? Pour le reste, les gabonais déchantent dans leur grande majorité. Plutôt que de voir leur pays changer positivement, ils l’ont vu dégringoler dans tous les domaines. Jamais les jeunes gabonais n’ont été aussi nombreux à l’extérieur de leur pays, qui pour étudier, qui pour travailler et qui pour migrer pour simplement échapper à l’enfer national..

Et paradoxalement, jamais nos ambassades dans le monde n’ont été aussi sinistrées et leurs personnels humiliés. Car au pays, le chômage est endémique. Les écoles et les universités sont pléthoriques. Le secteur privé productif est sinistré et la fonction publique est un mammouth qu’il faut dégraisser. Toutes les infrastructures de base sont devenues obsolètes. Les hôtels sont en faillite. Les conférences nationales et internationales se tiennent désormais sous une tente.  Et les trains déraillent chaque semaine.

Les routes sont coupées partout et les avions n’atterrissent plus en province. Les délestages sont récurrents dans tout le pays. Et pour finir, la sécurité sociale et sanitaire des gabonais est aujourd’hui menacée par la faillite de la CNSS et de la CNAMGS. Le NYFA, le moto-show et la course off-shore ont déserté Libreville. Le seul projet qui prospère est l’accélération de la destruction de notre pays. On a englouti en 13 ans,  2500 milliards CFA chaque année, soit environ 32 500 milliards CFA. Et on a endetté par dessus le marché le pays à hauteur de 7 000 milliards CFA.

Tout cela  pour ce champ de ruines qui s’étale devant nous? Tout ça pour ça? Et pourtant, non loin de chez nous, avec à peu près les mêmes ressources dépensées sur la même période et une population infiniment plus nombreuse, le Sénégal est en passe de devenir un pays véritablement émergent. Pas cette émergence décrétée pour 2025 et qui ne viendra plus jamais. Alors, ne leur en déplaise, le seul projet de société que portera l’opposition gabonaise est celui de l’échec visible, palpable, mesurable et indiscutable de ce pédégisme minimaliste. Honte à eux !

Paul Essonne

Journaliste

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *