Pour qui se prend Sylvia Bongo ?

La grande tournée que s’apprêtait à faire Sylvia Bongo dans l’intérieur du pays a été reportée pour cause de COVID-19. Si les manifestations de la fondation qui porte son nom sont à louer, c’est la question du statut réel de la première dame qui est interpellée car la constitution ne lui reconnait aucun, au vu de l’inclinaison politique que pourrait avoir cette énième tournée sans Ali.

Afin de respecter les mesures de prévention préconisées par le Gouvernement de la République pour éviter la propagation du coronavirus au Gabon, tous les événements de la Fondation Sylvia Bongo Ondimba pour la Famille sont reportés sine die…».

C’est la substance du communiqué déposé dans les rédactions par la Fondation Sylvia Bongo pour la famille. Cette tournée, prévue débuter le 13 mars, c’est- à -dire au lendemain de la commémoration du 52ème anniversaire du Pdg, a gêné plus d’un.

Au-delà de la similitude mensuelle avec la fête du Pdg, beaucoup y voient cette tournée républicaine comme le désir de Sylvia de prendre le pouls de la réalité politique du pays. Il y a encore quelques semaines, le pays bruissait de rumeurs d’une tournée de présentation initiée par son fils Nourreddin au en début d’année. N’eût été l’intervention de l’Elysée via son monsieur Afrique, Franck Paris qui a dû tirer les oreilles du rejeton sur les risques potentiels que présentent ces déplacements au lendemain de l’opération Scorpion avec ses travers (les tortures avérées ou non) et le caractère inattendu de sa nomination par les populations qui ne comprennent pas encore la situation réelle de l’état de santé de son père, Ali. C’était en février.

Lancer une caravane à visée sociale et humanitaire ne serait qu’un trompe -l’œil. Malgré toute la sympathie et la sincérité que l’on peut accorder à Sylvia Bongo, il y a dans l’arrière – plan de cette mobilisation de la république, la reprise de la tournée avortée de Nourreddin. Et le choix de ce mois de mars n’est pas anodin. C’est celui de la célébration de l’anniversaire du parti au pouvoir, le Pdg. On pourrait penser que la fondation a voulu taire ou, tout au moins, réduire l’impact de cette célébration auprès des militants en se l’appropriant.

Le déplacement de la première dame devenue aujourd’hui celle qui fait et défait les carrières, mobilise la république. La mobilisation de l’élite administrative et politique est de mise et a un coût. Sur le plan politique, les nouveaux promus du Pdg auront à cœur de prouver leur capacité de mobilisation en signe de reconnaissance. Ces néo promus ont dans le viseur 2023 et il fallait les mettre sur les étriers pour voir leur capacité de mobilisation même pour une cérémonie limitée à priori.

Les gouverneurs, les préfets et les sous-préfets sont appelés, en leur qualité, à fournir les commodités nécessaires pour que le séjour des hôtes se passe dans de meilleures conditions. Dans le même sillage, le parti au pouvoir, le Pdg dont la première dame est présidente d’honneur devra mobiliser ses troupes pour magnifier les actions de leur présidente.

Les ministres et les autres élites devront aussi se montrer. Sachant que le pouvoir est désormais entre les mains de cette femme devenue hyper puissante depuis les problèmes de santé d’Ali, chacun se précipitera à montrer patte blanche.

Les femmes, qui sont au cœur des préoccupations de la fondation Sylvia Bongo sont aussi les mêmes qui surfent sur la mobilisation politique. C’est un secret de Polichinelle que de dire que la force du parti au pouvoir, c’est la femme. Et Sylvia le sait. Elle va donc faire d’une pierre deux coups. Traiter des questions des droits de la femme, de l’éducation des jeunes et de la précarité qui sont les domaines d’intervention de sa fondation d’une part, et des questions politiques en relation à la mobilisation de la femme et des jeunes d’autre part. La fondation n’ayant pas donné le déroulé du programme officiel de cette tournée, il est donc à parier que la présentation de Nourreddin aux autorités et élites politiques de chaque coin sera au programme. Des rencontres informelles devront se faire pour connaitre qui fait quoi et qui est capable de quoi dans la province, le département ou le district.

En réalité, c’est tout le travail effectué par BLA. Avait- il remit les conclusions à Sylvia et à Nourreddin avec tous les éléments d’analyse? On ne saurait répondre objectivement. Mais, à ce qu’il semble et compte tenu du sort qui a été réservé à ce faucon blanc, des doutes subsistent quant à la sincérité de ses conclusions voire même sur de toute la tournée, remises aux concernés. Sylvia, en l’état actuel des choses, n’a pas une lecture objective de la sociologie politique de l’heure. Libreville étant le terreau par excellence des ambitions et où les courtisans sont légions, leur vérité est à prendre avec des pincettes.

Par contre, la vérité est dans l’intérieur du pays où les populations parlent encore avec le cœur. Malheureusement, leurs doléances sont souvent sacrifiées sur le terreau des ambitions personnelles de leurs élites. Il faut donc parler face à face, sans filtres pour connaître cette odeur populaire qui prépare souvent la bourrasque. C’est tout le sens de la descente de la fondation.

Aux dernières nouvelles, sauf changement de dernière minute, la campagne commencera par l’Estuaire. Nul doute que Julien Nkoghe Bekale qui s’invite à tous les râteliers depuis un certain temps ne manquera pas cette occasion extraordinaire de mettre les petits plats dans les grands à travers une mobilisation monstre. L’aventure du grand rassemblement de l’Ajev à Nzeng-ayong qui a scellé le sort des BLA boys reste encore sous sa gorge. Il y a donc un risque énorme de grande confusion volontairement entretenue de ce qui se voudra être un simple évènement de rencontre sociale vêtu d’oripeaux politiques d’adoubement de Nourreddin.

Au finish, il est à craindre une rivalité entre les provinces au sujet de qui fera la meilleure « remontada » en termes de mobilisation. Au grand bénéfice de la première dame. La constitution ne lui reconnaissant aucun statut, la fonction de première dame n’étant régie par aucun acte législatif, la question subsidiaire demeure au vu de cette mobilisation républicaine. Pour qui se prend Sylvia Bongo ? Présidente bis ? Première dame ? Présidente d’honneur de l’Ufpdg ? Présidente de la fondation qui porte son nom? Toutes ces casquettes sont portées par elle au point d’entretenir le flou. Volontairement.

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