Peut-on encore rire de tout dans ce climat délétère au Gabon ?

De quoi est-il question dans cette question ? L’humour est blessant quand il est moquerie, et quelque part il est toujours moquerie quand il s’agit de rire d’une communauté, d’un sexe, d’une orientation sexuelle, etc. Ainsi le problème réside dans le fait, simple à comprendre et expliquer, d’une méchanceté humoristique prononcée à l’encontre d’une personne ou d’un groupe.

Le débat est ouvert. Aujourd’hui, l’humour peut-il encore s’attaquer à tous les sujets ?

Oui, d’une part, car il ne faut pas normaliser le rire. Mais le rire n’est ni bienveillant, ni malveillant : on rit toujours de quelque chose ou de quelqu’un. Le rire, c’est fait pour dépasser nos angoisses, nos traumatismes. La vérité, c’est qu’on ne peut plus rien dire. La censure, c’est cyclique. Maintenant, Internet a ouvert la porte à de sinistres malfaisants. Qu’est-ce qu’on veut ? La sinistrose ? Il faut qu’on retrouve notre joie de vivre.

Non, d’autre part, car c’est une bonne chose qu’un certain nombre de propos disparaissent… aujourd’hui on ne les tolère plus, et tant mieux. On fait son chemin vers une société plus policée, plus respectueuse, c’est un bienfait. On a beaucoup de droits et on a aussi des devoirs, notamment celui de ne pas porter de propos dégradants dans une société qui doit vivre en harmonie et accepter toutes les différences.

On peut rire de tout mais cela dépendra de nos intentions, du respect que l’on accorde à autrui. Il faudra également être prêt à justifier ses propos et, mieux encore, les utiliser pour mener une critique du contenu de la blague.

Le rire est la meilleure arme contre ces gens qui pensent qu’on ne doit pas naître libres et égaux. L’humour est la chose la moins bien partagée du monde. Ce qui vous fait rire ne fait pas forcément rire votre voisin parce que vous n’êtes pas à la même place. Il y a mille façons d’être drôle. Le rire est le signe manifeste d’une société démocratique.

L’humour est une qualité ! Mais jusqu’où peut-on aller dans la plaisanterie ? Quand faut-il arrêter de blaguer ?

On assiste à un renforcement de certaines limites. Car l’humour évolue avec la société. Ainsi, on a vu se multiplier depuis plusieurs années les actes antisémites et racistes. Le nécessaire durcissement de lois en la matière a bien sûr eu un impact sur les limites des plaisanteries. Faire rire sans égratigner personne est ainsi devenu une véritable gageure, car les plaisanteries sont souvent difficilement politiquement correctes : il y a toujours une victime. Le diktat du politiquement correct a mis son carcan sur notre libre expression.

Paradoxalement, ce durcissement de l’humour d’un côté s’accompagne d’excès de l’autre, comme on peut le voir sur Internet, notamment avec les réseaux sociaux. Les blagues les meilleurs, comme les plus affligeantes, font le tour du monde en quelques heures.

Finalement, à la question peut-on rire de tout, la réponse la plus sensée est tout simplement c’est l’intention qui compte. Car plutôt que de chercher à définir d’éventuelles limites et autres sujets tabous, il vaut mieux se demander quelle est l’intention du blagueur. Si la blague est prétexte à se moquer, stigmatiser, rabaisser, alors il y a des raisons de s’inquiéter et de condamner.

Serge Kevin Biyoghe

Rédacteur en Chef, Journaliste-Ecrivain, Sociétaire de la SCAM (Société Civile des Auteurs Multimédias), membre de la SGDL (Société des Gens De Lettres), membre du SFCC (Syndicat Français de la Critique de Cinéma), membre de l'UDEG (Union Des Écrivains Gabonais).

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